Dominique Jamet raille à bon droit le rôle et le discours de Manuel Valls au semblant de congrès socialiste de Poitiers. Nous n’avons plus en effet qu’un semble-Etat, selon l’expression que Pierre Boutang utilisait naguère. Et de même des semblants d’Institutions ou de partis. Le Système, même s’il perdure, largement par inertie, est réduit à l’état gazeux, comme on dit en Espagne. Le clivage n’est plus aujourd’hui entre droite et gauche parlementaires que presque plus rien ne différencie, mais, si l’on veut, entre « progressistes » et « traditionnalistes », ou mieux, entre modernes et antimodernes. C’est ce que Frédéric Rouvillois vient, entre autres choses, d’exposer au cours d’un intéressant entretien donné récemment au Cercle Henri Lagrange. Et c’est autrement fondamental que les propos de Manuel Vals. Une vidéo en a été réalisée. Nous la diffuserons dans les jours qui viennent. LFAR
À congrès sans enjeux, ennui sans limites. Quand les jeux sont faits et que rien ne va fort, difficile de se passionner pour la partie en cours. Les frondeurs rentrés dans le rang, Martine Aubry ayant fait le déplacement pour montrer qu’elle peut bouder ailleurs que dans son coin, la motion A largement votée, les postes répartis entre les courants au prorata de leur influence, le premier secrétaire reconduit dans ses fonctions à sa satisfaction générale, l’hypothèse d’une primaire écartée, celle d’un changement de cap refusée, celle d’un débat de fond, par exemple sur le socialisme, son passé, son présent, son avenir, ou sur le bilan de trois années au pouvoir, n’étant pas inscrite à l’ordre du jour, que restait-il aux délégués d’un parti dont l’image nous parvient encore du fond de la galaxie politique alors qu’il n’est plus qu’un astre mort, une fois épuisés les plaisirs de la buvette et de la visite rituelle à l’admirable Notre-Dame-la-Grande ? Poitiers morne butte…
Il revenait au Premier ministre, en l’absence du président virtuel candidat réel qui ne se mêle jamais, comme on sait et comme il s’y est engagé, à la petite cuisine que font les grands partis sur leurs petits réchauds, de chauffer la salle et de donner à ses camarades l’illusion qu’ils n’étaient pas venus pour rien. Manuel Valls a donc joué les ambianceurs avec sa fougue habituelle – sa furia espagnole.
Que faire quand on n’a rien à dire ? Chez les vrais gens, dans le monde réel, on n’en dit rien. Dans l’univers de la politique, ce théâtre d’ombres chinoises et de polichinelles bien de chez nous, on parle. Manuel Valls a parlé plus d’une heure.
En vieux routier de la politique, le Premier ministre, qui se voulait rassembleur, sait que le meilleur moyen d’unir un auditoire sceptique, démoralisé et divisé, est de lui désigner un ennemi commun. Il s’en est donc pris avec virulence au bouc émissaire tout trouvé qu’était cette semaine l’ancien président de la République aujourd’hui président des Républicains. « Un homme qui, par ses pratiques dans l’opposition, était déjà un problème pour le pays », a dit celui dont la pratique du gouvernement pose tous les jours problème. La République du chef des soi-disant Républicains est « une duperie », a poursuivi le chef d’une majorité socialiste dont les rapports avec le socialisme sont une énigme en forme de farce. Il n’a pas eu de mots assez durs, enfin, pour le positionnement politique du numéro 1 des « Républicains », « synthèse entre les fausses promesses de 2007 et le discours halluciné de Grenoble », lui dont le patron tente vainement de faire le lien entre le discours incantatoire du Bourget et les fausses promesses de 2013, 2014 et 2015.
Valls faisant le procès de Sarkozy, c’est le lutteur de fête foraine attaquant le batteur d’estrade, l’énervé dénonçant l’agité, la charité qui se moque de l’hôpital. Un régal pour les connaisseurs. •
Dominique Jamet, Journaliste et écrivain – Boulevard Voltaire
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