TRIBUNE – André Bercoff estime, dans FigaroVox, que la campagne menée par les socialistes vis-à-vis du Front national est farcesque et grotesque. Il en traite avec ce bon sens qui en arrive à parler comme le fait aussi le bon peuple dans les moments où, selon Maurras, il lui arrive d’être infaillible… Le style et la verve en plus, qui sont la marque d’un texte d’André Bercoff. Une seule réserve : croit-il vraiment que « les armes de la démocratie […] ne sont pas, loin s’en faut, rouillées ou hors d’usage » ? Il administre lui-même la preuve du contraire. En tous cas, pour ce qui est de la démocratie française, hic et nunc. Celle qui, spécificité unique en Europe, procède d’une Révolution qui commence par instaurer la Terreur. Et qui, en un sens, continue de le faire ! LFAR
La politique comme champ de ruines ou espace de renouveau possible ? La tambouille électorale considérée comme un des beaux arts ou l’expression d’un peuple qui utilise enfin son droit de vote autrement que comme gadget plus ou moins utile ? Chacun aura compris que les régionales, cette année, sont beaucoup plus que les régionales. Le découpage des apprentis sorciers n’a pas tenu une seconde devant le brutal retour à la réalité.
C’est là que le bât blesse. Pire : il saigne. Quand on conjure des citoyens de gauche de voter résolument pour des représentants du bord opposé, qu’ils conspuaient abondamment il y a encore quarante-huit heures ; quand on accepte que pendant six ans, pas un élu de son propre camp ne siègera à tel ou tel conseil régional, c’est qu’il y a vraiment quelque chose de pourri dans le royaume de la soi-disant démocratie des urnes. Ce que signale cette campagne de décembre 2015, c’est à la fois l’éloge du reniement ajouté au déni du réel : cela fait beaucoup pour des millions d’hommes et de femmes qui auraient encore le toupet d’avoir des convictions.
Car enfin il faut être clair : quelles que soient les divergences que l’on peut avoir avec le Front National – et Dieu sait s’il en existe – est-il pour autant un parti factieux ? Antirépublicain ? Prépare-t-il la France à une dictature auprès de laquelle celle d’un Hitler ou d’un Staline n’aurait été qu’une aimable bluette ? Quelle est cette bien-pensance généralisée et omniprésente qui prétend combattre le nazisme – vaincu, rappelons-le, depuis soixante-dix ans – en faisant l’impasse sur les véritables totalitarismes d’aujourd’hui ? Qui sont ces vertueux qui veulent faire barrage de leur corps à la bête immonde, sans jamais avoir demandé son interdiction ? De deux choses l’une : ou le Rassemblement Bleu Marine veut la fin de la République et des libertés et l’on vote une loi pour l’interdire, ou c’est un parti comme les autres et on l’affronte avec les armes de la démocratie qui ne sont pas, loin s’en faut, rouillées ou hors d’usage.
Cette tragi-comédie médiocre, jouée par des acteurs sans talent, opère en réalité des ravages. Ce n’est pas par hasard qu’on en arrive à un Bartolone reprochant à une Pécresse de « défendre Versailles, Neuilly et la race blanche », dans un exercice de masochisme et de haine de soi qui masque évidemment des préoccupations électorales au ras des pâquerettes. Quand le corps politique n’a plus ni colonne vertébrale, ni constance, ni fidélité, la porte est grand ouverte à l’extension du domaine de la salivation aussi imbécile qu’illimitée.
Le dramaturge allemand Bertolt Brecht le disait il y a longtemps : quand le peuple gronde contre son gouvernement, celui-ci, excédé, ne pense plus qu’à dissoudre le peuple. Tout se passe comme si le présent enfumage, entre COP21 et état d’urgence du côté du pouvoir et, de l’autre bord, querelles intestines et fantasmes primaires du côté de la droite, sait qu’il ne fera rien oublier. Ni chômage ni précarité, ni violence ni insécurité, ni identité malheureuse et encore moins angoisse de l’avenir. Evidence : les princes qui nous gouvernent ou qui aspirent à le faire, n’ont rien à se reprocher, ne font aucune autocritique, ne rendent aucun compte de leurs errements, de leurs aveuglements, de leurs impuissances: ils vont, impavides, moutons d’un Panurge dont ils ont oublié depuis longtemps la légitimité, obsédés par une seule préoccupation : garder le poste. Le pouvoir. Le fromage. Jusqu’en 2017 et au-delà. Et après eux, le déluge.
Bon vote. •
André Bercoff est journaliste et écrivain. Son dernier livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi est paru en octobre 2014 chez First.
« Dissoudre le peuple » se fait effectivement en manipulant les suffrages. Le parti nationaliste n’est en rien un parti factieux en ce sens qu’il n’aspire qu’à une chose : entrer dans le Système pour le purifier.
Depuis le début, il joue la voie électorale (on oublie que JMLP était au départ député) et si Bruno Mégret n’avait pas été débarqué, il serait maintenant un parti « parvenu » accablé de responsabilités et lui-même sur la sellette des élections ; ce que le Menhir redoutait le plus.
Philippot reprend le logiciel d’intégration de Mégret et, sauf accident grave de communication (vous reprendrez bien des petits fours ?) le Front mariniste a des chances sérieuses aux Législatives de 2017. Il faudra peut-être retravailler le volet économique du programme pour être crédible dans la classe moyenne. Pour le moment, avec quelques 300 conseillers régionaux, le parti s’installe.