Nous écoutons régulièrement la matinale de France Inter primo parce qu’elle est la radio la plus écoutée de France, une sorte de voix officieuse du Système, secundo parce que s’y trouve exprimé avec professionnalisme et de façon souvent intelligente, tout ce qu’en toutes matières il est illusoire et/ou dangereux de penser. Condensé de bien-pensance et de sectarisme, liturgie du politiquement correct conduite par ses clercs, tel est France Inter chaque matin. On y trouve son miel.
Ainsi de Bernard Guetta, chargé de traiter de géopolitique, qui mêle adroitement des réflexions parfois sages et réalistes, à un système idéologique, qui est, bien-sûr, l’élément largement dominant. Quelle est-il ? Il est qu’à l’exemple français, à travers soubresauts et révolutions qui ne doivent en rien entamer notre optimisme, les peuples, les continents, le monde, dans le sillage des Lumières, sont inexorablement en marche vers la démocratie partout et, par surcroît, vers leur unité. Lorsque que l’on part de principes aussi faux, l’on a les plus grandes chances d’être démenti par les faits : c’est ce qui arrive à Bernard Guetta, dont l’aveuglement est parfois – souvent – désarmant. Mais l’optimisme demeure; il suffit d’attendre …
Sa chronique d’hier matin, sur France Inter est un modèle du genre. Vous pouvez l’écouter ou la lire, juger par vous-même. Inutile de trop en rajouter. Mais lorsqu’on songe à ce qu’est l’Afrique réelle, à la fuite de ses populations et de ses élites, à la corruption de ses « dirigeants », à leur inconsistance, si ce n’est leur voracité, à la faiblesse voire à l’inexistence de leurs « Etats », aux conflits ethno-religieux qui la déchirent, aux pillages auxquels ses richesses sont livrées au profit du reste du monde, à l’insécurité qui ronge les sociétés africaines, aux risques auxquels sa propre démographie pourrait fort bien l’exposer demain, comme, d’ailleurs le Maghreb et l’Europe, l’on peut se demander si Bernard Guetta, tout simplement, ne se moque pas du monde. Y compris lorsqu’il conclut de façon parfaitement dérisoire que « ce siècle sera dominé par des ensembles continentaux qui, partout, se cherchent sur le modèle de l’Europe. » Ah ! Alors là oui, on a frappé à la bonne porte, pas de souci ! Lafautearousseau •
Mardi 9 juin 2015 (Ré)écouter cette émission (disponible jusqu’au 04/03/2018)
Peut-être est-ce en effet un « monumental pas en avant » pour l’Afrique, comme on le dit au Caire. Ce n’est pas une certitude puisque bien des alea politiques pourraient vite doucher cet enthousiasme mais le fait est que la moitié orientale du plus pauvre des continents, 26 Etats en tout s’étendant de la Méditerranée au Cap de Bonne Espérance, vont signer demain à Charm el-Cheikh un traité de libre-échange qui pourrait ouvrir, un jour, la voie d’un marché unique de l’ensemble du continent africain.
C’est en tout cas un grand moment pour l’Afrique dont les échanges intérieurs sont aujourd’hui considérablement limités par la lourdeur des formalités douanières imposées par chacun de ses pays et leurs délais de dédouanement. A force de vouloir se protéger les uns des autres et de nourrir des bureaucraties qui sont autant de moyens, pour les pouvoirs politiques, de se créer des clientèles en distribuant des emplois artificiels, ces pays sont parvenus à ce que les échanges interafricains ne représentent que 12% de la totalité de leurs échanges commerciaux alors que les échanges intereuropéens et inter asiatiques comptent pour 70% et 55% des commerces de l’Europe et de l’Asie.
Cela ne freine pas seulement les échanges. Cela freine aussi, et beaucoup plus gravement, le développement d’industries africaines car elles sont ainsi privées de débouchés naturels et d’un marché suffisamment important pour justifier des investissements lourds.
La levée de ses barrières douanière intérieures est un enjeu si capital pour l’Afrique qu’elle se l’était donné pour objectif à l’horizon de 2025 depuis le traité d’Abuja en 1991 et la moitié du chemin aura donc été faite demain avec la naissance de la « Tripartite » – la Zone tripartite de libre-échange dont seront parties prenantes, d’où son nom, trois organisations régionales déjà existantes.
Il faudra encore en passer par les ratifications parlementaires mais ce rendez-vous de Charm el-Cheikh renforce d’ores et déjà « l’Afroptismisme » des milieux d’affaires internationaux et des jeunes entrepreneurs africains qui constatent que la croissance est de 5% par an depuis le début du siècle en Afrique alors qu’elle se traîne à beaucoup moins que cela en Europe et commence à s’essouffler en Asie.
Après « l’Afropessimisme » de la seconde moitié du XX° siècle, il y a aujourd’hui tout un monde d’investisseurs et de chercheurs s’acharnant à convaincre la terre entière que l’Afrique est le prochain Eldorado et que l’avenir de l’Europe ne se conçoit plus sans l’organisation d’une « coopération verticale » – c’est leur expression – entre les deux rives de la Méditerranée. Particulièrement actifs en France, ces visionnaires n’ont sans doute pas tort. Tout leur donne en fait raison et la certitude est que ce siècle sera dominé par des ensembles continentaux qui, partout, se cherchent sur le modèle de l’Europe. •
Oui bien sûr. Bien vu. Rien à ajouter à votre commentaire sur Bernard Guetta!
C’est un événement considérable à trois égards :
– on va enfin mettre au pas les douanes africaines qui sont les plus pourries du monde ;
– deux poids lourds de classe internationale enserrent le dispositif , Egypte et RSA ;
– cette consolidation des économies orientales est celle de l’Afrique anglaise et de ses nouveaux clients que sont la RDC et Madagascar. C’est un coup porté à la francophonie.
Plus que les commentaires de monsieur Getta (France-Inter, oui bof), les documents utiles sont la carte Jeune Afrique qui signale les pays enclavés gagnant leurs débouchés, et le document de travail de la BAD, ci-dessous :
http://www.jeuneafrique.com/medias/2015/06/08/Accord-tripartite_acces_mer_DR.jpg
http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Policy-Documents/Afrique%20de%20l%27Est%20-%20Rev%20DSIR.pdf