par Louis-Joseph Delanglade
Pour les uns, Volkswagen pèse d’un tel poids dans un secteur « structurant » de l’économie allemande que des conséquences déstabilisatrices incalculables sont à craindre – pour la firme d’abord, pour l’Allemagne ensuite, pour l’Europe enfin. Pour les autres, tout cela va peu à peu se résorber avec le temps et l’aide du système judiciaire américain : VW est touché, mais loin d’être coulé.
« Ça touche quand même à l’identité allemande » : M. Calvi (France 5) ne croit pas si bien dire. « L’image de respect des règles qui est souvent associée à l’Allemagne est une illusion » renchérit M. Duval, économiste patenté, qui se plaît à rappeler les nombreux exemples de comportements pour le moins « indélicats »de personnalités et entreprises allemandes ces dernières décennies. Nous le savions, maintenant plus personne n’en doute : l’Allemagne, parangon de vertu et de morale, et les Allemands sont comme tout le monde. Il ne faut ni s’en étonner, ni s’en réjouir, ni en être scandalisé – il faut faire avec. « C’est rassurant, les Allemands sont comme les autres » dit même de façon plaisante M. Daniel, autre économiste patenté. Parfois, dirait-on, plus naïfs que les autres : se refusant à investir dans un nouveau moteur aux normes, jugé trop coûteux, la firme a eu la légèreté de croire qu’elle pourrait tromper longtemps des contrôleurs américains particulièrement inquisitoriaux.
Le fait est qu’on sait maintenant que les autorités américaines se doutaient de quelque chose depuis un certain temps – on fait remonter la fraude à 2008. De là à penser qu’en laissant faire, elles ont attendu le moment opportun pour que le coup soit plus rude (amende de dix-huit milliards de dollars !) pour un concurrent direct de l’industrie automobile locale…Voilà qui conforterait la thèse du « soft power ». Certes, les normes américaines s’appliquent aussi aux nationaux, mais il faut bien constater qu’elles s’appliquent avec un zèle tout particulier aux étrangers – parfois même avec une bonne dose de mauvaise foi (comme l’a montré l’amende infligée à BNP-Paribas). A quoi bon pourtant reprocher aux Américains, par ailleurs champions du libéralisme mais aussi du capitalisme concurrentiel, de défendre bec et ongles leur pré carré ? Eux aussi sont finalement comme tout le monde et il faut faire avec.
Cela suppose cependant un peu de bon sens et de réalisme politique. M. Chevènement dénonce avec raison la stratégie impériale d’ « inféodation » des Etats-Unis, inféodation qui, outre l’imposition de normes et mesures en matière commerciale et industrielle, s’appuie déjà sur l’espionnage à très grande échelle pratiqué par la N.S.A. et s’appuiera demain sans doute sur un traité transatlantique de libre-échange rien de moins que léonin… Les Américains – les Allemands aussi – sont certes nos partenaires, voire nos alliés, mais n’ayons pas la naïveté de les prendre pour ce qu’ils ne sont pas : quelle que soit sa forme, quel qu’en soit le domaine d’application, leur « nationalisme » reste évident et, s’il est une leçon à tirer de l’affaire VW, c’est qu’il faut défendre ses propres intérêts sans état d’âme mais intelligemment. •
Évident depuis le début mon cher…..
avec des partenaires/alliés de ce genre on n’a pas besoin d’ennemi……..
Merci LJD. Un très grave incident mais pas comme il est rapporté, et vous visez juste.
Que dire des commentateurs obnubilés par cette réunion bidon dont l’inutilité est programmée. Un sigle du genre COP 21
Si le sujet n’était la rage américaine d’un lion sans pitié dans la guerre économique, où l’utilisation du Droit est l’arme de base, on s’étoufferait d’un immense fou rire. Imagine-t-on de lourdes condamnations en France pour cause de mensonge ? Il n’y aurait plus un politique en place ! Dans la guerre économique nous répondons avec notre style bisounounours donnant des leçons de morale à la terre entière et des structures de façade telle que l’intelligence économique (ne pas confondre avec l’économie de l’intelligence …°.
Rappelons que :
– l’automobile est une des clés de voute du PIB américain (l’autre étant l’immobilier).
– la retentissante faillite de GM en Juillet 2009 entraina la réaction vigoureuse de la Fédération (très rare au pays de la libre entreprise) avec sauvetage au prix d’une « boucherie » (licenciements massifs), et 4 ans plus tard, GM de nouveau premier mondial !
– le diesel représente autour de 3 % du parc automobile américain, donc pas une affaire d’Etat.
– est il pensable qu’un tel dispositif sophistiqué (hard et soft) ait été installé à une telle échelle tout en préservant le secret ? La concurrence était forcément au courant. Et les Agences américaines dont c’est la vocation de suivre et d’alimenter la guerre économique, aussi …
– est il pensable que le service juridique de VW n’ait pas fait de très fermes mises en garde en interne sur le risque potentiellement onéreux, de jouer avec les règlements aux Etats Unis ? Et la filiale américaine de VW ? Il s’agit de monter en épingle un évènement qui fait réagir une entité totalement irrationnelle, la Bourse. Dans le climat de protectionnisme américain chronique, c’est un premier pas. L’attaque de l’image est une seconde étape. La réaction de l’administration française est puérile et les Américains ont encore de très beaux jours devant eux …
Hervé Juvin le dit avec plus de talent, lien dans CAUSEUR:
http://www.causeur.fr/traite-transatlantique-tafta-bnp-34772.html?utm_source=Envoi+Newsletter&utm_campaign=3f8f4061d6-Newsletter_28_09_15&utm_medium=email&utm_term=0_e89bc7d32d-3f8f4061d6-39324625
Et nous revient l’amertume de Camille Desmoulins, la veille d’être guillotiné : «Ce sont les tyrans maladroits qui se servent des baïonnettes, l’Art de la tyrannie consiste à faire la même chose avec des juges».