Alain Foulon, directeur de ECO AUSTRAL, la revue économique de référence dans l’Océan Indien. où les lignes qui suivent sont parues, réfléchit ici sur l’histoire aussi bien que sur la situation actuelle de Madagascar. Alain Foulon représente le Partenariat Eurafricain (PE) pour l’ensemble de la région. ECO AUSTRAL, basé à Maurice a une liberté de ton et d’analyse que nous vous laissons le soin d’apprécier.
Ceux qui connaissent bien Madagascar et son Histoire (peut-on d’ailleurs connaître un pays sans connaître son Histoire ?) ont pu se rendre compte de l’étrange rapport entre l’enthousiasme que peut susciter cette île-continent, avec ses énormes ressources inexploitées, et les désillusions et déceptions qu’elle peut susciter chez les mêmes personnes. On ne peut s’empêcher de penser à la boutade du général de Gaulle : « Madagascar est un pays d’avenir … et qui le restera ».
Ma réflexion est évidemment alimentée par les derniers événements politiques avec ces 115 députés sur 151 (soit plus des deux tiers prévus par la Constitution) qui ont voté, dans la nuit du 26 mai, en faveur de la déchéance du président Hery Rajaonarimampianina. Le pays et ses bailleurs de fonds – qui commencent à rire jaune – sont maintenant suspendus à la décision de la Haute cour constitutionnelle. Mais le président pourrait aussi ne pas attendre et prononcer dissolution de l’Assemblée nationale. Nul doute qu’il consulte ses réseaux, dont ceux de la franc-maçonnerie et imagine un maximum de coups à l’avance en bon joueur d’échecs ou de fanoroma, cette espèce de jeu de go malgache. Dissoudre l’assemblée, c’est donner l’opportunité à l’ancien président Marc Ravalomanana, qui est déjà revenu sur la scène, d’y prendre plus de poids à l’occasion de nouvelles élections. Ce dernier veut de toute évidence revenir au pouvoir le plus vite possible … et sans doute régler leur compte à ceux qui l’ont fait partir ou ont profité de son départ. Cela ne peut qu’inquiéter les bailleurs de fonds et les investisseurs. Mais cela montre aussi les choix irréfléchis de la soi-disant communauté internationale ou plutôt de certaines puissances occidentales qui, au nom de la « démocratie », pratiquent un véritable néo-colonialisme. Et, comme ces néo-colonialistes ne comprennent pas grand-chose à l’histoire et à la culture d’un pays comme Madagascar, le résultat est bien souvent désolant.
Cette réflexion est d’autant plus opportune qu’il y a exactement I20 ans, en 1895, la République française faisait officiellement de la Grande Île un protectorat, sous la contrainte militaire, après dix ans de protectorat déguisé contre lequel luttait la reine Ranavalo III. Deux ans plus tard, cette dernière était déportée à La Réunion, puis en Algérie où elle mourra, alors que la Gonade Île était devenue une colonie en 1896. La République française mettait fin à un mouvement d’unification du pays sous l’impulsion des Mérinas (l’ethnie la plus importante à laquelle appartenait Ranavalo) qui ressemblait fort à la façon dont s’était construite la France. Si je dis la « République française » et non la France à propos de l’auteur de cette œuvre funeste, c’est qu’une monarchie n’aurait pas eu la mauvaise idée de renverser et de déporter une reine, et puis, surtout, ce sont les républicains et plus précisément la gauche française qui soutenaient le colonialisme à l’époque, alors que la droite y voyait surtout du gaspillage d’argent. Mais les républicains socialistes, persuadés de leur supériorité, voulaient apporter la « Lumière » au reste de l’humanité et, en particulier, à ces peuples « archaïques » du Sud. Une reine, avec suffisamment de fortune personnelle pour se prémunir contre la corruption, et avec un pouvoir absolu entre les mains c’est sans doute ce qu’il faudrait aujourd’hui à Madagascar pour enfin décoller. Et non pas une démocratie occidentale qui ne fait que générer toujours plus de califes.
En version moderne, nous dirons qu’il faudrait à Madagascar un Lee Kum Yew, cet homme de poigne qui a fait d’un petit village de pêcheurs – Singapour – une puissance économique de premier plan. Dommage que Marc Ravalomanana ait raté le coche en se perdant dans les conflits d’intérêts et dans un appétit pour les affaires qu’il aurait dû faire taire en venant au pouvoir. En a-t-il tiré des leçons qu’il appliquera s’il revient à la tête de l’Etat ? Ou bien sera-t-il guidé seulement par le désir de se venger ? Peut-il d’ailleurs revenir au pouvoir ? L’armée, qui l’a fait tomber, le laissera-t-elle faire ? Et si oui, quand et comment y reviendrait‑il ? À l’occasion d’une crise ou de l’élection présidentielle de de 2018, sachant qu’Andry Rajoelina n’a pas dit son dernier mot et s’est déjà positionné pour cette élection et qu’Hery Rajaonarimampianina est un bon joueur d’échecs ? Avant de répondre à ces questions, on devrait s’arracher bien des cheveux et perdre des illusions. Pour ceux qui en ont… •
(Cet article nous a été signalé par Joël Broquet que nous remercions).
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“L’Etat profond est de même nature en France et en Italie. Les officines y sont identiques,…”