Nous sommes d’accord avec la réflexion de François Teutsch, qui, selon son habitude, ne s’en tient pas à la surface des choses. Toutefois, si nous ne nions pas que la gauche conserve toujours un fond internationaliste, nous ne sommes pas sûrs du tout que le vieux Che y soit lui-même enclin. D’autre part, si une question fondamentale, par delà l’inaptitude des partis et toute politique politicienne, peut être qu’est-ce que l’homme ? nous trouverons plus prudent de qualifier l’homme en question et de parler de l’homme français ou européen, le reliant ainsi à son héritage. « D’un côté la France, de l’autre la République » nous paraît signaler en effet la véritable opposition des temps actuels. LFAR
Jean-Pierre Chevènement s’est appliqué à lui-même sa célèbre formule « Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne » en quittant son parti, le Mouvement républicain et citoyen, après que sa motion eut recueilli seulement 16 % des voix au dernier congrès . Il affirme vouloir désormais retrouver sa liberté d’action et d’expression et plaide pour un vaste rassemblement souverainiste allant « du Front de gauche à Dupont-Aignan ». Indignation du premier, sourire ironique du second… L’idée peut paraître séduisante. Elle se heurte à un certain nombre de difficultés.
Souverainiste, Chevènement l’a toujours été. Farouche partisan du « non » aux traités européens, favorable à une politique monétaire permettant l’évolution du taux de change, il n’a jamais ménagé ses critiques à l’encontre du monstre bruxellois. C’est une des lignes de clivage du monde politique français, mais également de l’ancien maire de Belfort avec le PS qu’il a quitté il y a fort longtemps, lui reprochant sa soumission à l’ultralibéralisme et à la finance internationale. Vue sous cet angle, sa proposition n’est pas aberrante. Ce rejet est partagé par de nombreux responsables politiques, dans tous les partis, sauf peut-être chez les diverses formations centristes. Même au PS, dont on se souvient qu’il s’est divisé lors du référendum de 2005. Mais c’est là s’arrêter à l’écume des choses.
Ce qui rassemble Nicolas Dupont-Aignan, Christian Vanneste, Jacques Myard, Jean-Pierre Chevènement ou Jean-Luc Mélenchon, c’est un rejet commun de la technostructure européenne qui étouffe nos libertés et nous impose le dogme de la concurrence pure et parfaite, du libre-échange en toutes choses, de la financiarisation de l’économie. Il manque une personne à cette liste : Marine Le Pen. Elle aussi partage cette détestation. Mais le « Che » ne semble pas le savoir. Pourtant, Florian Philippot vient du MRC, même si son ancien patron affirme ne pas s’en souvenir. Premier obstacle : l’oubli du premier parti, et sûrement du premier parti souverainiste de France.
Second obstacle : on ne fait pas une politique uniquement sur un rejet commun. Certes, cela peut constituer une intéressante base de travail. Mais après ? Une telle coalition ne durera que le temps des cerises. Car si Chevènement n’est pas dépourvu de qualités, si ses propos ont souvent été frappés au coin du bon sens – notamment comme ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin, en dépit de la régularisation en masse des immigrés clandestins -, il n’en demeure pas moins un homme de gauche. Il existe deux souverainismes. Celui de droite, fondé sur l’indépendance nationale et le patriotisme. Celui de gauche, fondé sur la mythologie républicaine et le jacobinisme le plus pur. Auquel il faut ajouter une tentation permanente – presque congénitale – à l’internationalisme anticapitaliste et à un laïcisme forcené. D’un côté la France, de l’autre la République. La différence est fondamentale, malgré les protestations de républicanisme de tous les partis, du FN au Front de gauche.
Troisième obstacle, et non des moindres : la question des valeurs. Si le relativisme moral a envahi la société (et les partis dits de droite n’y ont pas échappé), quelques idéalistes, dont votre serviteur, persistent à penser que la matrice philosophique de la droite reste marquée, parfois à son corps défendant, par une vision de l’homme conforme à sa nature, et une conception de la société aux antipodes de « l’homme nouveau » promu par la gauche historique. Or, la question politique essentielle est là : qu’est-ce que l’homme ? Aucune politique au sens noble du terme ne peut échapper à cette question, dès lors que son objet est d’organiser la société et de tendre vers le bien commun.
À ce jour, aucun parti politique français ne répond à cette question. Peu se la posent. C’est pourtant par là qu’il faut commencer. Une alliance des souverainistes de droite et de gauche ? Une illusion démocratique !
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