Zemmour s’amuse, ici – et nous amuse – au jeu des comparaisons. Qui ne sont jamais tout à fait raison mais peuvent avoir leur morale. Pour nous, par exemple. En tout cas pour ceux qui aujourd’hui voient dans la planche à billets le salut économique. Lorsque Zemmour s’amuse à écrire que Law fut le premier banquier central de l’histoire de France. il nous montre surtout comment le genre d’audace dont Law et ses contemporains crurent faire preuve se terminent en catastrophe. A méditer ? Lafautearousseau
On est dans les Mémoires de Casanova : « Une vie de dandy, un duel, une évasion, une fuite à l’étranger.» Ou dans ceux de Saint-Simon: complots de courtisans et afféteries fielleuses. Ou dans Barry Lyndon: tables de jeu pour aventuriers retors, fêtes galantes et guerres en dentelles. Ou dans Que la fête commence: régent libertin et cardinal Dubois cynique. Ou dans Le Bossu: «touchez ma bosse, Monseigneur ! »
Magie du XVIIIe siècle : on ouvre un livre sur John Law et notre imagination vagabonde aussitôt. À l’époque, on francise tout en maître: John Law devient Jean Las (qui rime avec hélas); aujourd’hui, on se soumet en esclave à la prononciation anglaise : John Lo (qui sonne comme loi en anglais). On rêvait de retrouver Marisa Berenson dans Barry Lyndon et on retrouve Keynes avec sa théorie économique Les courbes que l’on nous montre ne sont pas celles auxquelles on avait songé. Et les billets ne sont pas aussi doux qu’on l’avait imaginé.
C’est la première habileté de l’auteur, Nicolas Buat : il nous fait atterrir de la salle obscure de cinéma à l’amphi d’économie avec suffisamment de douceur, pour qu’on ne soit pas trop secoué. Mais ça secoue quand même; la matière est aride et on est dans la soute. Sous les ors et dentelles, c’est la théorie économique qui naît au forceps: John Law est le premier banquier central français, qui met au point les leviers de la création monétaire et du soutien à l’économie.
L’Écossais avait vu quelques années plus tôt l’émergence de la Banque centrale anglaise, qui avait permis de financer sans risques les guerres de la Couronne d’Angleterre contre le Roi-Soleil. « En pleine guerre de Succession d’Espagne, le contraste était éclatant entre une France pratiquant la cavalerie financière et une Angleterre maîtresse de ses taux et de son endettement. » Napoléon s’en souviendra lorsqu’il fondera la Banque de France en 1800. Mais il était dit que le génie financier serait l’apanage de la perfide Albion. En vieil allié de la France, l’Écossais nous en livra pourtant ses secrets. Mais sa déconfiture finale nous fit prendre un siècle de retard. Et coûta son trône à une monarchie surendettée. •
John Law de Nicolas Buat, Les Belles Lettres, 259 p., 21€.
YANN CORFMAT sur Un espoir, le roi
“C’est ce que l’on appelle de nos voeux !”