Par François Marcilhac *
La gestion par l’Allemagne des flux migratoires en provenance de Syrie, lesquels ne font que s’ajouter à ceux de la Libye, qui ne se tarissent pas, témoigne, s’il en était besoin, du fait que, contrairement à ce qu’on entend ici ou là, loin de penser « européen », chaque Etat membre de l’Union conduit en temps de crise la politique qui lui semble, à tort ou à raison, c’est une autre affaire, la plus conforme à son intérêt — du moins lorsque cet Etat est gouverné par des dirigeants dignes de ce nom, ce qui n’est plus, depuis bien longtemps, le cas de la France. Les media de l’oligarchie ne cessent de déplorer l’attitude des pays qui refusent d’accueillir ces « migrants », dont ils doutent à bon droit, du reste, de la qualité de réfugiés, et déplorent leur prétendu égoïsme, avec ce moralisme propre au projet européen — ainsi Juncker, le président de la Commission européenne, a déclaré dans son discours « sur l’état de l’Union », le 9 septembre, qu’ « il est temps de faire preuve d’humanité et de dignité », en accueillant tous les réfugiés qui se présentent.
Accuser d’égoïsme les gouvernants qui pensent en premier lieu au bien de leur peuple, comme c’est leur devoir, et le proclament ouvertement, c’est oublier un peu vite que c’est l’Allemagne, qui, la première, a donné le signal d’une attitude strictement nationale en décidant unilatéralement d’un accueil massif dont elle savait fort bien que ses partenaires auraient ensuite à supporter les conséquences en termes d’appel d’air et de masse. Oui, Merkel a cherché et cherche toujours à imposer sa politique aux Vingt-Huit, pensant, à tort manifestement, que parce qu’elle a à sa botte le dirigeant de la première puissance militaire et de la deuxième puissance économique de l’Union — en l’occurrence Hollande —, elle ne ferait qu’une bouchée d’Etats plus petits. Que Merkel ait été la plus nationaliste dans l’affaire, il ne viendrait à l’idée ni de nos journalistes béats devant la nouvelle icône des droits de l’homme, ni évidemment à des hommes politiques complices de sa politique, de le dénoncer. Merkel accueille : tous les Etats européens doivent accueillir ; Merkel ne peut ou ne veut plus accueillir et suspend Schengen en rétablissant des contrôles à ses frontières : c’est la faute de ses partenaires qui ne l’ont pas suivie et refusent la politique des quotas, c’est-à-dire de répartition obligatoire des clandestins, politique qu’Hollande avait dans un premier temps lui-même refusée, avant de se coucher, comme d’habitude. Et dès lors de brandir des menaces, avec une suffisance qu’on n’aurait plus cru possible — ou du moins que n’imaginaient plus possible les naïfs qui croient encore à un quelconque progrès moral de l’humanité, y compris dans les relations entre Etats, un progrès moral qu’incarnerait justement l’Europe institutionnelle. N’a-t-elle pas osé répondre, le 31 août, avec un humour typiquement germanique, semble-t-il, lors d’une conférence de presse, à une question sur d’éventuelles sanctions contre les pays réticents à une répartition : « Je ne veux pas sortir maintenant tous les instruments de torture » ? Or ces pays, situés essentiellement en Europe centrale et orientale, sont ceux qui ont toujours le plus souffert de l’expansionnisme allemand et dont un des prédécesseurs de Merkel avait fait, en quelques années, des protectorats avec la même passive complicité d’une république française, incapable à l’époque comme aujourd’hui, de concevoir les rapports internationaux comme des rapports de forces — ce que, pourtant, ils n’ont jamais cessé et ne cesseront jamais d’être —, rapports dans lesquels l’idéologie, hier le pacifisme bêlant du briandisme, aujourd’hui le droit-de-l’hommisme mercantile de l’oligarchie européiste, jouent le rôle d’anesthésiants.
Certes, l’échec, lundi 14 septembre, de la réunion des ministres européens de l’intérieur sur les quotas, montre que Merkel a sous-estimé la résistance de nations qui ne s’en laissent pas compter, au regard tant de leur histoire que de leur capacité d’absorption : une capacité d’absorption non seulement économique, mais également culturelle et religieuse, de flux d’allogènes disposés à tout, sauf à s’intégrer à des pays qui, en les accueillant avec une générosité confinant à la niaiserie, ne pourraient susciter que leur mépris. Toutefois, Merkel n’a rien lâché : Thomas de Maizière, son ministre de l’intérieur, a déclaré à la chaîne publique allemande ZDF, mardi 15 septembre, que les pays qui refusent les quotas, « souvent […] reçoivent beaucoup de fonds structurels » européens. « Je trouve aussi juste (…) qu’ils reçoivent moins de moyens », a-t-il poursuivi en approuvant la proposition formulée en ce sens par Juncker.
De fait, si Juncker et Merkel sont la main dans la main, Hollande jouant les utilités, c’est que l’idéologie de l’accueil leur sert à tous deux d’anesthésiant pour contraindre les peuples à accepter une politique d’immigration qu’ils jugent conforme, la seconde à l’intérêt d’une Allemagne vieillissante mais encore forte de plus de 80 millions d’autochtones et qui, pense-t-elle, saura sans trop de préjudice, absorber cette main-d’œuvre étrangère, le premier à celui d’une Union européenne sans autre identité que le consumérisme. En bon négrier mondialiste, Juncker, toujours dans son discours sur l’état de l’Union, n’a pas omis de préciser : « La migration doit cesser d’être un problème pour devenir une ressource bien gérée ».
L’Europe n’existe pas. Elle est et demeure un mythe. La Pologne, la Hongrie, la Tchéquie ou la Slovaquie — le groupe de Visegrad — mais aussi le Danemark, la Lettonie ou la Roumanie, ne doivent pas être montrés du doigt : leur refus ou leur manque d’empressement est le témoignage d’une identité forte, qu’ils doivent à une histoire riche, souvent dramatique. Leur nationalisme défensif face à l’invasion n’est que l’expression de leur bonne santé morale. Persévérer dans l’être, tel est aussi l’objectif de Merkel, mais avec ce nationalisme agressif propre à la culture allemande qui, le plus souvent, fut aveugle sur ses propres intérêts. Bruxelles, qu’elle co-dirige avec la Commission européenne, tout à son universalisme matérialiste hors-sol, sert pour l’instant sa politique. La Grèce et l’Italie, quant à elles subissent, avec pour seul objectif de s’en sortir le plus rapidement possible. Seule la France, asthénique, joue un jeu « européen », l’Europe ayant toujours été, pour ses élites, l’autre nom du renoncement. •
François Marcilhac – L’ Action Française 2000
Le problème n’est pas tant l’Allemagne dont la puissance économique, la plus forte du continent européen, donne un poids politique en conséquence mais la classe dirigeante française, politique, économique, sociale et médiatique qui se couche devant elle au nom de l’Europe.
Du fait de sa puissance elle a des alliés comme les Pays-Bas, la Pologne, la Finlande, et bien d’autres pays de son hinterland qui fait qu’elle exerce une hégémonie en Europe que notre classe dirigeante est incapable de contrer sans hostilité parce que la classe politique « française » n’ose pas lui dire qu’elle va comme le dit Emmanuel Todd détruire l’Europe pour la 3è fois en un siècle (depuis 1914). En effet la haine qu’elle suscite en Grèce, Portugal, par les politiques économiques imbéciles parce qu’inefficaces, meurtrières va croitre en raison de son unilatéralisme cf la Hongrie qui se souvient de l’humiliation du traité de Trianon en 1920, et la Roumanie et Bulgarie que l’Europe laisse croupir dans la misère.
L’ALLEMAGNE n’a pas à nous faire la leçon. Un pays qui nous « bassine » avec l’écologie, où les « GRUNEN » font la loi, et qui trafique les logiciels pour rendre ses voitures faussement écologiques, devrait faire profil bas
A force d’acheter la GRECE par morceaux, l’ALLEMAGNE va finir par lui ressembler
Merci à François Marcilhac pour cette excellente analyse. A l’appui de ce retour aux frontières, le N° 5 Avril – Juin 2015 de l’excellente revue de géopolitique CONFLITS (www.revueconflits.com), où Pascal GAUCHON fait cette livraison avec la manchette « A quoi servent les frontières ». Il convie un aréopage de géographes, de démographes et d’historiens pour nous dire « … Frontières inanimées, avez-vous donc une âme ? … frontières naturelles, économiques, juridiques, linguistiques, culturelles, chaudes, froides ou même gelées …ce qu’il n’a pas rencontré, ce sont des frontières mortes … « . Dans une très belle formule Gauchon nous dit « … comme un volcan n’est jamais définitivement éteint, la lave de l’histoire s’agite dans les profondeurs et peut ressurgir au moindre accident ». Et il débute son dossier par ce qualificatif «Indestructibles».
Il est affligeant qu’il ait fallu cet évènement irrationnel d’une vague de fuyards déboussolés, pour nous rappeler ce qu’est une frontière. Et quand on lit certains commentaires, le sujet est il bien choisi pour ressortir des chromos jaunis contre l’Allemagne ou la Hongrie.
Un peu en marge de ce billet, mais pas tant, je n’ai pas regardé la pitrerie de jeudi soir car c’est au dessus de mes forces. Mais j’ai entendu aujourd’hui quelques bribes des propos tenus par cet apparatchik irresponsable. Comme tous les analystes le savent, les désespérés fuient l’installation d’un califat qui promeut un état totalitaire qui hélas fonctionne, par essence justement sans frontières. Ce n’est pas comme le proclame ce fonctionnaire inculte de passage, à cause du régime de Damas que les gens fuient. Quand une série de mensonges (les armes chimiques (??), 250.000 tués (??)), est relayée à un tel niveau de l’Etat, on peut se dire que notre pays est vraiment en phase terminale … A moins que. Oui la France c’est autre chose !