par Frédéric Pons
L’on sait que nous suivons avec attention les remarquables analyses géopolitiques de Frédéric Pons dans Valeurs actuelles : parce qu’elles procèdent d’une parfaite connaissance des dossiers et d’une approche des grandes questions toujours réaliste et d’un rare bon sens. D’autre part, la situation de l’Algérie et ses possibles évolutions nous paraît devoir être pour la France un grave et constant objet de préoccupation. Non en soi-même, mais parce que, de fait, l’Algérie reste, en un sens, que nous le voulions ou non, indissolublement liée à la France. Alger est à six- cents kilomètres de Marseille, plusieurs millions d’immigrés algériens ou d’origine algérienne vivent en France, enfin la France conserve certains intérêts en / ou avec l’Algérie. Que ce pays entre en convulsion, qu’il soit submergé par l’islamisme le regarde. mais malheureusement, nous regarde aussi si l’on songe aux très graves conséquences, en France et hors de France, que pourrait avoir pour nous une brusque dégradation de la situation en Algérie. C’est aussi – c’est surtout – en ce sens que l’article qui suit nous intéresse. LFAR
Le récent séjour médical d’Abdelaziz Bouteflika à Grenoble et la vague de limogeages qui affecte l’appareil sécuritaire algérien confirment l’accélération du processus de transition à Alger, dont devraient profiter les “néo-islamistes” algériens. Réélu pour un quatrième mandat, en avril 2014, Bouteflika ne gouverne plus que sous le contrôle de son frère Saïd et du clan présidentiel. L’armée est déjà à leur botte. Ils sont en train de casser le redoutable DRS (Département du renseignement et de la sécurité), la seule structure encore capable de s’opposer à eux. Réputé inamovible depuis vingt-cinq ans, son chef, le mystérieux général Mohamed Lamine Mediène, “Toufik”, vient d’être brutalement débarqué, comme le patron de l’antiterrorisme, le chef de la garde présidentielle et une quarantaine d’autres généraux ou officiers, écartés ou emprisonnés pour d’obscures raisons. “Toufik” ne veut pas se laisser étouffer. Il vient de dénoncer « une injustice » à l’égard de ses anciens subordonnés, appelant à « laver l’honneur des hommes qui se sont entièrement dévoués à la défense de l’Algérie ».
Cette sortie sans précédent — “Toufik” ne s’était jamais exprimé publiquement — confirme les fortes tensions au sommet de l’État. « Le couteau a atteint l’os » (la situation est grave), dit Khalida Toumi, ex-ministre de la Culture, membre du “groupe des 19”, des cadres de la nomenklatura algérienne qui demandent à être reçus par Bouteflika. « Le président est pris en otage par son entourage direct », estime Lakhdar Bouregaâ, ancien commandant de la wilaya IV (Algérois), membre de ce groupe. Tous redoutent l’arrivée au pouvoir des islamistes que Bouteflika a amnistiés de façon très généreuse depuis 1999 puis insérés au plus haut niveau de l’économie algérienne. Proches de l’AKP turc, ces “islamo-conservateurs” avaient un dernier obstacle à lever : la menace latente du DRS, aux ordres des généraux “éradicateurs” qui les avaient vaincus entre 1992 et 1999. Leur élimination ouvre aux barbus algériens les portes du pouvoir.
Bouteflika leur laissera un beau cadeau : la plus grande mosquée d’Afrique, Djamaâ El Djazaïr, dotée d’un minaret de 270 mètres dominant la baie d’Alger. Ce projet pharaonique — la “mosquée Bouteflika” — devrait coûter 1 milliard d’euros. •
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