La Grande Ourse. Photo © NASA
Que recouvre le mythe de Thulé la mystérieuse île du Nord vers laquelle vogua Pythéas, au IVe siècle avant notre ère ?
C’est une île de glace, située dans le grand Nord, où vécurent des hommes transparents. Ainsi Hérodote évoque-t-il Thulé, plus d’un siècle avant le voyage de Pythéas (Valeurs actuelles du 16 juillet). D’où vient ce nom ? L’étymologie en demeure discutée : du grec tholos (“brouillard”), du celtique thual (“terre du Nord”), du sanscrit tulâ (“balance”) ? Cette dernière hypothèse évoquerait un symbole nordique primordial, la Grande Ourse et la Petite Ourse étant assimilées aux deux plateaux d’une balance dont le centre serait le pôle, sur lequel reposerait l’équilibre du monde. Dans sa Géographie, Strabon écrit (au début de notre ère) : « Pythéas dit que les parages de Thulé […] constituent la dernière des régions habitables, et que là le cercle décrit par le soleil au solstice d’été est identique aau cercle arctique. » Après lui, Pline l’Ancien, Ptolémée ou encore Étienne de Byzance précisent le caractère solsticial de Thulé. Ce dernier parle d’une « grande île de l’océan, dans les régions hyperboréennes, où le soleil, au solstice d’été, fait un jour de vingt heures équinoxiales et une nuit de quatre heures ; en hiver le contraire ».
La tradition mentionne l’existence de Thulé plusieurs siècles avant l’expédition de Pythéas. C’est cette tradition qui poussa ce dernier vers ces « terres au-delà des neiges » d’où, selon Hérodote, étaient originaires les peuples fondateurs de l’Hellade — Ioniens, Achéens, Doriens. Le mythe de Thulé rejoint celui d’Hyperborée, île située « par-delà les souffles du froid Borée [le vent du nord] », habitée par les Hyperboréens. Hésiode les évoque dès le VIIIe siècle avant notre ère. Au siècle suivant, Aristée de Proconèse décrit Hyperborée comme une terre sacrée, où le soleil brille constamment. Une terre liée à Apollon, dieu solaire : sa mère, Léto, y serait née ; lui-même, après sa venue au monde à Délos, y aurait été conduit par des cygnes. Ce n’est pas pour rien que Pythéas plaça sa navigation sous le patronage d’Apollon. Elle constituait en effet un retour aux sources. Car Aristote l’a bien dit : « Le mythe est un récit mensonger qui représente la vérité. » •
Christian Brosio – Valeurs actuelles
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