Il y a toujours eu des pôles d’influence : avant 1914, un pôle révolutionnaire libéral, dominé par la France et le Royaume Uni, s’oppose au pôle « réactionnaire » dominé par l’Allemagne prussienne et l’Autriche. En 1939, trois pôles idéologiques s’opposent : le pôle libéral à l’ouest, le pôle fasciste au centre avec l’Allemagne et l’Italie et le pôle communiste dirigé par l’URSS. Après 1945, et la chute des régimes fascistes, le monde devient « bipolaire ». L’Amérique représente idéalement un pôle conservateur, libéral, anticommuniste, patriote, chrétien et pacifiste. L’URSS apparait comme révolutionnaire, totalitaire, communiste, internationaliste, antichrétienne et belliciste.
Aujourd’hui, tout est pratiquement inversé. Les Etats-Unis sous l’influence de la révolution culturelle des années soixante, sont devenus individualistes libertaires (donc anti-conservateurs), égalitaristes, hostiles au patriotisme des autres, de plus en plus hostiles aux traditions chrétiennes, et bellicistes.
La nouvelle Russie est libre du politiquement correct, démocratique car patriote, non communiste, libérale au point d’adopter le « flat tax », conservatrice et chrétienne, et attachée à l’ordre international et à la paix.
L’Europe est requise par les Etats-Unis de faire son choix. Les Américains ne veulent pas d’un rapprochement entre la première Rome, celle de l’Occident catholique et la 3ème Rome orthodoxe issue de l’Empire byzantin. Elle cherche à imposer une nouvelle religion séculière de type juridique, celle des droits de l’homme, qu’elle veut imposer après l’échec des religions séculières communistes et fascistes.
Tout se passe comme si la tragédie antique « Rome contre Carthage » se reproduisait sous nos yeux. Les Etats-Unis autrefois très unifiés sous des valeurs communes chrétiennes comme le montrait Tocqueville, sont désormais fort divisés. Le livre « One nation, Two cultures » de Gertrude Himmelfarb, montre l’Amérique divisée entre une oligarchie gauchisante, égalitariste style « mai 68 » représentée notamment par Mme Hillary Clinton, qui fait la politique étrangère, et un petit peuple resté très conservateur et chrétien, mais qui n’a pas son mot à dire sur la place du pays dans le monde (courant « isolationniste »).
Les Etats-Unis oligarchiques, alliés aux oligarchies européennes, défendent le modèle antique des phéniciens contre Rome. La Russie, défend le modèle romain en quelque sorte. Qu’est-ce-à-dire ?
Le modèle phénicien, qui inspira de grandes cités antiques comme Tyr ou Carthage, est fondé sur la primauté des valeurs marchandes, de la domination des mers, de l’artisanat et du droit. Les dirigeants étaient des juges, les « suffètes » élus par des assemblées oligarchiques dans un climat de corruption. La politique et le droit se confondent, les valeurs religieuses et militaires sont marginalisées. La morale pharisienne est mise en avant, ce qui n’empêche pas un lucratif commerce d’esclaves et le culte orgiaque et féministe d’Astarté avec ses hétaïres. L’Amérique, protestante religieusement, est sensible à ce juridisme politique proche de l’Ancien testament. Le modèle européen serait plutôt Rome : une tradition aristocratique met l’armée en valeur et remet l’esprit mercantile à sa place. Le droit est important mais la religion le transcende totalement. Le modèle éducatif du kalos kagathos, de l’honnête homme ou du gentleman, l’emporte sur l’avidité financière du parvenu. Le conflit Amérique/ Russie où l’Europe devra un jour faire son choix n’est pas qu’un conflit politique mais un conflit entre deux modèles de civilisation. Un sociologue allemand, Werner Sombart, avait déjà montré cette opposition dans son livre « Händler und Helden » : les marchands et les héros, où il opposait l’idéal du businessman anglo saxon matérialiste à celui de l’aristocrate prussien idéaliste. Pour lui, c’était le sens véritable de la guerre de 1914/1918. Sombart regrettait que la France se soit alliée à l’époque à l’Angleterre.
Les phéniciens ou l’Empire romain : voilà le choix qui nous est offert à nouveau aujourd’hui. Le monde du « Gestell » de Heidegger avec ses idoles, l’ego, l’argent, les masses et la technique ou le monde de la tradition centré sur Dieu, le sens de l’honneur, la personne humaine et le culte des racines. La Russie a fait son choix au moment où l’Amérique, subvertie par les valeurs des années soixante, pétries d’égalitarisme et de freudisme, se tourne contre son héritage européen. Cette destinée américaine était annoncée dans le poème d’Emma Lazarus, qui se trouve sur le socle de la statue de la Liberté à New York : le poème jette l’opprobre sur le faste des vieilles civilisations aristocratiques (l’Europe est visée) et appelle les foules déracinées à suivre la Lumière du flambeau qui éclaire « la porte d’or » (sic). La Statue de la liberté érige la liberté comme moyen suprême pour se tourner vers le culte de Mammon, le culte de l’or ! Face à ce matérialisme, nous opposerons la statue de la Mère patrie à Volgograd, érigée sur les lieux où l’armée nazie fut vaincue. Cette statue n’appelle pas à gagner de l’argent mais à sacrifier sa vie en héros pour défendre la mère patrie. La statue de New York a été inspirée par un modèle égyptien rigide. La statue de Volgograd est une réplique de la déesse de la victoire chez les anciens Grecs (Niké). Deux façons de voir l’existence ! •
Au 15 juin ! Amicalement
Ivan Blot
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