En géographie, rien ne vaut une bonne carte. Celle de l’actuel Proche-Orient est explicite : l’Etat Islamique contrôle désormais un vaste territoire à cheval sur Syrie et Irak. Sa progression est si rapide que certains le voient déjà aux portes de Damas et de Bagdad. M. Lévy propose maintenant d’armer les Kurdes « pour casser les reins de Daesh ». Du fait même qu’il est tout à fait improbable, car on voit mal la Turquie l’accepter, ce scénario illustre bien l’irréalisme et par conséquent l’éventuel pouvoir de nuisance des idéologues qui gravitent autour du pouvoir.
Sur le terrain, l’Etat islamique profite au mieux des contradictions dans lesquelles sont empêtrés ses ennemis coalisés. Le fiasco de la toute récente Conférence de Paris ne peut que les conforter : incapables de se mettre d’accord sur quoi que ce soit, hormis sur l’acceptation du fait sunnite (Turquie, Qatar, Arabie Séoudite), les membres de la coalition – dont la France – ont acté le statu quo, c’est-à-dire l’acceptation pure et simple de l’avancée pour l’instant irrésistible des troupes de l’Etat islamique et de l’instauration sur les territoires qu’il contrôle d’un début d’administration en bonne et due forme. Non seulement aucune décision sérieuse n’aura été prise mais, comble du ridicule et de l’impuissance assumée, les membres de la « coalition » s’interdisent l’usage des armes chimiques dites « incapacitantes » pour ne pas contrevenir à une recommandation de l’ONU.
Existe pourtant bien la possibilité de contrebalancer le poids dangereux de l’alliance sunnite par celui de l’Iran et de ses « clients » chiites, seule force capable, à ce jour, de s’opposer au sol aux troupes de « Daesh ». Mais, au vu de ses ambitions nucléaires, l’Iran constitue, paraît-il, une grande menace. Pis : il est de fait allié de MM. Assad et Poutine, chacun étant persona non grata – et aucun des deux présent à Paris. Voilà bien la véritable faute du pouvoir socialiste, digne continuateur en cela de son prédécesseur : que l’apocalypse s’abatte sur la région plutôt que de « reconnaître » un quelconque rôle à M. Assad car le faire serait renier les idéaux démocratiques du feu printemps arabe.
L’incendie géopolitique qui a pris naissance avec la déstabilisation de la région en Irak puis en Syrie risque fort, à terme, de déboucher sur la reconfiguration complète d’une région aux frontières jusque là héritées de la période des mandats. Si les choses continuent, il n’y a d’ailleurs pas de raison que Le Liban et la Jordanie échappent au cataclysme. Ce que constate M. Zemmour quand il dit qu’« un nouveau Moyen-Orient est en train de naître dans le sang et la fureur » ( R.T.L., 21 mai). S’il devait advenir que l’Etat islamique s’installât pour durer, il faudrait alors bien en tenir compte et « reconnaître » le fait accompli.
C’est à cela que conduit l’idéologie mortifère de MM. Fabius et Lévy. Il n’est cependant pas interdit de penser que rien n’est encore définitif. •
sur BHL :
» Le metier des intellectuels est de remuer (Agiter? je cite de mémoire…..) toutes choses sous leurs signes noms ou symboles, d’ou il résulte que leurs propos sont étonnants et leur politique dangereuse! » Paul Valéry