Où s’arrêtera la progression de Daesh ? En s’emparant de l’oasis de Palmyre, situé sur un axe reliant ses conquêtes syriennes à ses fiefs en Irak, l’État islamique (EI), que l’on disait affaibli, déploie encore un peu plus son rêve millénariste de califat sur le théâtre proche-oriental. Avec la prise de ce joyau antique dont la destruction semble programmée, l’EI est désormais maître de la moitié du territoire de la Syrie. Il contrôle l’ensemble des champs pétroliers et gaziers du pays et la route vers Damas. Damas qui serait sans doute déjà tombée sans l’aide de ses alliés chiites du Hezbollah et de l’Iran.
Affaibli par quatre années de guerre, le régime al-Assad n’en est pas moins en train de se replier sur ses derniers bastions. Il lui faut se résoudre à une partition de facto du pays en limitant ses ambitions à la « Syrie utile ». Dans ces zones côtières ouvertes sur la Méditerranée, il doit en plus faire face aux insurgés regroupés dans une nouvelle coalition dominée par les jihadistes du front al-Nosra, la branche locale d’al-Qaida.
Triste réalité du Proche-Orient où rien ne semble pouvoir résister aux forces de destruction qui éliminent tout ce qui ne leur ressemble pas. Il y a quelque chose de navrant à voir les Occidentaux, si prompts à délivrer des leçons de morale, incapables de s’opposer à cette tragédie humaine qui se double d’un désastre architectural. Seule, la campagne aérienne menée par les Etats-Unis et ses alliés – plus de 3 000 raids en Irak et en Syrie depuis un an – se révèle insuffisante pour enrayer la progression des hordes sauvages du calife auto-proclamé Abu Bakr al-Baghdadi.
Mais, sans engagement de troupes au sol, ce qui ne serait pas forcément la solution, quelle stratégie pourraient-ils mettre en œuvre ? Partout dans le monde arabe, la dite « communauté internationale » paie le prix de ses interventions irréfléchies. Motivée par un pseudo-humanitarisme manichéen, la diplomatie des droits de l’homme, qui consiste à plaquer le « modèle » démocratique occidental dans des pays sans culture étatique, vire à la loi du plus fort et à la catastrophe humanitaire. En Syrie, à seule fin de faire tomber le « dictateur » Bachar al-Assad – un Assad qui ne demandait pourtant qu’à normaliser ses relations avec les capitales occidentales –, les dirigeants américains et leurs alliés ont financé et armé des groupes islamistes radicaux qui se sont empressés de mettre en pièces les forces rebelles « modérées » avant de se déverser sur l’Irak pour mettre le pays à feu et à sang. Les Américains savent pourtant mieux que personne que la créature islamiste finit toujours par échapper à ses maîtres ! Ils l’ont vécu en Iran, en Afghanistan, en Irak… et maintenant en Syrie.
Quant à la France, qui avait l’occasion de se rapprocher de la Russie dans la recherche d’une solution diplomatique crédible, elle a préféré surjouer, même par rapport au jeu de Washington, sans retenir la leçon de la Libye où son interventionnisme stupide a abouti à la division du pays en factions irréconciliables. Et ouvert la voie aux flots ininterrompus de migrants qui viennent s’échouer sur les côtes méridionales de l’Europe.
Pendant ce temps, les volontaires français partis faire le djihad en Syrie et en Irak – ils seraient actuellement 1500 à 2000 – reviennent aguerris dans notre pays. Situation explosive qu’une loi sur le renseignement est censée prévenir. Encore faudrait-il, comme on le lira dans notre dossier, que le gouvernement cesse de confondre bien commun et idéologie partisane. Est-ce trop lui demander ? •
Politique magazine
Cet article cherche à montrer l’incohérence de la politique américaine. En fait il n’y a nullement incohérence. C’est volontairement que les USA laissent l’Etat islamique s’emparer d’une part importante de l’Irak et de la Syrie. Depuis plus de 15 ans, les doctrinaires de la politique extérieure américaine, comme Brzezinski cherchent à favoriser le chaos au Proche orient. Il y a convergence totale entre le plan des néoconservateurs et le plan Yinon de l’Etat d’Israël. Le but est de détruire tout état arabe laïc, afin de rendre la position d’Israël inexpugnable et à l’abri de toute critique. Il y a plus de 70 ans que les USA manipulent l’islamisme. Ne croyez pas non plus que c’est contre la volonté américaine que l’Arabie saoudite aide de toutes ses forces Al Qaida. Cela fait partie intégrante du modus vivendi saoudo-américain. Si nous ne comprenons pas que rien ne mérite d’être conservé pour les USA, nos lamentations sur le sort des chrétiens et la conservation des restes millénaires de Babylone et de Palmyre ne sont que la preuve de notre aveuglement.
Les Américains ont toujours estimé que leurs valeurs et leur mode de vie étaient supérieurs aux autres et possédaient une validité universelle. Ils ont toujours pensé qu’ils avaient pour mission de répandre ces valeurs et d’imposer ce mode de vie à la surface de la terre. Croyant à la division morale binaire du monde, ils estiment qu’ils incarnent le Bien et s’imaginent, pour reprendre les termes du président Wilson, que l’« infini privilège » qui leur a été réservé est de « sauver le monde ». Leur tendance à l’unilatéralisme et à l’hégémonisme n’est donc nullement conjoncturelle. Elle vient de loin. Le problème est qu’aujourd’hui, les mythes fondateurs de la nation américaine sont devenus des politiques opérationnelles.
Je partage l’analyse d’Antiquus pour qui la politique des Etats-Unis au Proche-Orient est dominée par le souci de la sécurité et de la position d’Israël. Ne pourrait-on pas objecter, cependant, que le retournement de la position américaine à l’égard de l’Iran ne semble pas aller dans ce sens ? Est-il si sûr que le lien israélo-américain soit toujours aussi indissoluble et dominant ? Est-il si sûr que les dirigeants américains aient toujours à l’esprit une vision claire et unique de ce que doit être leur politique au Proche-Orient ou même dans d’autres régions du monde ? On ne prête qu’aux riches, mais n’avons-nous pas, parfois, tendance, dans nos analyses ou dans nos craintes, même si cela vaut mieux que de les sous-estimer, à exagérer leur compétence ?