Pour Philippe Bilger, l’argument du candidat à la présidentielle qui y va par sacrifice car il est le seul à pouvoir sauver la France est hypocrite et urticant. Il a raison. Selon lui, « Hollande, Sarkozy et les autres sont usés jusqu’à la corde ». Il a deux fois raison.
Philippe Bilger nous apparaît comme un homme d’esprit éminemment honnête et de bon sens. Mais si son constat ne va pas au delà de l’usure trop évidente des hommes, des politiciens qu’il cite, et des autres, nous craignons fort que l’essentiel soit raté. Et cet essentiel est l’usure extrême du Système même, dont il décrit bien les vices et leur malfaisance : la compétition permanente, les clans, les ambitions, la France reléguée au second plan, avec l’aval des élites et, sinon des intellectuels, du moins des médias. De sorte que la compétition pour le poste suprême est un poison permanent dont la France fait les frais. Parfaitement surprenant, dans des déclarations à tous égards extraordinaires, Emmanuel Macron – qui n’a sans-doute pas encore eu le temps de s’user – a pointé « l’incomplétude » non des hommes mais de notre démocratie elle-même. Et, pour comble d’audace, il a ajouté qu’il manque un Roi. Telle est, ici, notre conviction.
Il y a quarante-cinq ans de cela, le Comte de Paris avait écrit ceci qui à notre sens n’a rien perdu de sa valeur, tout au contraire et que nous livrons à la réflexion de nos lecteurs, dont, peut-être, Philippe Bilger lui-même : « Dans la démocratie formelle, l’accession à la charge suprême est le fait de la compétition dans le style individualiste du siècle dernier; toutefois, il est permis d’espérer qu’un jour, pour en finir avec l’escalade permanente du pouvoir, le moyen sera trouvé d’instituer dans la République une autorité qui ne soit pas seulement légale mais légitime: ce peut être l’exigence naturelle de la société véritablement organique qui doit naître des réalités de ce temps. » Voilà qu’à près d’un demi-siècle de distance, Emmanuel Macron dit à peu près la même chose. De quoi faire réfléchir ! LFAR
Le 14 juillet, le président de la République s’est posé en bouclier de la «patrie» et on voit bien ce qui se dessine pour l’avenir: il sera de plus en plus candidat avec l’exigence de rassemblement et d’unité comme programme, en cherchant à faire oublier qu’il avait promis la concorde aussi en 2012 et qu’on en a été loin au cours de ses trois premières années.
Il me semble qu’on accepte beaucoup de nos responsables publics et que sans illusion sur eux le citoyen ne peut pas faire autrement que de tolérer avec une ironie désabusée les propos conventionnels, la comédie des sacrifices et le rite obligé du devoir comme impératif suprême.
Il n’empêche qu’il y a des limites. Entendre le président déclarer: «S’il n’y a pas de baisse du chômage, je ne me représenterai pas» constitue une véritable provocation démocratique.
Il est le premier à n’être pas dupe de cet engagement puisqu’il en a déjà formulé d’autres et qu’à l’évidence il n’a jamais été ligoté par eux.
Par rapport à l’échec de ses gouvernements dans la lutte contre le chômage, sous son autorité, on devine bien qu’il parviendra à hypertrophier une embellie même minime pour justifier une candidature renouvelée.
Même si de telles promesses pieuses sont tellement traditionnelles de la part de nos présidents – Nicolas Sarkozy en 2007 n’en avait pas été avare – qu’on ne s’en indigne plus, elles sont pourtant révélatrices d’un jeu de rôles qui ne montre pas notre République et ses piliers sous un bon jour. Il y a, en effet, une sorte de connivence entre le pouvoir et les médias pour que les seconds fassent semblant de prendre au sérieux les promesses du premier.
Pourtant, dans la structure permanente du discours de conquête du pouvoir et de celui de son exercice, on retrouve les mêmes invocations: on n’aspire pas à présider par volupté ou pour abuser mais par ascèse parce que le souci du bien public est si enraciné qu’on ne s’imagine pas un autre destin, aussi éprouvant qu’il soit. On n’a absolument pas l’intention de durer pour durer et il va de soi que si les objectifs fondamentaux ne sont pas atteints, on se retirera avec une modestie exemplaire pour laisser la place à un successeur qui fera peut-être mieux que nous.
Tout cela est tellement usé, grotesque et cousu de fil trompeur que je ne m’explique pas pourquoi les médias, avec rage, sarcasme ou colère, ne contraignent pas le pouvoir à arracher le masque et à reconnaître sa supercherie.
Et, qui sait, à lui faire perdre l’habitude de ce simulacre et de cette fraude politique et humaine.
Il va de soi qu’un président, d’abord qui promettrait dans sa campagne moins qu’il ne tiendrait dans sa pratique, et qui ensuite afficherait sa seule envie de ne pas trop mal faire sans nous faire croire à une pureté impossible, aurait mes suffrages.
Ce qui crée le cynisme, ce n’est pas l’ambition ni de demeurer quand on a failli. C’est de prétendre qu’on ne se représentera pas quand on sait évidemment que sa décision est prise et qu’on fera comme tous ses prédécesseurs: on s’estimera, pour la France, plus important que la France elle-même.
Je déteste cette gauche présidentielle déjà en campagne et qui se moque de ses concitoyens. Elle nous prend pour des imbéciles.
François Hollande fera passer les intérêts supérieurs de la nation derrière des compromis qui lui assureront le soutien de son camp et lui permettront peut-être d’être présent au second tour et d’être réélu.
Pourquoi pas ?
Mais, de grâce, qu’il ne joue pas au vertueux et ne nous fasse pas prendre des vessies tactiques et opportunistes pour des lanternes magiques. •
Philippe Bilger – FigaroVox
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“Il est bon !!”