Diego Velázquez Portrait de l’infant Baltasar Carlos sur son poney (1634-1635), princes des Asturies (1629-1646), fils de Philippe IV et de sa première épouse, Elisabeth de France. Madrid, Museo Nacional del Prado/RMNGP
Le Grand Palais consacre jusqu’à l’été une expo à Diego Velázquez, le portraitiste favori de Philippe IV et des derniers Habsbourg d’Espagne. Point de Vue en dresse le portrait.
« Le peintre des peintres. » C’est ainsi qu’Édouard Manet qualifiait Diego Velázquez, maître absolu de l’âge d’or du baroque espagnol. Longtemps éclipsé, ce Sévillan sera redécouvert par les impressionnistes à la fin du XIXe siècle, puis magnifié comme l’un des plus grands artistes de tous les temps par Picasso, Dali ou encore Bacon.
Aujourd’hui, le Grand Palais lui consacre une rétrospective, la première jamais organisée dans la capitale française. Afin de réussir cet événement majeur, le Louvre, en liaison avec le Kunsthistorisches Museum de Vienne, s’est appuyé sur le Prado de Madrid.
La première rétrospective Velázquez en France
À travers le monde, il n’existe guère plus d’une centaine d’oeuvres de Velázquez. Pour l’occasion, les plus grandes institutions et plusieurs particuliers ont accepté de prêter exceptionnellement leurs trésors, dont quelques-uns récemment découverts -tel L’Éducation de la Vierge, propriété de la galerie d’art de l’université de Yale, à New Haven, ou le Portrait de l’inquisiteur Sebastian de Huerta, qui appartient à un collectionneur privé.
Les visiteurs pourront également admirer certaines toiles parmi les plus emblématiques: de La Forge de Vulcain à La Tunique de Joseph, de La Vénus au miroir au célèbre Portrait du pape Innocent X.
L’exposition parisienne présente un panorama complet des oeuvres, en suivant une trame biographique. Une première section évoque donc le climat artistique de Séville où Diego Rodriguez de Silva y Velázquez voit le jour en juin 1599.
Un goût particulier pour la physionomie humaine
Aîné de huit enfants d’un homme de loi d’origine portugaise et d’une demoiselle de petite noblesse, il se fera connaître sous le nom de sa mère, Velázquez, selon la tradition andalouse. Très tôt, il découvre sa vocation artistique. Séville est alors la ville la plus opulente d’Espagne, grâce à son monopole commercial avec les Amériques.
Le jeune Diego fait d’abord ses classes dans l’atelier de Francisco Herrera, dit le Vieux -qu’il ne tarde pas à quitter pour incompatibilité d’humeur. Il se place ensuite sous la férule de Francisco Pacheco, un admirateur de Raphaël. Mais plutôt que de tendre à la représentation de l’idéal, il étudie la nature, s’attache à rendre les jeux de la physionomie humaine et des types populaires dans une veine picaresque, avec une vérité et une vigueur extraordinaires, maniant le clair-obscur.
Chez Pacheco – dont il épousera la fille Juana -, Diego apprend les bonnes manières au contact de savants, d’écrivains et de gentilshommes. Par l’entremise du comte duc d’Olivares, le tout-puissant ministre et favori de Philippe IV, le jeune homme s’installe à Madrid.
Une carrière au service du roi
Le roi, qui vient de succéder à son père Philippe III en 1621, l’attache à son service, moyennant un salaire mensuel de 20 ducats. Le portrait du souverain que réalise Velázquez, en armure sur un cheval andalou, est exposé dans la grand-rue de Madrid. Il déchaîne l’enthousiasme populaire et la verve des poètes. Par lettres patentes du 31 octobre 1623, Velázquez est promu « peintre ordinaire » de Sa Majesté catholique, tandis que son style, sans doute inspiré par Caravage, évolue vers des formules plus froides et solennelles, dans la tradition ibérique.
Pierre Paul Rubens, dont il fait la connaissance en 1628, lui conseille de se rendre en Italie. Velázquez s’embarque à Barcelone en août de l’année suivante, dans la suite du capitaine Ambrogio Spinola, gouverneur de Milan. Il découvre Venise, Ferrare, Bologne, Rome et Naples. Il s’imprègne des chefs-d’oeuvre de la Renaissance et s’initie au paysage, comme avec sa Vue des jardins de la villa Médicis, exécutée lors de son premier séjour dans la Ville éternelle.
De retour en Espagne au printemps 1631, l’artiste est plus que jamais l’objet des attentions de Philippe IV. Le roi lui attribue un atelier à l’Escurial, non loin de ses appartements, où il vient le voir travailler.
Portraits de cour, de Madrid à Rome
Durant cette période féconde -qui occupe le centre de l’exposition-, Velázquez multiplie les portraits de cour, empreints d’une extrême sensibilité. Il excelle en particulier à immortaliser la figure fugitive du petit infant Balthazar-Charles. Prince des Asturies en tant qu’héritier du trône, celui-ci sera emporté par une crise d’appendicite dès 1646, à l’âge de 16 ans. C’est à la même période que Velázquez signe l’une de ses toiles les plus connues: La Reddition de Breda ou Les Lances, pour un salon du palais du Buen Retiro.
En 1648, le peintre effectue un second périple en Italie, sur ordre de Philippe IV pour lequel il doit acquérir des oeuvres d’art. C’est de ce séjour que date probablement La Vénus au miroir. Velázquez s’essaie aux thèmes sacrés, où il n’excellait guère. En revanche, son Portrait d’Innocent X – décliné plus tard par Francis Bacon – apparaît comme le point d’orgue magistral de sa carrière.
Los « Velazqueños », les disciples du maître
Rentré à Madrid en 1651, Velázquez ne quittera plus le royaume. Philippe IV l’a nommé grand maréchal des logis -ou aposentador mayor-, une charge qui lui laisse moins de temps pour peindre. Son ultime chef-d’oeuvre, Les Ménines, date de 1656.
Il s’y place dans l’ombre, en retrait, derrière l’infante Marguerite-Thérèse qu’entourent ses dames d’honneur, son nain et son chien favori. Le roi venait chaque jour s’enquérir de l’avancée du travail. Et lorsque Velázquez eut fini, on raconte que Philippe IV aurait pris son pinceau pour ajouter une dernière touche à la toile: l’ordre de Santiago sur la poitrine de l’artiste.
Au sommet de sa gloire, le peintre officiel de la cour exerce une influence prépondérante sur un groupe de disciples que l’on surnomme Los « Velazqueños », tels l’Italien Pietro Martire Neri, son ancien esclave maure Juan de Pareja, ou encore son propre gendre, Juan Bautista Martínez del Mazo.
La recherche de vérité humaine
Le 6 août 1660, après avoir épuisé ses dernières forces dans les préparatifs de l’entrevue de Philippe IV et de Louis XIV sur l’île des Faisans, à Hendaye, Diego Velázquez trépasse à Madrid. Il avait achevé sa quête de vérité humaine, qu’il n’avait cessé de mener, avec autant d’audace que de franchise.
Velázquez, jusqu’au 13 juillet, au Grand Palais, galeries nationales, entrée square Jean-Perrin, 75008 Paris. Tél. 01 44 13 17 17. www.grandpalais.fr
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