Sorti dans les salles françaises en novembre dernier, L’homme du peuple, d’Andrzej Wajda, vient d’être édité en DVD. Un portrait warholien du leader Lech Walesa, fondateur de Solidarnosc, à l’origine de l’effondrement du communisme…
D’Andrzej Wajda, comment ne pas se souvenir de Katyń, ce récit poignant du massacre soviétique de 1940 maquillé en crime nazi, qui coûta la vie au père du cinéaste. Depuis son premier film Génération sorti au début des années cinquante, les œuvres d’Andrzej Wajda ont toujours été des lectures personnelles, engagées, dissidentes, des grandes pages de l’histoire polonaise contemporaine. Comme si la fiction devait rendre au réel sa part de vérité lorsqu’on la lui confisque.
Après l’Homme de marbre puis l’Homme de fer, le réalisateur referme avec l’Homme du peuple une trilogie entamée il y a près de quarante ans. Le geste, d’une ampleur rare, accule l’idéologie stalinienne jusque dans ses derniers retranchements ; il lui valut l’exil dans les années 80. Entreprise méthodique de démythification du communisme, L’Homme du peuple brosse le portrait de Lech Wałęsa, modeste électricien des chantiers navals de Gdańsk qui fonda le mouvement Solidarność, principal syndicat ouvrier – soutenu par l’église –, dont les coups de boutoir finiront par abattre le régime rouge sang.
L’engrenage est connu : augmentation radicale des prix dès 1970, émeutes, chars, grèves, loi martiale… et un jour, le pouvoir qui tremble. Comment naît la révolte ? Qui peut la conduire ? Wajda y répond par le souffle de l’image, prenant fait et cause pour l’homme dont il fut un proche, quitte à laisser ses échecs dans l’ombre. Vaste puzzle bariolé ou s’entremêlent fiction, documentaire, images d’archives en noir et blanc ou en couleur, l’auteur déroule une bobine étonnamment fluide, ponctuée par des morceaux de rock contestataire qui font vibrer la voix du peuple. Mais l’esthétique pop de l’ensemble ne parvient pas assez à relancer la dramaturgie qui manque de relief, et, surtout, à faire oublier l’égocentrisme poltron du leader politique, héros dont la suffisance finit par lasser. Lumière dans la nuit polonaise, Wajda ne manque pas de rendre hommage à Jean-Paul II en rappelant son rôle majeur dans la libération du pays. Une belle leçon d’espoir malgré tout… •
L’homme du peuple d’Andrzej Wajda, Condor, DVD, 20€
En bonus, l’intervention de Lech Walesa à l’Assemblée nationale en juin 2014
Politique magazine
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