Un observateur attentif des réalités françaises ne manquerait pas de remarquer que plusieurs éléments, et non des moindres, des problèmes de notre pays, montrent qu’on est arrivé à la fin d’une époque, sur le plan des institutions, sur le plan économique et sur celui de la politique étrangère.
La fin de la Ve République
Le raccourcissement de sept ans à cinq ans de la durée du mandat du Président de la République a changé la nature du régime ! La « monarchie républicaine » imaginée par le général de Gaulle il y a quarante-cinq ans, n’est plus : nous sommes revenus au régime des partis de la Mme République. Car, dans l’idée du général, l’élection du Président de la République au suffrage universel direct et ce, pour une durée excédant largement celle d’une législature, devait lui donner une forte légitimité et une large indépendance face aux partis politiques. A partir du moment où la durée du mandat du chef de l’État est la même que celle des députés à l’Assemblée nationale et que l’élection du premier ne précède que de trois mois l’élection des seconds, ces élections sont liées et, dès lors, le Président n’est pas le chef de la nation, mais seulement celui du parti dominant. On arrive donc exactement au contraire de ce que voulait de Gaulle !
Et cette entreprise de démolition n’est pas la première. Car, comme l’écrit François de Closets dans un livre récent : « Le général était parti en guerre contre un parlementarisme débilitant qu’il détestait et qui, d’ailleurs, le lui rendait bien. Il n’était pas sitôt disparu que les partis reprirent à leur profit la configuration binaire imposée par la constitution de 1962 ». Et les premiers à le trahir, comme ils l’avaient déjà trahi en ce qui concerne l’Europe, ont été les dirigeants du parti qu’il avait lui-même formé. Car dès l’instant qu’on est en République, on ne sait rien faire sans les partis, au moins en France…
Ils viennent même d’aller plus loin dans la démolition de la vision gaullienne de laVe République, car le Président n’est plus désigné par le peuple. En effet, la vraie désignation du chef de l’Etat n’est plus faite directement par l’ensemble des électeurs, mais découle d’une élection primaire, où il est choisi par quelques dizaines de milliers de personnes appartenant à un ou des partis politiques ! Comme le remarquait Hilaire de Crémiers dans une récente conférence : jamais le Président de la République n’a été désigné par aussi peu de gens !
En réalité, il semble que nos dirigeants, qu’ils appartiennent au Parti Socialiste ou à l’UMP, pardon : aux Républicains, n’aiment pas le peuple, qu’au fond ils méprisent… On dirait qu’ils le craignent et préfèrent prendre leurs décisions en petits comités…D’ailleurs, ils traitent avec mépris de « populistes » ceux de leurs adversaires qui attirent les suffrages des électeurs des classes populaires !
Ainsi, la V’ République ne s’est pas terminée par un coup d’état, comme la première et la seconde, ni après une terrible défaite militaire comme la troisième République, ni encore dans les soubresauts dramatiques découlant de la guerre d’Algérie comme la quatrième, mais par des combinaisons partisanes ! Alors qu’on ne cesse de nous rebattre les oreilles des « valeurs de la République », on constate que la réalité s’en éloigne de plus en plus. Elle est chouette la démocratie !
La fin de la croissance
Depuis 2008, début de la crise financière mondiale, l’évolution du Produit Intérieur Brut de la France a été, soit négative, soit positive mais à des niveaux très faibles, très souvent inférieurs à 1 % et ne dépassant en aucun cas 1,7 %. En clair, nous sommes durablement dans une période de très faible croissance…
Par exemple, la Commission européenne prévoit qu’en 2015, la hausse du P.I.B. en France sera de 1,1 %, contre 1,9 en Allemagne. Or, contrairement à d’autres pays européens, la population de la France augmente, résultat d’une bonne démographie et d’une immigration importante. Il faudrait donc que la croissance française soit supérieure, pour qu’elle puisse faire diminuer le chômage. Rappelons que le chômage total atteint cette année 3.500.000 personnes, auquel il convient d’ajouter le chômage partiel qui s’élève à 1.500.000 personnes.
Autre facteur négatif : la baisse de la productivité depuis les années 1990. La Direction du Trésor indiquait récemment dans une note que : « les gains de productivité par tête en France passent sous la moyenne de l’OCDE ». En cause, la baisse du nombre d’heures travaillées qui est passé, en pourcentage, de 100 en 1976 à 79 en 2012. Ajoutons le vieillissement du matériel : « La France, notait un économiste, est derrière l’Italie, le pays où le stock de capital a le plus vieilli… » Machines peu modernes, retard en robotique, tout ceci nuit à l’efficacité du travail !
Certes, une certaine imélioration a été constatée au début de l’année 2015, et cette éclaircie inespérée a ranimé l’espoir de certains que cette reprise permettrait à la croissance française de repartir en avant. Ce relatif regain de l’activité provient de ce qu’on a appelé : « l’alignement des planètes », à savoir la baisse du prix du pétrole, la baisse de l’Euro et la baisse des taux d’intérêts. Or, le premier élément (la baisse du prix du pétrole) a déjà partiellement disparu, puisque le prix du baril de Brent, qui était tombé à 40 dollars, est remonté maintenant à 60 dollars. Le second élément, la baisse de l’Euro, est aussi en voie de disparition. Quant au dernier ,le niveau quasiment nul des taux d’intérêts, élément totalement injustifié et qui représente un risque mortel pour un pays croulant sous le poids des dettes comme la France, il commence sérieusement à disparaître, le taux des emprunts de l’État français ayant déjà été multiplié par quatre depuis quelques semaines.
Le pauvre François Hollande se croyait sauvé par son parapluie miraculeux : les cycles économiques, ces théories exposées vers 1900 ! Cycle de Kondratiev de cinquante ans, cycles décennaux de Juglar, ou même les mini-cycles de Kitchin de deux ans … qui tous se déroulaient uniformément, avec une phae économique ascendante, suivie d’un retournement de tendance et d’une phase dépressionnaire, et de nouveau d’une reprise économique. Le malheur, c’est que la situation à l’époque où ces théories ont été élaborées, n’était pas du tout la même que celle que nous connaissons aujourd’hui. En 1900, les frontières étaient, en ce qui concerne la circulation des marchandises, presque toutes fermées hermétiquement. Les monnaies, à l’époque toutes métalliques (or, argent…), ne circulaient pas facilement. Quant aux nouvelles, elles mettaient le temps d’un bateau à vapeur, ou parfois à voile, pour aller de New-York au Havre, ou pire, de Tokyo à Marseille ! De nos jours, toutes les frontières sont ouvertes aux marchandises du monde entier, on peut aller spéculer librement sur les bourses de toute la planète, et les nouvelles et les capitaux circulent à la vitesse de la lumière grâce à Internet. Il s’ensuit que la théorie des cycles, qui était parfaitement exacte autrefois, ne signifie plus grand-chose aujourd’hui !
La fin de la politique étrangère de la France
La politique étrangère menée par les gouvernements français qui se sont succédés au pouvoir depuis huit ans a cessé d’être celle d’un état indépendant défendant ses intérêts nationaux, ce n’est plus la politique étrangère de la France !
Nicolas Sarkozy a ouvert le bal en se mettant outrageusement à la remorque des Américains.
Tournant le dos à une décision historique du général de Gaulle, il a décidé que la France ferait de nouveau partie des centres de commandement militaire de l’OTAN. Or l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, fondée pour défendre ses membres contre la menace soviétique, n’a plus de raison d’être depuis que l’U.R.S.S. a disparu. L’OTAN n’est plus que le paravent de l’expansionnisme des Etats-Unis.
Mais il y a plus grave. Se fondant sur des arguments « droit-de-l’hommistes », le président Sarkozy a soutenu la causes des révolutionnaires du « Printemps arabe »
en Tunisie, puis en Lybie. Bien que Kadhafi, autrefois proche des terroristes, ait mis beaucoup d’eau dans son vin et se soit rapproché des États occidentaux, notamment de la France, Nicolas Sarkozy a décidé d’intervenir militairement dans ce pays. Les résultats de cette intervention sont catastrophiques ! En effet, Kadhafi éliminé, la Lybie s’est retrouvée écartelée entre différentes factions rivales, chacune représentant une région, une tribu ou un groupe religieux… Depuis lors, une terrible guerre civile ravage le pays et détruit ses richesses ! Quant aux armes modernes que nous avons généreusement distribuées pour faire pièce à Kadhafi, elles se sont comme par miracle retrouvées entre les mains d’islamistes radicaux au Sahel : d’où la guerre au Mali et maintenant dans toute l’Afrique sub-saharienne !
François Hollande a remplacé Nicolas Sarkozy en 2012. Mais la politique suivie par le gouvernement socialiste s’est révélée être aussi mauvaise que celle du gouvernement UMP.
En Europe, elle a purement et simplement emboitée le pas aux Américains. Notamment, la position de la France aurait dû s’écarter radicalement de l’attitude agressive des États-Unis et de l’Union européenne face à la Russie sur le problème ukrainien. La France aurait dû tenter de trouver sur le terrain diplomatique une solution plus réaliste et correspondant aux intérêts des parties en cause. Ne parlons pas des négociations en vue de la conclusion d’un accord commercial transatlantique, dans lesquels nous sommes loin d’avoir défendu énergiquement nos intérêts…
De même, en Syrie, à seule fin de faire tomber le « dictateur » Bachar el-Assad, qui pourtant ne demandait qu’à s’arranger avec les puissances occidentales, la France a fourni de nombreuses armes à de prétendus groupes « démocrates », qui se sont retrouvées comme par hasard entre les mains des islamistes radicaux. De même, les interventions aériennes que la France, toujours à la remorque des Etats-Unis, a déclenché contre le DAESH islamique, se limitent au territoire irakien. Résultat, le DAESH règne maintenant en maître sur la moitié de la Syrie !
Ce bref résumé montre que nos dirigeants, de droite comme de gauche, mènent une politique ne prenant pas en compte, comme elle le devrait, le seul intérêt national. Décidément, il est temps de changer de régime ! •
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