La déclaration est un peu passée inaperçue. Pourtant, il est rare qu’une institution comme l’Académie française prenne position contre une réforme gouvernementale. À ma connaissance, la dernière fois qu’elle a été partie prenante d’une polémique politique, c’était en 1990, à l’occasion de la réforme de l’orthographe menée par le gouvernement Rocard, et l’Académie était plutôt favorable à cette réforme. Jamais, en revanche, elle ne s’était prononcée sur une réforme scolaire.
Mais lors de sa séance du 11 juin, elle l’a fait contre celle du collège menée par Mme Vallaud-Belkacem dans une déclaration adoptée à l’unanimité de ses membres. Pour que l’institution à laquelle Richelieu a donné mission de défendre la langue française prenne si solennellement position contre les projets ministériels, il faut que ceux-ci mettent à mal celle-là.
Toute personne ayant lu le projet de réforme et les programmes qui l’accompagnent ne doute pas que le français y est mis en danger. Le jargon, voire le charabia, dans lequel ils sont rédigés montre le peu de respect de leurs auteurs pour la langue de Racine, Molière et Hugo. En comparaison, la langue des académiciens est d’une clarté que tout enseignant rêverait de trouver dans une circulaire de rentrée. On n’en attend certes pas moins des immortels, mais cela prouve qu’il est possible d’être compréhensible par tous même sur des sujets complexes.
Cette déclaration est terrible sur le fond pour le ministre de l’Éducation nationale. S’intitulant « Pour une vraie égalité des chances », elle montre de manière irréfutable que, contrairement à ses ambitions affichées, le projet du ministre aggravera les inégalités scolaires. Que pour les réduire, il faut, au contraire de l’esprit de la réforme, renforcer les disciplines et mettre l’accent sur la maîtrise du français. Citons l’avant-dernier paragraphe :
« L’Académie a la certitude que le redressement du système scolaire, si impatiemment attendu par la nation tout entière, devra, d’une part, s’inscrire dans la continuité de notre culture, faite d’enrichissements successifs et respectueuse de ses origines, et, d’autre part, résister à la tentation de la facilité, qui n’a jamais eu d’autre résultat que l’aggravation des inégalités. L’exigence constitue le principe fondateur de l’école de la République ; elle doit le rester ou le redevenir. »
Qui ne serait d’accord avec une telle conclusion, sinon d’aveugles idéologues ? Madame le Ministre osera-t-elle taxer les académiciens de « pseudo-intellectuels » ?
Quatre-vingt pourcent des professeurs sont contre cette réforme ; la plupart des intellectuels également ; maintenant l’Académie française. Autrement dit tout ceux dont le métier ou la vocation est la transmission et l’accroissement de notre patrimoine culturel. Madame Vallaud-Belkacem, vous ne pouvez pas avoir raison contre tous ces gens. Foin d’orgueil et d’entêtement, revenez à la raison et abandonnez votre projet. •
Pierre Van Ommeslaeghe, professeur de philosophie – Boulevard Voltaire
Madame NVB rendez vous à l’évidence !!!