Débats sur la fessée ou sur les suppressions des notes, croisades contre le harcèlement moral : Natacha Polony déplore que ces dénonciations se fassent au nom d’une sacralisation de l’enfant au détriment de la recherche de l’excellence. Elle a raison !
Ça y est, la nouvelle cible est choisie. C’est en cuisines que le grand nettoyage aura désormais lieu. Enfin, on y brise le «tabou» de la maltraitance. Pourtant, il y avait déjà eu des articles sur les violences qui faisaient partie autrefois de l’arsenal de certains chefs. Il y avait eu des enquêtes sur ces quelques femmes qui osaient se faire une place dans un milieu d’homme, et devaient affronter les blagues machistes et les allusions salaces. Alors pourquoi ces annonces tonitruantes sur la «fin de l’omerta»? Peut-être parce qu’il s’agit désormais de s’appuyer sur ce refus légitime de la violence pour glisser vers tout autre chose: l’instauration fantasmée d’un monde fait d’amour et de coton d’où serait bannie toute humiliation.
Le mot a son importance. Parce qu’il revient dans à peu près tous les débats touchant de près ou de loin à une forme de transmission. Ce sont ces allégations relayées dans la presse d’un commis passé deux jours dans les cuisines de Joël Robuchon (absent au moment des faits, mais qu’importe, puisqu’un article contenant son nom -et si possible le prix de ses menus «pour riches»- sera davantage lu) et se plaignant «d’humiliations» de la part du chef japonais (et du fait qu’on n’avait «pas le temps de déjeuner»). Ce sont ces débats sur la fessée dont le caractère inacceptable viendrait -notamment selon Daniel Cohn-Bendit- du fait qu’elle «humilie» les enfants. Ce sont enfin ces tentatives pour supprimer les notes à l’école parce qu’elles aussi «humilient».
Allons encore plus loin. Ce qui est dénoncé dans ces grandes croisades à travers les mots de «harcèlement moral» comme à travers celui de «pression», ce n’est plus la perversité d’un tordu prenant plaisir à détruire une proie (car le harcèlement moral existe bel et bien, comme existe la dyslexie, ce qui ne fait pas de tous les enfants à qui l’on n’apprend plus à lire des dyslexiques), mais seulement l’exigence et la rigueur qui ont toujours eu cours dans des domaines où l’on prétend à l’excellence.
En un temps où les professeurs sont invités à bannir des bulletins scolaires les appréciations jugées dépréciatives (l’auteur de ces lignes se souvient pourtant avec amusement d’un «Votre devoir passe sur les problèmes comme l’eau sur les plumes du canard» de la part d’un professeur de philosophie), une question se pose: la sacralisation de l’ego des jeunes au motif que seul un enfant que l’on valorise saurait acquérir cette précieuse image de soi qui en fera un adulte épanoui, cette obsession du respect (que l’on réclame toujours comme un dû) ne rendent-elles pas totalement impossibles la progression, l’effort, la rage,parfois, de dépasser une défaite, qui sont les conditions indispensables pour atteindre l’excellence ? •
Peut-être faudrait-il ramener tous ces donneurs de leçons à l’étymologie du verbe « humilier »: humilier c’est rendre humble, ramener à l’humilité ceux dont l’égo démesuré tend à leur faire croire qu’ils ont la connaissance infuse et n’ont donc rien à apprendre d’un maître placé au-dessus d’eux, ou en avance d’eux sur le chemin du savoir. Nous vivons dans un monde narcissique dans lequel admettre que l’on puisse avoir à apprendre d’un autre est une vision dépassée et donc en soi réactionnaire.
il serait bon de leur apprendre des valeurs sures: courage, honneur, persévérence, humilité , vaillance, tenacité et non culte de l’égo