Après de longues vacances, la matinale de France Inter, est de retour, avec Patrick Cohen entouré des clercs de son équipe, habiles à dire le dogme. Celui du politiquement correct, bien-sûr. Pourquoi nous y intéressons-nous ? Tout simplement parce qu’elle est en France la première du genre et touche près de quatre millions d’auditeurs.
Bernard Guetta aussi est de retour, dans un contexte mondial qui n’est pas rose du tout et met à la peine son optimisme messianique natif. Ainsi, depuis quelques lustres, s’est-il habitué à osciller entre réalisme contrit et illusions persistantes. Et c’est ce qu’il fait avec talent dans la chronique qui suit, d’hier jeudi. Fondamentalement, on le verra, les situations dictent son réalisme. Et ses remarques ne manquent pas d’intérêt. Ses illusions ? La démocratie à l’occidentale dans le monde entier, la marche inéluctable des peuples vers elle à travers leurs révolutions obligées, l’Union (européenne), réputée elle aussi irréversible et, in fine, la prétendue communauté internationale, la gouvernance de l’ONU, l’unité du monde, dans la paix et la prospérité, naturellement partagées.
Réaliste Guetta l’est plus qu’Alain Minc, Hollande, Merkel ou Macron, quand il analyse la crise chinoise et les répercussions intérieures et extérieures, pas seulement économiques, mais aussi politiques, et géopolitiques, très graves et très profondes qu’elle peut avoir. Il a raison de signaler le risque que se rouvrent les plaies toujours à vif de l’histoire asiatique. Peu de politiques ou d’observateurs seront capables d’envisager l’avenir dans cette dimension, ne connaissant plus l’Histoire.
Il est réaliste lorsqu’il souligne les actuelles difficultés de la Russie qui sont patentes. Mais il redevient idéologue lorsqu’il oublie de noter que les Etats-Unis et l’Europe les ont stupidement aggravées par leur politique systématiquement hostile à la Russie. Les sanctions que nous lui avons appliquées, nous autres Français et Européens, à l’instigation pressante des Américains, sont retombées comme en boomerang sur nos industries et nos agriculteurs. Elles nous ont nui probablement plus qu’aux Russes… « La seule arme dont [la Russie disposerait] est son pouvoir de nuisance sur la scène internationale qu’elle exerce aussi bien en Syrie qu’en Ukraine. » Mais comment accepter sans discuter une proposition aussi dogmatique – qui n’est, en fait, que polémique ? Que dire de notre politique en Syrie ? Et de notre interventionnisme actif dans les pays jadis sous domination russe ?
Réaliste, Bernard Guetta l’est encore lorsqu’il constate l’interminable chaos dans lequel le Proche-Orient s’enfonce toujours plus. Il néglige le fait que nous avons grandement contribué à l’y installer, par nos interventions désastreuses et ratées en Irak, en Afghanistan, en Libye .. Et par le mythe largement formé en Europe des printemps arabes, que nous aurions stupidement voulu appliquer à la Syrie, après qu’il n’ait été ailleurs qu’une illusion. On en voit, partout, les résultats.
Parmi ces derniers, l’invasion massive de l’Europe par ceux qui fuient misère et chaos. Oh ! Guetta ne peut manquer de constater le phénomène, qui bouscule ce havre de paix qu’est l’Union. Cette chère Union qui n’en est pas une, où chacun – chacun pour soi – hérisse partout des murs, des barbelés et des contrôles.
Alors, on verra comment Bernard Guetta guette les lueurs d’espoir. « L’Onu vient d’imposer un accord de paix au Soudan du Sud, la diplomatie tente de reprendre la main en Syrie, l’Europe pourrait bien sortir renforcée des épreuves qu’elle accumule. » Etc.
La vérité est toute simple : l’ordre du monde n’est pas ce que croit Bernard Guetta. Voilà tout. Lafautearousseau
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Alerte rouge sur le monde
« On n’aime pas dire cela. Si vacillante soit-elle, il est infiniment plus utile au débat public de montrer la lumière au bout du tunnel que son inquiétante obscurité mais tous les voyants du monde, les faits sont là, sont au rouge.
Dans l’ordre de gravité, il y a d’abord la crise chinoise. On peut vouloir la relativiser pour ne pas alimenter la panique des marchés. François Hollande, Angela Merkel et bien s’autres s’y emploient mais cette crise va s’approfondir, lentement mais sûrement, parce que la spectaculaire phase de croissance de la Chine a pris fin et que son régime de parti unique ne dispose d’aucune soupape de sécurité, ni sociale ni politique, pour canaliser le mécontentement puis la colère qui en découleront. Au-delà même des problèmes intérieurs qui s’annoncent, la déconfiture de la deuxième économie du monde aura des répercussions sur les cinq continents et le pouvoir chinois pourrait bien avoir, un jour, à tenter de se survivre en jouant du nationalisme et rouvrant les plaies toujours à vif de l’histoire asiatique.
La Russie, deuxième sujet d’inquiétude, n’est pas en bien meilleure forme. Le pays le plus étendu du monde n’en finit plus de voir sa bourse et sa monnaie dégringoler car les sanctions occidentales prises après l’annexion de la Crimée ont accentué de profondes difficultés structurelles liées au manque d’investissements et à une totale dépendance au cours des matières premières dont la crise chinoise va maintenant accélérer la baisse. La Russie ne sait pas où elle va, ne sait pas ce qu’elle veut, et la seule arme dont elle dispose est son pouvoir de nuisance sur la scène internationale qu’elle exerce aussi bien en Syrie qu’en Ukraine.
Ensanglanté, troisième problème, par les crimes du régime syrien et ceux de l’Etat islamique, le Proche-Orient paraît toujours plus s’enfoncer dans un interminable chaos. On le sait. Inutile de s’étendre sur ce chapitre mais la nouveauté, quatrième problème, est que les ricochets de ces conflits ont maintenant atteint l’Europe. Parce qu’ils n’ont plus d’autre moyen d’échapper à la mort et que rien ne les arrêtera donc, des centaines de milliers de réfugiés, hommes, femmes et enfants, se bousculent aux portes de ce havre de paix qu’est l’Union.
En coordonnant ses efforts, l’Union européenne pourrait parfaitement bien relever ce défi mais force est de constater qu’il met à l’épreuve la solidarité de ses Etats, révèle la lourdeur de ses processus de décision et nourrit ses nouvelles extrêmes-droites, promptes à dénoncer des terroristes en puissance dans ces malheureux qui, pourtant, fuient la terreur.
Tout cela ne veut bien sûr pas dire que l’apocalypse soit pour demain. La sagesse, après tout, a fini par prévaloir dans les négociations grecque et iranienne. L’Onu vient d’imposer un accord de paix au Soudan du Sud, la diplomatie tente de reprendre la main en Syrie, l’Europe pourrait bien sortir renforcée des épreuves qu’elle accumule mais, pour l’heure, non, il y a peu de lumière au bout du tunnel. » •
N’y a-t-il rien d’autre à faire que d’écouter « les matinales » et Bernard Guetta de Rance Inter ?
Si. Il y a cela à faire. Pour les raisons indiquées dans le commentaire – que peut-être Thibon n’a pas lu ! Et puis il y a à piocher dans les archives de Lafautearousseau qui traitent d’une foule de sujets. Pour ce qui est de Thibon, on le retrouve bien des fois dans la section Viméo. De quoi se former sérieusement et s’éviter de parler trop vite.
A Thibon
Monsieur, il est probable que vous n’avez pas lu, vu ou écouté le dix-millième du contenu de ce blog. Et vous trouvez moyen de faire la leçon sur ce qu’il y aurait de mieux à faire que d’écouter les matinales de « Rance Inter », votre trouvaille !