par Louis-Joseph Delanglade
« Craignez-vous que le conflit syrien dégénère en 3e Guerre mondiale ? », c’est la question, pertinente au regard de la mécanique du déclenchement des deux premiers conflits mondiaux, posée par Le Figaro aux lecteurs de son édition électronique.
On se rappelle M. Hollande à la tribune de l’ONU : « Assad est à l’origine du problème, il ne peut pas faire partie de la solution » – niant ainsi que la lecture « démocratique » de l’embrasement du Proche-Orient ait fait long feu. Aveuglés par le fantasme ridicule du « printemps arabe », MM. Juppé et Fabius ont fourvoyé la diplomatie française dans un soutien stupide à une prétendue opposition « libre » au régime de Damas. Or, les « groupes rebelles affiliés à l’Armée syrienne libre » (Le Monde) sont devenus, de facto, au sein d’une « Armée de la Conquête » les alliés objectifs des djihadistes salafistes d’Al-Nosra et Ahrar Al-Sham, ouvertement financés par les monarchies sunnites du Golfe et en partie aidés par la Turquie, elle aussi sunnite.
Tous les ennemis de M. Assad sont donc sunnites, à commencer bien entendu par les combattants de l’Etat islamique. Il ne faut pas s’en étonner. En effet, quels que soient les excès de son régime (mais lequel, dans la région – et ailleurs -, peut se targuer d’être « innocent » ?), M. Assad a maintenu une forme de coexistence fondée sur la protection des minorités et trouvé un soutien indéfectible dans l’Iran chiite. Le conflit actuel ressemble donc furieusement à un affrontement de type religieux entre les frères ennemis et irréconciliables de l’Islam.
L’intervention brutale mais efficace de la Russie a d’abord le mérite de donner indirectement raison à tous les politiques qui, en France même, pensent que M. Assad fait partie de la solution. Par exemple à M. Védrine, lequel dénonce dans toute approche exclusivement morale l’origine de « l’échec de la stratégie occidentale » et prône une alliance pragmatique avec Damas contre « Daesh ». Ou encore à M. Chevènement, plus radical dans ses propos : « L’élimination d’Assad ouvrirait les portes de Damas à Daech ». Cela dit, l’engagement russe pourrait bien nous impliquer dans une conflagration apocalyptique par le simple jeu de l’engrenage des alliances.
Signe inquiétant en effet : la sur-réaction de la Turquie et de l’OTAN aux formes prises par les frappes russes. En fait, la Turquie (et, derrière elle, l’axe sunnite tout entier) voit d’un très mauvais oeil s’éloigner la perspective pourtant promise d’un renversement de M. Assad et pourrait pousser ses alliés à une sorte de surenchère démagogique. Il est donc urgent de signifier que notre seul ennemi dans la région est l’Etat islamique (à qui d’autre pourrait s’adresser l’allusion de M. Hollande à la légitime défense ?) et que MM. Poutine et Assad – dont les autres objectifs ne constituent pas une menace pour la France, ni même pour ses alliés – doivent être considérés comme des partenaires. Sinon… •
L’entrée en action de l’armée russe en Syrie a paradoxalement poussé les diplomates et les militaires russes et américains à dialoguer. La guerre contre l’Etat islamique sera longue et encore difficile. Et ultime paradoxe, en unissant, même indirectement, Américains, Russes, Iraniens, Saoudiens et Israéliens contre lui, Daesh peut peut-être, à plus ou moins long terme, faire progresser la paix au moyen Orient.
Saluons d’abord la ténacité et la qualité des observations de LJD. Excellent résumé sur le conflit séculaire entre sunnites et chiites. La France se devait de rester à l’écart des propagandes ineptes.
Je suis imperméable à ses couinements anxiogènes, qui prétendent faire des parallèles avec un passé sans rapport avec ce que nous vivons aujourd’hui au Levant et dans la péninsule arabique. Le Figaro nous sert une doxa étasunienne médiocre avec mmes Mandeville et Lasserre à la manoeuvre, loin des lignes de forces à l’œuvre dans «l’Orient compliqué». Je suis plutôt séduit par le coup de taraud précis de Charles GAVE, « Poutine joue aux échecs, et Obama et Hollande à la belotte ». Il est très charitable de joindre Hollande à Obama. La diplomatie de la France est sortie de l’équation depuis bien longtemps, les premiers coups ont été donnés par Juppé; c’était au temps d’un certain Sarkozy.
lien
http://institutdeslibertes.org/proche-orient-quand-poutine-joue-aux-echecs-et-messieurs-hollande-et-obama-a-la-belotte/?print=pdf
Péroncel-Hugoz a écrit ici même il y a peu que les apparatchiks qui dirigent la France allaient manger leur chapeau. C’est tout le Système qui patauge lamentablement et c’est un jeu d’enfants pour les Russes de jouer à la marelle au milieu de notre kindergarten.
Souvenons nous, est ce si loin ? En Juin 2014, quand un prédicateur barbu plus astucieux que son concurrent commença à prôner le retour au califat, ce ne fut sur les plateaux de télé envahis de «spécialistes» (on en regorge), que haussements d’épaules, mépris pour cette démarche qualifiée de moyenâgeuse, ce retour aux sources à la mode salaf, vue comme un feu de paille sans lendemain … etc ! Nous voyons où nous en sommes 16 mois plus tard. A part avoir changé le nom du califat en plusieurs autres appellations. C’est le niveau de la diplomatie de la France.