par Dominique Jamet
Dominique Jamet écrit à François Hollande. Une lettre où se conjuguent esprit, sens du détail et sagesse politique. Qui caractérisent les écrits de Dominique Jamet. Jadis, Giscard allait dîner chez les gens. Cela n’a pas donné à sa carrière présidentielle la longévité qu’il souhaitait. Hollande, lui, a rencontré Lucette, après que son cabinet lui a précisé ce qu’elle ne devait pas dire à la presse, par la suite. Du moins est-ce ce qu’elle a rapporté aux journalistes. Le cabinet de François ne pouvait pas rêver mieux … Faut-il vraiment aller chez les gens ? Dominique Jamet ne le recommande pas, semble-t-il. LFAR
Monsieur le Président,
Vous aviez conçu le projet, assez hardi, il faut en convenir, par les temps qui courent, d’avoir un contact direct avec un Français, ou une Française, en tout cas un compatriote, sans témoins, sans intermédiaire et sans ambages, hors caméras, hors micros, sans la presse, ou seulement une petite partie, en toute spontanéité, en toute discrétion.
Trop poli (je ne dis pas pour être honnête), trop délicat, trop gentleman (on ne se refait pas), vous n’avez cependant pas voulu vous inviter chez l’habitant sans l’avoir prévenu. Ça ne se fait pas de surprendre quelqu’un en déshabillé, en peignoir, en débraillé, au saut du lit, en pleine scène de ménage, que sais-je encore. Alors, vous avez demandé à Gantzer de préparer votre rencontre, et c’est comme ça que tout le pays l’a su.
Ce n’est pas d’aujourd’hui que les princes ont bien du mal à préserver leur incognito. Ce qui devait être un déplacement impromptu et ignoré du public a finalement mobilisé votre cabinet, le préfet de Meurthe-et-Moselle, le maire de Vandœuvre-lès-Nancy, son conseil municipal au grand complet, quelques journalistes triés sur le volet, les policiers en charge de votre protection rapprochée, les habituels escadrons de gendarmerie, les services du déminage, un avion et un hélicoptère… Et en plus, il a fallu que vous tombiez sur une amie politique, candidate aux dernières municipales sur la liste socialiste. Lucette n’était pas vraiment représentative du pays profond. Vous conviendrez que les choses ne se sont pas tout à fait passées comme, paraît-il, vous auriez souhaité qu’elle se passassent.
Les Français, avez-vous déclaré en Chine, savent où vous trouver. Il semble que vous ayez du mal à savoir où ils se trouvent.
Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous faire quelques suggestions sur la marche à suivre quand vous renouvellerez votre tentative d’aller au contact des vrais gens.
Tout d’abord, extrêmement important : ne vous contentez pas de vérifier que la lumière est bien éteinte dans le bureau de Gaspard Gantzer ni même que votre conseiller en communication est bien rentré chez lui. Expédiez-le en Nouvelle-Calédonie pour y préparer votre prochain voyage outre-mer. Ensuite, envoyez votre premier garde du corps vous chercher des croissants dans une boulangerie que vous aurez choisie lointaine. Quelques instants plus tard, envoyez votre deuxième garde du corps à la poursuite du premier : finalement, vous vouliez bien des croissants, mais des croissants aux amandes.
Vous voilà pour la première fois depuis longtemps libre de vos mouvements et de votre vie privée. Vous accrochez à la porte de votre bureau une pancarte Do Not Disturb que vous vous serez aisément procurée à Pékin ou à Séoul. Vous sortez de la pièce par la petite porte dérobée et empruntez l’escalier secret que vous savez. Une fois dans le parc du palais, vous vous dirigez vers la grille du Coq, là où vous avez garé votre scooter il y a dix-huit mois. Merveille : l’engin, entretenu par les services de l’Élysée, repart au quart de tour…
Vous roulez à votre gré, dans n’importe quelle direction. Quelques centaines de mètres ou quelques kilomètres plus loin, vous descendez dans le métro, vous montez dans l’autobus, ou vous poussez la porte du premier café venu. Vous enlevez votre casque, on vous reconnaît, on vient à votre rencontre, on vous entoure, vous allez savoir enfin ce que les Français pensent de vous.
Oh, j’allais oublier, un dernier conseil, un vrai conseil d’ami : vous aurez pris soin de vous munir de votre gilet pare-balles… •
Journaliste et écrivain
dans le carder de la lutte pour notre patrimoine commun, la langue:
après que son cabinet lui eût précisé ce qu’elle…: après que est l’exact équivalent de quand; l’action est réelle, et ne saurait supporter le subjonctif, encore moins plus-que parfait, avec des passés du présent (passé composé)! donc: après que son cabinet lui a précisé ce qu’elle…
erratum: dans le cadre de…
Merci de votre juste remarque. Nous corrigeons !