Les résultats inattendus des élections législatives en Grande-Bretagne dessinent des inconnues dans les horizons anglais et européens.
Et le « Brexit » est devenu une perspective envisageable… En faisant mentir tous les sondages qui promettaient des résultats serrés, la réélection triomphale du Premier ministre David Cameron a bouleversé la donne au Royaume-Uni. Exit Ed Miliband, dirigeant d’un parti travailliste qui connait sa plus sévère défaite depuis 1987. Avec 331 sièges à la Chambre des communes, les conservateurs obtiennent la majorité absolue. Confirmé dans ses fonctions par la reine, comme c’est l’usage dans cette monarchie parlementaire, David Cameron aura les mains libres pour former un gouvernement 100% Tories même s’il a affirmé vouloir « rassembler le pays ». Il a ainsi rendu hommage à son ex vice-premier ministre libéral-démocrate Nick Clegg, l’un des grands perdants de ce jeu électoral aux résultats inattendus. Avec Ed Miliband et Nigel Farage (dont le parti anti européen UKIP n’a obtenu, en raison du mode de scrutin majoritaire, qu’un seul siège malgré son arrivée en troisième position), il fait partie de ces dirigeants de parti pour lesquels ces élections auront été fatales.
Quelles sont les raisons d’une victoire que même les plus optimistes des conservateurs n’espéraient pas ? La première tient à l’enjeu européen revêtu par cette élection britannique. Poussé par l’aile eurosceptique de son parti (1/3 des députés Tories) et la montée en puissance de l’UKIP, qui milite pour une sortie de l’UE, David Cameron avait promis, en cas de victoire, de tenir d’ici fin 2017 (mais il pourrait finalement avoir lieu dès 2016) un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Une promesse qui a visiblement été entendu par une opinion britannique travaillée par cette question.
La deuxième tient à la déroute des travaillistes en Ecosse, un bastion historique du New Labour. Le pays au chardon a offert 56 sièges sur 59 au SNP (Scottish National Party, indépendantiste et classé à gauche de l’échiquier politique), privant le Parti travailliste d’autant de voix à Westminster. Les électeurs écossais de gauche ont-ils voulu faire payer au Parti travailliste son alliance avec le Parti conservateur sur la question de l’indépendance, rejetée par référendum en 2014 ? Ou se sont-ils souvenus que, lors de la magistrature précédente, Miliband s’était interdit de s’allier avec eux au Parlement de Londres ? Toujours est-il que les indépendantistes écossais deviennent le troisième parti représenté à la Chambre des communes et que, si ce succès inédit enfonce les travaillistes, il pourrait jouer des tours à la majorité conservatrice dont les marges de manœuvre seront étroites. Car les représentants du SNP ne manqueront pas de faire valoir le manque de légitimité du gouvernement de Londres pour les représenter.
D’autant plus que le SNP, pro européen, voit d’un très mauvais œil le référendum sur l’adhésion à l’UE. En cas de « Brexit » et d’indépendance de l’Ecosse, Glasgow devrait en effet renégocier une laborieuse et hypothétique adhésion à l’UE. C’est ce qui avait freiné un certain nombre d’écossais en 2014, tentés par l’indépendance. « Emancipez-vous de la Grande-Bretagne et vous sortez de l’Europe ! », leur avait dit Bruxelles, oubliant tous ses principes fédéralistes dans la crainte d’un fâcheux précédent…
Reste à David Cameron à naviguer entre ces différents écueils pour réussir à éviter un « Brexit » qu’il ne souhaite pas. Avant les législatives, il a prévenu qu’il avait l’intention de faire campagne pour le maintien dans l’Europe. Mais seulement si Bruxelles répond à ses exigences comme celle de rapatrier certaines de ses compétences vers les Etats membres, notamment en ce qui concerne la politique agricole commune, la politique énergétique et l’immigration. Un sujet de plus en plus sensible en Angleterre. L’UE pourrait céder sur un certain nombre de points. Mais quelle sera la réaction des autres partenaires européens ? C’est l’inconnue de l’après élection en Grande-Bretagne. En attendant celle, majuscule, du résultat du référendum de 2016 ou 2017. •
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