Alain Paucard est un sacripant. Il a repris sa mitraillette en bandoulière et tire ses rafales. Tout y passe ! Comment imaginer, au siècle radieux dans lequel nous vivons, pouvoir donner encore des leçons sur un tableau noir ? Encourager les enfants à visiter le temple de la barbarie qu’est le Musée de l’Armée ? Donner une leçon de prosodie en osant se moquer des chanteurs modernes, du rap de banlieues et surtout de René Char ? Ne pas se mobiliser contre le Sida et limiter la science à la découverte de l’usage du canon et de la dynamite en regrettant le temps où on pouvait se trucider d’homme à homme en se servant d’estoc et de taille ?
Pire encore, ses moqueries à l’égard de la fonction de président de la République sont indigestes, surtout lorsqu’il prône un retour à la Royauté. Complètement archaïque cet homme !
Il prône la sensualité de l’écriture à la plume, déplore le manque de romantisme du courriel et traite les lecteurs de consommateurs. Il en est même à désapprouver la disparition des classes de première dans le métro, en prophétisant comme son père que « les gens finiront par se promener avec une plume au cul ». Il ose affirmer que la démocratie est ennemie de l’érotisme et il rend hommage aux libertins, nostalgiques du porte-jarretelles et à la prostitution à l’ancienne. D’après lui, la plus grande libération est l’œuvre des catholiques avec leur messe en latin, la beauté des processions, les prêtres en soutane et, surtout, leur art pictural qui, depuis les premiers siècles, présente la chair de manière sublimée. Il en serait presque à reprocher à Calvin et à Luther d’avoir détruit l’image.
A notre époque où Internet relie les peuples, il le qualifie de la plus grande catastrophe de l’humanité. Quant à la jeunesse, il se permet un hymne aux voyous et blousons noirs en méprisant les révolutionnaires de Mai 68 qu’il considère comme des enfants de BOF dont les seules qualités seraient la débrouillardise, la combine et un amour immodéré pour le rap, sorte de sabir américano commercial. En fait, il ne trouve de vertu pour la jeunesse que l’engagement dans la Légion ou la préparation à Saint Cyr.
Il se permet aussi de reprocher aux écologistes de jeter l’argent par les fenêtres en érigeant des éoliennes vissées dans du béton et accuse les architectes du renouveau, tel Portzamparc, d’être des barbares. Ce pauvre sacripant en est encore à la nostalgie des vieux villages. Ce vieux réac, puisqu’un réac ne peut être que vieux, pleure sur la disparition du cinoche et s’afflige de la prépondérance de la télévision en citant André Malraux : « La différence entre le cinématographe et la télévision : dans un cas la lumière vient de derrière et dans l’autre de devant. »
Même le sport en prend son grade. Il sanctifie le grossier spectacle de la boxe, regrette que le rugby soit devenu professionnel, et glorifie le vélo, sport adulé par les travailleurs et Michel Audiard, donc des beaufs, qui l’utilisaient pour se rendre au boulot.
En fait, les regrets de cet ombrageux auteur se limitent à la disparition des triperies, des putes de Saint Denis, de la 2 CV, du cinoche avec Jean Gabin, des bars enfumés et j’en passe…
Alain Paucard est bien un Sacripant ! La définition donnée pour cette appellation par le Littré est synonyme de mauvais garnement, fripouille et querelleur, et, pour le Larousse, de vaurien capable de mauvais coups. Mais la véritable étymologie vient du patronyme italien Sacripante, personnage du poète de Matteo Maria Boïardo, qui dans son œuvre, l’Orlando Innamorato (Roland amoureux, 1476-1494), est doué d’une bravoure exceptionnelle et d’une force extraordinaire. Grand chevalier, il porte secours de manière désintéressée à la Dame dont il est épris.
Paucard est un sacripant dans le sens chevaleresque et son livre, courageux et lucide, est à lire et à relire sans aucune modération.
Oui, c’était mieux avant, d’Alain Paucard, éditions Jean-Cyrille Godefroy, 118 p., 12 euros. •
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“Il est bon !!”