Un point de vue de Dominique Jamet
En tout cas une analyse qui donne à réfléchir. Et même à se poser la question de fond, celle qui sous-tend le débat politique français depuis des mois : comment un tel Système où même les situations les plus graves ne réduisent pas à leur néant les calculs politiciens, les combines électorales, les ambitions et les égos, mais, au contraire, les motivent et les exacerbent, susciterait-il la confiance et l’adhésion des Français ? Le fossé entre peuple et Système continuera de se creuser. Par la force des choses et des événements, viendra alors le temps des échéances. Des échéances plus décisives que celle de la réélection ou non de Monsieur François Hollande. LFAR
Il a longuement hésité. Pesé le pour et le contre. Pris des avis de sens contraire. Entendu les arguments des uns et des autres. Souri complaisamment aux uns comme aux autres. Laissé croire à ses interlocuteurs, quels qu’ils fussent, ce qu’ils avaient envie de croire. D’un côté, il y avait un marqueur traditionnel de la gauche. De l’autre, la possibilité d’une manœuvre politicienne fructueuse. Entre la fidélité aux grands principes, au risque de paraître manquer de détermination face au terrorisme, et l’éventuel avantage électoral qu’il pourrait tirer d’une posture de fermeté, François Hollande a balancé, au point que même deux des ministres les plus directement intéressés, Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira, ont pu s’y tromper et que la dernière nommée a entrepris la tournée des dupes qui l’a menée à Alger et au bord de la rupture. Puis le Président a tranché – on sait dans quel sens.
Est-ce parce qu’il s’était solennellement engagé devant le Congrès à priver de leur citoyenneté française les terroristes bénéficiant d’une double nationalité ? François Hollande n’est pas de ceux qui font obligatoirement ce qu’ils ont dit et un éventuel manquement à sa parole n’aurait fait que s’ajouter à la liste de ses promesses non tenues et de ses reniements plus ou moins assumés.
Est-ce parce qu’il y a quoi que ce soit à attendre d’une mesure qui non seulement ne s’appliquera qu’à un nombre extrêmement réduit d’individus mais ne fera ni chaud ni froid à des gens qui s’excluent sciemment, par la pensée et par leurs actes, de la communauté nationale ? Évidemment non.
Tout simplement, dans le contexte actuel, le Président ne pouvait ignorer que la déchéance de nationalité des criminels djihadistes était devenue un symbole, que l’opposition à l’affût s’apprêtait à exploiter toute reculade sur ce terrain et que l’opinion aurait suivi. D’où ce choix spectaculaire qui, après l’instauration de l’état d’urgence et la reprise du contrôle de nos frontières, entérine le ralliement du chef de l’État et de son gouvernement à des solutions qu’ils n’étaient pas les derniers à dénoncer, il y a six semaines, comme d’extrême droite et, il y a encore huit jours, comme typiquement de droite.
François Hollande n’ignorait naturellement pas qu’il allait faire hurler ceux des socialistes qui sont encore de gauche et ceux qui se situent encore plus à gauche que les frondeurs. Mais peu lui chaut, désormais, de heurter ou de désespérer Benoît Hamon, Martine Aubry, Christian Paul, Cécile Duflot ou Jean-Luc Mélenchon alors qu’il lui importe beaucoup, au contraire, de caresser dans le sens du poil et de séduire Jean-Pierre Raffarin, Xavier Bertrand, Christian Estrosi, Jean-Louis Borloo, François Bayrou et jusqu’à Alain Juppé.
À court terme, la droite et même le Front national sont pris au piège. Il serait désormais absurde et contre-productif que, dans ce vaste secteur de l’opinion, on aille rejeter une révision constitutionnelle faisant entrer dans notre droit des mesures que l’on réclamait à cor et à cri. Si peu de temps après que les électeurs socialistes ont permis aux « Républicains » de triompher dans le Nord et le Midi, nous allons donc les voir voler au secours de la gauche – un rendu pour un prêté – ou se déjuger et passer pour préférer les vieux clivages à l’intérêt national. L’inflexion en faveur de laquelle Manuel Valls et Ségolène Royal ont bataillé est un petit caillou de plus sur le grand chemin de la recomposition.
À plus longue échéance – une échéance de dix-sept mois -, le Président, visant déjà le second tour, considère que l’essentiel des voix de toute la gauche lui est acquis et lui reviendra, bon gré mal gré, fût-ce en grognant, fût-ce la rage au cœur et la bave aux lèvres, face à Marine Le Pen, et que le réservoir de voix qui lui assurera la victoire finale se situe à droite et sera partie prenante dans la majorité de demain.
En tout cas, cet épisode devrait fermer définitivement la bouche à ceux qui douteraient encore de sa volonté. De se présenter. •
Dominique Jamet Journaliste et écrivain – Boulevard Voltaire
Je lis toujours avec attention les éditos de D. Jamet, belle langue, actualité bien perçue, analyses qui poussent à la réflexion.
Mais ici je ne partage pas ce qui est plus une opinion qu’une observation pertinente. Celui que certains appellent un Diafoirus incompétent et malintentionné, ne fait rien de plus depuis l’été 2012, que tenter de capter la demi heure de petit écran autour de 20 H. Tout est bon, du très pusillanime, aux questions constitutionnelles graves, mais en moyenne, le standard est l’avenir de Léonarda … Habillé de slogans sommaires et de langage mécanisé, les chocs, les pactes, les réunions de crise. En l’espèce, cette question de la déchéance de nationalité fait partie des coups d’annonce, inefficace, superflue, dans le seul but de faire du bruit. Devant les infâmes attaques dont notre beau pays est désormais la cible, une question fondamentale n’est que très peu abordée, la destruction de notre outil de Renseignement depuis les années Sarkozy. Une longue analyse serait nécessaire mais facile à conduire. La nationalité ? On connaît les remèdes : révision de l’attribution de la double nationalité (drapeaux algériens après un match de foot ? hymne israélien à l’AN ? … etc), revoir et corriger le droit du sol (dont la raison d’être est perdue de vue …). Le poids du FN est il une grosse inquiétude pour le Système ? Evidemment non car la photographie est en noir et blanc. Quand bien même il est le premier parti de France, de loin, avec un socle électoral de 9 millions de suffrages, les régionales furent le galop d’essai pour mettre en place le barrage. N’importe quel chien coiffé ou singe avec une casquette fait l’affaire face au FN, dès lors qu’un manolo catalan, inculte avec pour seul viatique le vocabulaire de base de la pub (moins de 200 mots), agite la guerre civile et le fascisme. En vociférant, index menaçant et accusateur contre ses contradicteurs (dans les banlieues de non droit dont la superficie s’étend, il se ferait casser la gueule). Nous avons sous les yeux, le triste exemple de PACA où les voix se sont portées sur un Estrosi méprisé. Suivi des propos entendus le lendemain chez mme la bouchère « nous avons échappé au fascisme … ». Et l’on reste … sans voix !
Il ne faut pas sous-estimer le crabe vainqueur des Primaires socialistes dans le domaine de la politique politicienne. Que n’a-t-on pas entendu contre lui de la part de ses concurrents mieux placés, en des termes de dérision ciblée : fraise des bois, capitaine de pédalo, qu’a-t-il jamais fait ? etc. Mais à la fin il les vainquit tous.
Et pour en remettre une couche, il dégagea le président sortant, soutenu par tous les moyens de l’Etat confisqués à son profit, du second quinquennat qu’on lui offrait. Puis ce fut le désert conceptuel…
Avec l’oukaze de la déchéance de nationalité, François Hollande vient de démarrer sa campagne présidentielle. Comme le dit Dominique Jamet, il faut acquérir des voix sur sa droite car il est certain que l’aile gauche va se présenter à côté ou contre lui pour lui manger des voix, comme le firent les groupuscules de la gauche plurielle contre Jospin en 2002.
Organiser sa stratégie électorale, il sait faire quand il est personnellement concerné – c’est un homme de synthèses de congrès – et doublement quand il sent que le camp adverse n’a toujours pas de chef indiscuté et que Sarkozy est au seuil du putsch pour dégager la route. Dans quel but en plus ? Sarkozy II et le clone de Sarkozy I qu’il a largement battu.
Il n’est pas impossible de voir la combine lui donner raison en mai 2017, pour le plus grand malheur de notre pays.
Le commentaire de Catoneo est un peu long pour dire ce que l’on sait déjà. Peine perdue, peine inutile – celle de l’auteur, celle du lecteur – pour enfoncer des portes ouvertes.
La combine qui assurerait la réélection de François ‘Hollande en 2017, ce serait, en revanche, la victoire du scénario Houllebecq et là on connaît la suite.