La question que pose Dominique Jamet
Dominique Jamet est homme d’esprit de culture et d’intelligence politique. Nous parierions qu’écrire le billet qui suit, pour Boulevard Voltaire, a dû, par surcroît, l’amuser. En matière de tripatouillages médiatiques et électoraux, ici, nous sommes, si l’on peut dire, blindés. Mais les politiciens ont des ressources sans limites. Et renouvellent sans cesse le répertoire. Jamet nous gratifie, en plus, pour illustrer son propos, d’une chanson de circonstance du regretté Guy Béart. Merci à lui ! LFAR
Question : qui est M. Pierre de Saintignon ? Réponse : M. Pierre de Saintignon est le parfait inconnu à qui est échue la lourde charge de défendre les couleurs du Parti socialiste lors des prochaines élections régionales face à Marine Le Pen et Xavier Bertrand.
Simple quidam comme dans la chanson de Guy Béart, M. de Saintignon s’est retrouvé à deux doigts de sortir enfin de l’anonymat jeudi dernier lorsque ses deux parrains du jour, Nicolas Sarkozy et Jean-Christophe Cambadélis, ont exigé qu’il participât à l’émission Des paroles et des actes dont la présidente du Front national était l’invitée. L’occasion pour ce personnage de l’ombre de prendre enfin un peu de lumière. Occasion ratée comme on sait : M. de Saintignon est toujours simple quidam.
C’est pourtant Martine Aubry en personne, dame des trente-cinq heures, qui a efficacement œuvré pour propulser ce modeste falotcrate à la tête de la liste socialiste du Nord-Pas-de-Calais-Picardie. Courageuse, mais pas téméraire, socialiste peut-être, mais d’abord aubryste, l’élue lilloise a fait coup double en imposant à ses petits camarades le choix de son premier adjoint. En s’effaçant devant un hologramme inconsistant, celle qui était toute désignée pour être la candidate naturelle du P.S. échappait à l’humiliation retentissante d’une défaite personnelle et évitait de faire la courte échelle à d’éventuels rivaux. Bien joué, Martine, tu auras joué un rôle non négligeable dans le désastre qui attend les tiens !
Car tous les indices concordent à ce jour. Non seulement les socialistes, si longtemps et si anciennement hégémoniques dans le Nord, sont assurés d’en perdre le contrôle, mais le malheureux M. de Saintignon – hâtez-vous de ne pas retenir ce nom ! – devrait être très largement devancé le 6 décembre et par Marine Le Pen, désormais donnée gagnante, et même par Xavier Bertrand. Certes, placé, mais placé troisième…
Dans ces conditions, il est permis de s’étonner de l’engagement solennellement pris par M. de Saintignon – dont le nom n’aura jamais été et ne sera plus jamais autant cité – lundi dernier au micro de RMC : « Quoi qu’il arrive », a déclaré l’homme-sandwich de la débâcle socialiste, « je maintiendrai ma liste au second tour. » Quoi qu’il arrive ? Peste ! Mais on le sait pertinemment ce qui va arriver dans ce cas de figure qui garantit une élection de maréchal(e) à Marine Le Pen.
Certes, ces mâles propos sont peut-être de circonstance et n’ont pour but que de mettre un peu de baume au petit cœur meurtri des colistiers de M. de S. dont on peut comprendre qu’ils n’envisagent pas sans effroi la traversée du désert régional qui leur est promise.
Mais qu’est-ce à dire s’il s’agit bien de la tactique adoptée au sommet du PS et de l’Etat et si la position prise par M. de Saintignon ne vaut pas seulement pour le Nord-Pas-de-Calais et si le P.S. se maintient partout où il arrivera en troisième position, au risque d’abandonner au moins deux et peut-être trois régions au Front national ? Si c’est le cas, de deux choses l’une : ou bien le Front national n’était décidément pas le diable et ceux qui sont prêts à lui faciliter l’accès aux responsabilités reconnaissent implicitement que leur discours était un pur mensonge de propagande. Ou bien le Front national est en effet la bête immonde dont on nous dénonce le retour depuis des décennies et le laisser mettre la main demain sur la région, après-demain sur le pays, c’est faire la politique du pire, c’est se comporter en irresponsable, pour ne pas dire en criminel.
Autre hypothèse : M. de Saintignon a dit n’importe quoi, ce qui peut arriver à n’importe qui, donc au premier et même au troisième quidam venu. •
VERDU sur Éloquence : Tanguy à la tribune,…
“Il est bon !!”