Quand une moitié des électeurs potentiels s’abstient, on parle de lassitude. Quand un quart de ceux qui expriment une opinion sont victimes du mode de scrutin, on invoque la règle du jeu. Quand le parti au pouvoir connaît une débâcle électorale, on dit qu’il s’agit d’élections locales. Quand le parti victorieux ne représente que le quart de la moitié des électeurs inscrits, on ne dit rien car cela pourrait conduire, en en soulignant la supercherie, à mettre en cause la légitimité même du « système ».
Certes, si on considère ses principaux acteurs, celui-ci peut sembler à bout de souffle. Comme enivrés par leur propre pouvoir collectif sur le pays, au travers d’une succession ininterrompue d’élections vécues comme autant de combats de boxe dont les Français sont les spectateurs de plus en plus indifférents, la plupart des partis politiques français semblent devoir imploser. Que ce soit pour des raisons de fond ou simplement tactiques, l’U.M.P. et le P.S., mais aussi E.E.L.V. et peut-être même le F.N., sont, à terme, sous la menace mortifère de clivages internes insurmontables. Certains analystes envisagent même la ré–émergence d’un Centre fort regroupant un Centre gauche façon Valls et un Centre droit façon Juppé, d’autres le retour d’une gauche arcboutée sur son idéologie obsolète ou la constitution d’une grande droite enfin « nationale ». Mais on peut surtout craindre que ne perdure un système nullement affaibli par une éventuelle redistribution des cartes politiciennes et qui, au contraire, risque de s’en trouver conforté.
En effet, le risque est grand que sautent les dernières digues érigées par la constitution de la Vème République pour limiter au mieux les effets dévastateurs du régime des partis. Déjà, M. Chirac a commis une grave faute politique en affaiblissant la fonction présidentielle par l’institutionnalisation du quinquennat. Même son ami, M. J.-L. Debré, président du Conseil constitutionnel, le reconnaît qui, interrogé sur les ondes de R.M.C. (jeudi 2 avril), se félicite que son propre mandat soit de neuf ans, parce que cela donne du temps et que le temps est important en politique… En fait, c’est plutôt à dix ans qu’il aurait fallu passer…
Maintenant, certains réclament l’instauration de la proportionnelle dans tous les scrutins, y compris les élections législatives. Mais, comme le rappelle régulièrement M. Guaino, celles-ci ont pour finalité politique de dégager une majorité. Si on veut une chambre qui reflète équitablement les diverses sensibilités partisanes, donc élue à la proportionnelle, l’alternative est claire : ou ladite chambre conserve les prérogatives de l’actuelle et c’est le retour garanti d’une instabilité chronique, c’est-à-dire le chaos; ou ses pouvoirs sont limités (représentation et propositions) ce qui suppose (horresco referens) de privilégier l’aspect forcément monarchique de la fonction présidentielle.
Cela impliquerait qu’une « bonne » République fût possible ou, au moins, qu’une mauvaise (pléonasme?) fût amendable. De Gaulle l’a peut-être cru, il est sans doute déraisonnable de seulement l’espérer. •
Le principe politique de la démocratie n’est pas que la majorité décide, mais que le peuple soit souverain. Le vote n’est lui-même qu’un simple moyen technique de consulter et de révéler l’opinion. Cela signifie que la démocratie est un principe politique qui ne saurait se ramener à une idée purement arithmétique ou quantitative. La qualité de citoyen ne s’épuise pas dans le vote.
Mais que dire du système électoral français que Mr Guaino estime indépassable : 40% des électeurs qui votent pour d’autres partis que le PS et l’UMP n’ont aucun représentant. Si les députés avaient été élus à la proportionnelle en 2012, il y aurait aujourd’hui 80 députés du Front national au Palais Bourbon.
Réfléchissons: si nous votions à la proportionnelle, nous ne voterions plus de manière légère, puisque le système des deux partis empêche de réfléchir. Si nous avions le choix du vainqueur nous prendrions le temps de connaître le candidat. Or, pour toutes les élections et surtout pour la présidentielle nous votons pour un rejet et non une adoption. Pour ce qui concerne le FN, je ne suis pas sur que la proportionnelle lui soit à lui seul favorable, la distribution serait autre. Ce n’est pas le vote qui inquiète les électeurs, c’est la marche prise par nos élus de tous bords pour la dissoudre notre culture et donc de la France..Dans le maintien du système actuel le FN a encore de beaux jours à vivre., ce qui ne fait pas des électeurs des extrémistes comme le prétendent les médias dociles aux cheffaillons de Bruxelles.
Et pourquoi pas le système « à l’anglaise », élection des députés au scrutin uninominal à UN TOUR, plus de magouilles entre les d eux tour, où l’on voit des UMP voter PS et vice versa
Tous les systèmes de représentation ont leurs inconvénients. La proportionnelle à un tour conduit à un tel effritement des tendances que l’Assemblée devient ingouvernable, ne se bâtit que sur d’improbables coalitions et que des micro-tendances font et défont le beau temps car l’apport d’un seul député (représentant… je ne sais pas moi… les ramasseurs de châtaignes en colère) devient indispensable. Dès lors les enchères sont mises très haut pour obtenir son suffrage et il peut pratiquer un chantage permanent. C’est, je crois, ce qui se passe (ou s’est longtemps passé) en Israël. Mêmes risques en Italie.
Que le FN ait comme aujourd’hui 2 députés, ou qu’il en ait 80 n’a que peu d’importance. En 1986, le FN en avait, au début (avant départs et ruptures) 35. Aucune influence politique, je puis en attester, j’étais dans le système à ce moment-là.
Le Parti communiste, aux élections de novembre 1946 a obtenu 28,3% des voix et 182 députés (sur, à l’époque, 627) : cordon sanitaire, gouvernements SFIO/MRP/Radicaux (à doses diverses).
L’uninominal a un tour a les conséquences inverses : sauf époques assez rares, survie de seulement deux partis avec alternance : Conservateurs et Libéraux puis, à partir de 45, à peu près, Conservateurs et Travaillistes.
La « Monarchie républicaine » instituée par la Constitution de 58 amendée en 62 est vraisemblablement ce qui, en République, convient le mieux à notre tempérament « poignard » (comme disait je ne sais plus qui dans « L’Enquête » (peut-être bien Maurras lui-même). MAIS à la condition du septennat. L’institution du quinquennat a été une véritable aberration et une incohérence.
Je sais bien ce qu’on peut dire : que si le septennat avait été maintenu, nous aurions eu plus longuement Chirac (jusqu’en 2009) et subirions encore Sarkozy (jusqu’en 2016. Les débuts de Hollande pourraient n’avoir lieu que l’an prochain…
Je laisse à la sagacité de tous le soin de gérer cette uchronie…
Réduire la question de la désignation des représentants par le scrutin à une discussion technique me paraît passer à côté d’une partie du problème. Il y a une dimension idéologique que l’on ne peut ignorer: C’est parce que la droite est divisée, mais que la gauche se retrouve toujours sur un terrain de compromis que le scrutin à deux tours a été instauré, et cette division de la droite fut toujours soigneusement entretenue. C’est pour cela que, dans les débuts de la III° république, le scrutin majoritaire à un tour fut écarté à la demande de Gambetta. Si on l’établissait en France, il n’est pas sûr que cette technique aurait le même effet qu’en Grande Bretagne.
@Antiquus : Substantiellement d’accord ; mon commentaire réagissait à ceux de Lecosquer et de Setadire, l’un penchant pour la proportionnelle, l’autre pour l’uninominal à un tour.
Je crois en fait qu’il ne faut pas se laisser embarquer sur le mythe d’une modalité de suffrage qui serait plus favorable qu’un autre au camp national : tout cela est affaire conjoncturelle et doit être souplement réfléchi.
Le vote féminin, jadis plus à droite que celui des hommes (et qui aurait, par exemple, empêché Cartel des gauches en 24 et Front populaire en 36) est désormais, paraît-il, plus à gauche ; en tout cas plus centriste. Cela pour dire, une fois de plus, qu’avant de rêver à l’idéal, il faut agir sur la réalité.
Supposons – ce que je ne crois guère, mais enfin !! – que Marine Le Pen soit élue, dans deux ans (ou Marion dans sept – Président de la République. Le séisme serait tel qu’il n’est pas impossible qu’aux Législatives suivantes, deux mois après, une majorité parlementaire à l’AN lui soit donnée (nouveaux élus et ralliements) alors qu’à la proportionnelle, le tintouin serait effrayant…