par Louis-Joseph Delanglade
Naissance, donc, à Ryad d’une grande « coalition islamique antiterroriste » : dénomination qui a le mérite de la clarté mais qui ne peut manquer de susciter certaines interrogations, tant la situation est embrouillée. Trente-quatre pays musulmans réputés sunnites – ce point est important – parmi lesquels des poids-lourds régionaux comme la Turquie et l’Egypte seraient donc d’accord pour « combattre le terrorisme militairement et idéologiquement ». Il est toujours possible qu’à moyen terme cette coalition finisse par engager réellement des troupes au sol contre l’Etat islamique. Cela pourrait d’ailleurs constituer, au moins dans un premier temps, une aubaine pour des pays « occidentaux » dont l’engagement, fondé pour l’essentiel sur des frappes aériennes, montre ses limites.
Ce qui est sûr, c’est que la manoeuvre séoudienne répond à un triple objectif au plan international. D’abord se dédouaner de la légitime suspicion qui pèse sur les relations troubles qu’entretiennent le wahhabisme séoudien et la mouvance salafiste jihadiste : si l’Etat séoudien lui-même n’est pas directement partie prenante, ce sont bien une école de pensée et des financements venus du royaume qui sont en cause. Ensuite réaffirmer ses propres prétentions à la conduite de l’ « Umma » (ensemble de la communauté musulmane) que lui conteste de fait l’instauration du califat d’Abou Bakr Al-Baghdadi. Enfin, affaiblir le parti chiite conduit par l’ennemi irréductible, l’Iran, pour l’instant en pointe contre l’Etat islamique : Ryad cherche donc à instrumentaliser la lutte contre l’E.I. pour mieux contourner le croissant chiite.
Cependant, en voulant sortir de l’ambiguïté, se poser en chef de file de l’islam sunnite et s’impliquer davantage au niveau régional, le gouvernement séoudien pourrait bien, sur le plan intérieur, bouleverser l’équilibre fondateur du régime entre wahhabisme et famille royale. Jusqu’où pourrait-il aller dans cette voie ? Qui peut dire jusqu’où se propagerait l’onde de choc que provoquerait une déstabilisation de la monarchie ? L’Arabie Séoudite ferait ainsi courir à tous le risque d’un embrasement général du Proche-Orient dont les conflits localisés (Syrie-Irak et Yemen) n’auraient été que les prémices.
Pour les béats (France Inter, encore et toujours) cet engagement séoudien, « sortant d’un silence qui finissait par passer pour une connivence », est la preuve que l’islam n’a rien à voir avec le terrorisme, les soldats de l’E.I. devenant de facto des « hérétiques » (sic). On nous permettra d’être sceptique, d’accord en cela, une fois n’est pas coutume, avec la plupart des commentateurs – « coup de pub », « coup de com », « jeu de dupes », etc. On attend de connaître la position du gouvernement. On se rappelle les propos de M. Valls sur le Qatar et l’Arabie Séoudite, peu après les attentats de novembre (« Je n’ai pas de raison de douter de l’engagement de ces deux gouvernements »). On ose espérer qu’au delà d’une déclaration de circonstance, M. Valls n’est pas assez naïf pour ne pas douter et que la politique proche-orientale de la France ne reposera pas sur un acte de foi. •
Avis partagé sur tout, cher LJD. Et quelques commentaires pour compléter. Les connaisseurs de la région se sont retenus de ne pas éclater de rire. Dans cette armée à la « Boubaki », plusieurs pays n’ont pas les moyens de protéger leur propre territoire et leur propre pays ! Et les Séoudiens n’inspirent que répulsion, sinon véritable effroi.
Autre exemple, le jeu de la Turquie consiste à tuer le plus de Kurdes possible, cela remonte à très loin … A l’époque de la première équipée américaine en Irak, la propagande outrancière contre Saddam Hussein se heurtait à un « le Kurde turc est un mauvais kurde, un kurde irakien est un bon kurde ». Population hélas sans patrie et répartie sur 5 pays (Turquie, Irak, Iran, Syrie, et Russie).
Vous attendez une position officielle du Quai d’Orsay ? Admirable optimisme allant de pair avec votre courage à écouter France Inter. Belle santé ! Une publication professionnelle du Renseignement, « Intelligence Online » (ex Le Monde du Renseignement) nous dit dans son éditorial du 2 Déc. que monsieur Hollande va fermement freiner les relations avec les pays de la région. Très déçu du manque de contrats d’ampleur signés en Arabie Séoudite. Echec flagrant de la visite de Manuel Valls à la mi-octobre dernier qui ne s’est conclu que par moins d’un milliard € de commandes fermes.
Eh ! oui. Notre Manolo national ne boxe pas dans sa catégorie. Excellent pour démolir Dieudonné, et monter des coups foireux contre Marine Le Pen. Son maximum de Peter. Pas plus …Mais nous avons la faiblesse de penser que la France est autre chose.
autant donner la main à une méduse qu’a ces gens .
coup de com, rien de plus – bientôt » on » aura plus besoin du pétrole et par nos idées nous gagnerons la bataille de l’humanisme
Un renard avec des plumes est-il un coq ou un renard??????
pour nos média et classe politique adeptes de la collaboration « horizontale » avec l’Islam, c’est un coq bien sûr, Pour ceux qui veulent bien regarder la vérité en face, c’est toujours un renard
Je pense qu’il faut écouter France Inter ne serait-ce que par militantisme. Ce sont des adversaires avec mission de proclamer, diffuser, pérenniser la doxa dominante. Nous devons les suivre pour les combattre, les dénoncer, les « stigmatiser ».
Pour ce qui est du fond, nous avons les Rémi brague, Péroncel-hugoz, Annie Laurent, etc. Jean-Louis Faure pourrait sûrement en citer d’autres.
LJD a une vue très juste de la situation. Enfin, je trouve …
Vous avez évidemment raison @Cédric, il faut les écouter. Je dis simplement que ceux qui s’y attellent ont une sacrée dose de patience et d’abnégation car ce n’est vraiment pas une sinécure. Et personnellement je ne sais pas faire. Mais j’aime en lire les passages les plus insensés …
Tout d’abord j’apprécie le français « séoudien », cela devient rare dans la presse. Je suis moins critique que M. Delanglade et les commentateurs précédents sur l’engagement de Ryad dans cette affaire qui menace directement le pouvoir de la maison des Séoud. Ils sont très conscients que le pseudo-califat d’Al-Baghdadi ne peut s’exercer que sur les décombres de l’Arabie heureuse actuelle, le wahhabisme étant sauf.
Le problème du roi est que l’OEI n’est pour le moment contenue que par des armées chiites (milices irakiennes, pasdaran iraniens, Hezbollah et accessoirement ce qu’il reste de l’infanterie syro-alaouite), ce qui leur signale qu’en cas de victoire de la coalition russo-occidentale, tout le mérite sera chiite et leur échappera, même s’ils bombardent au nord comme la Jordanie.
Il faut que les Séoudiens soient vus au sol en situation de l’emporter pour sauver l’honneur, exalter les fidèles et survivre dans l’histoire. Craignant d’y aller seuls, ils appellent d’autres infanteries à rejoindre mais il y en a peu en fait dans le croissant sunnite car les armes techniques plus prestigieuses y sont privilégiées. Le Pakistan qui a de la ressource et un certain poids militaire est en train d’ergoter.
En fait celui qui amènera le plus d’unités de combat sur le terrain revendiquera le commandement au sol. Il faudra alors aux Séoudiens beaucoup d’adresse pour faire tirer les marrons du feu par les autres et en prendre la gloire.
En plein dans « l’Orient compliqué ».
Parfaitement d’accord avec la ligne 1 du commentaire de Catoneo. Moins sur tout le reste …