Les chroniques d’Élisabeth Lévy dans Causeur sont l’une de ces oasis où l’on apprécie de pouvoir se rafraîchir l’esprit quand on a subi un trop-plein d’insanités médiatiques. Quand l’une d’elles, comme celle mise en ligne sur causeur.fr le 6 mai, révèle un point de désaccord, on a d’autant plus envie de lui répondre que le sujet est effectivement crucial.
La chronique est intitulée : La dernière tentation des chrétiens : majorité culturelle ou minorité opprimée, il faut choisir. « Les cathos se sentent méprisés, mal-aimés, maltraités, ils en ont marre d’être les seuls dont on puisse se payer la tête sans risques… » écrit, à fort juste titre, Elisabeth Lévy. Cependant, explique-t-elle, ils sont dans une contradiction. Ils sont devenus, de fait, une « minorité religieuse », une parmi les autres, même si elle demeure la plus importante. Mais en même temps, ils sont une « majorité culturelle ». Élisabeth Lévy ne précise pas vraiment le contenu de ce concept, mais on comprend qu’elle estime qu’une majorité de Français, même non pratiquants, même non croyants, se réfèrent plus ou moins consciemment à un ensemble de valeurs culturelles globalement catholiques.
Les catholiques, minorité religieuse, majorité culturelle : on peut discuter de ce que recouvrent exactement ces vocables, mais on est porté à adhérer à un constat qui, notamment, ressort des données statistiques dont nous disposons.
Cependant, Elisabeth Lévy ajoute que, pour les « cathos », cette contradiction est aussi un piège. Et qu’ils ne sont pas loin de tomber dedans, surtout depuis qu’avec les manifs pour tous, ils ont « goûté aux joies de la pride… Dans la foulée, ils ont adopté les codes et les armes idéologiques de toute minorité qui se constitue en communauté agressée. » Mais en se présentant comme une minorité persécutée, elle risque de perdre les bénéfices de son majorat culturel. « On ne peut pas éternellement jouer sur deux tableaux : entre les délices de la posture minoritaire et les privilèges ingrats de l’ancienneté », les catholiques doivent choisir, conclut Elisabeth Lévy.
Eh bien, non, chère Elisabeth Lévy. Si nous ne pouvons pas choisir, c’est parce que le choix ne se pose pas en ces termes. Il y a une faille dans votre raisonnement. Une faille précisément contenue dans le concept de « majorité culturelle », qui paraît, dans votre esprit, relever du pur quantitatif, de la simple statistique. Or ce que représente le catholicisme en France, et pour la France, est d’un tout autre ordre. Il ne s’agit pas du tout de savoir combien de Français se réfèrent, par leurs valeurs, à une culture globalement catholique.
Ce qui est en cause, c’est la manière dont la réalité française – celle-là même dont vous n’avez cessé de montrer à quel point vous la ressentiez – s’est historiquement constituée. On peut toujours discuter du rôle effectif joué par le baptême de Clovis, mais ce qu’il symbolise a abouti à ce résultat toujours effectif, cette réalité mystérieuse mais tangible, indiscutable, que l’être français est la condition même de notre vivre ensemble. Et que son enracinement profond va chercher la vie dans le terreau chrétien.
Or, c’est justement cela qui est nié par la « cathophobie », souvent primaire, parfois secondaire et rarement supérieure, qui tient aujourd’hui le haut du pavé. Y résister est nécessaire si on ne veut pas passer à côté de ce qui fait l’essence même de la France. A cet égard, les théories, naguère défendues par certains chrétiens, de « l’enfouissement » ont fait la preuve de leur nocivité. Ce sont elles qui se sont révélées « doublement catastrophiques » : en nous imposant le silence, elles nous ont fait fondre comme neige au soleil. Résister au multiculturalisme passe obligatoirement, en France, par la défense du catholicisme. Bien des incroyants l’ont d’ailleurs compris. •
Le texte d’Elisabeth Lévy est à lire ici : http://www.causeur.fr/chretiens-islam-manif-pour-tous-32694.html
Les problèmes à mon avis majeurs du catholicisme depuis le concile Vatican II, ce sont :
– l’effacement de sa visibilité sociale : alors que les musulmans s’affichent de plus en plus par leurs tenues vestimentaires, on ne distingue plus un prêtre ou une religieuse à l’oeil nu dans la rue. Tenue civile, parfois négligée, petite croix bien discrète. Maigres résultats : la volonté de se fondre dans la masse a aussi fait fondre les effectifs.
– Les offices qui se perdent dans les parlottes, l’anecdotique, la banalisation du sacré, les chants trop souvent mièvres, le trop peu de temps laissé à la méditation, au recueillement, à la spiritualité.
Allez donc voir les prêtres et les religieux ou religieuses au Liban, ils n’ont pas peur de s’afficher comme tels dans un contexte pourtant plus difficile.
Heureusement, il semble qu’une nouvelle vague de prêtres se soit levée, qui, ceux-là, portent au moins le col romain pour être identifiables.
Il ne s’agit pas nécessairement de revenir aux offices d’autrefois, tout en latin et très rigidement ritualisés, parfois un peu sinistres et étouffants, mais un moyen-terme devrait être possible, donnant plus de place au spirituel sans mièvreries, plus de visibilité sociale au clergé et une riposte plus ferme à tous les dénigrements dont l’Église et ses fidèles font l’objet alors que « la concurrence » fait l’objet de toutes les attentions de ceux qui nous gouvernent si mal et conduisent le pays vers la catastrophe.