Homélie du père Jean-François Thomas, lors de la messe du 21 janvier à la mémoire de la famille royale et de toutes les victimes de la Révolution, en l’église saint-Germain l’Auxerrois à Paris.
Regardons un instant le Roi,- trahi depuis des années par certains des siens, de ses proches et de ses conseillers, par la noblesse et par le haut clergé, alors qu’il est escorté, humilié, par les sapeurs, les dragons entourant sa voiture au retour de Varennes. Le peuple de France qui l’aimait unanimement quelque temps auparavant, l’insultait désormais tout au long du chemin qui annonçait le Calvaire. La Reine était pâle, tremblant pour ses enfants qui pleuraient dans le vieux fiacre. Ce jour-là, cet homme qui n’avait jamais été qu’un Roi, franchit le seuil qui le conduisait vers le sacrifice, et il souriait d’une incroyable et surnaturelle joie car désormais, il souffrait de la douleur divine qui ne l’abandonnerait pas jusqu’à l’échafaud.
De retour aux Tuileries, désormais prisonnier mais encore protégé par le trouble La Fayette, le Roi se mit à lire la vie de Charles Ier d’Angleterre, pressentant ce que serait sa fin. Le Dauphin, dans un cauchemar, se vit entouré de loups, de tigres, de bêtes féroces qui voulaient le dévorer. Le Roi était vaincu et cependant, il n’avait jamais été aussi fort et assuré. Il travaille pour la France car il sait qu’elle lui survivra même si elle est infidèle et devenue folle. Il est Roi de France et non point roi des Français comme le décide alors l’Assemblée. Lorsque les sans-culottes et les femmes vociférantes envahissent le palais, armés de piques et prêts à massacrer la famille royale, Louis XVI, serein, calme, fit reculer cette foule abominable par sa majesté. Le regard du Roi faisait reculer la haine.
Léon Bloy, dans La Chevalière de la Mort, écrit ces mots de braise : « (…) Quand la parfaite ignominie vient s’ajouter à la suprême douleur ; quand le mépris universel, sous sa forme la plus affreuse, vient déshonorer le supplice ; le sublime humain se transfigure et s’élance dans un empyrée nouveau. La Poésie du sang et des larmes se manifeste alors, sans rhétorique ni voiles, découronnée de son terrible bandeau. C’est la poésie surnaturelle de la Passion du Sauveur. Qu’elle le veuille ou non, la douleur d’un homme doit passer par là pour mériter qu’on l’aperçoive dans l’Océan sans rivages des douleurs souffertes. »
Il faudrait être Bossuet pour décrire tant de souffrance et la comparution apaisante devant la Justice de Dieu après avoir été écrasé par le tribunal des hommes. Peut-être suffirait-il de sangloter en silence tant le mystère de cette iniquité est sans horizon… Le Roi décapité, le pays tout entier le fut et l’est encore. Notre peuple est ingrat, il l’a toujours été depuis la fin de ce Moyen Age qui fut époque de foi, d’outrances surnaturelles, de péchés et de grâces à foison. Notre peuple est violent, sanguinaire. Il l’a prouvé tant de fois depuis 1789. Notre peuple est surtout orphelin et il se cherche désespérément un père de substitution depuis qu’il a tué le sien. Ce ne sont point les simagrées républicaines qui peuvent contenter sa soif et sa faim. Il a voulu tuer Dieu et le Roi. Il n’a réussi qu’en partie et demeure hanté par le souvenir de sa grandeur et la profondeur de son apostasie.
Pensons simplement à ces liturgies laïques misérabilistes qui couronnent désormais chaque disparition parmi ceux qui sont considérés comme de grands hommes et chaque attentat commis par les infidèles. Notre peuple essaie de se raccrocher à ce qu’il connaît encore, si peu, de ses racines. Il a signé son arrêt de mort en condamnant son Roi. Tandis qu’il violait les tombes royales et princières, qu’il déterrait et démembrait les cadavres, il procédait à son propre ensevelissement. Dies irae… Ensevelissement d’un pays, d’une Tradition, d’un Trône, d’un Autel, d’un Monde. Notre pauvre et douce France n’a cessé depuis d’être déchevelée par les démons. Les appels à la conversion plusieurs fois répétés, notamment à La Salette, n’y font rien. Nous regardons impassibles la Sainte Vierge en pleurs, Elle qui couvre de son manteau de miséricorde notre terre ancestrale. Alors ne nous étonnons pas que des fléaux nous déciment depuis deux siècles : les guerres napoléoniennes laissant la France exsangue après la terreur révolutionnaire, la Commune suivant la défaite de Sedan ; et puis les hécatombes de la Grande Guerre, de la Seconde Guerre mondiale, les massacres de l’épuration, le corps de nos officiers d’élite saigné à blanc en Indochine ; la révolution de 1968 qui bouleversa le peu de mœurs qui subsistaient en cette V° République qui accumule les lois iniques, ne respectant ni les enfants à naître, ni les agonisants, ni le mariage selon la loi naturelle…
Le 21 janvier 1793, avec la tête de notre souverain, roulèrent à terre toutes les grandeurs de notre royaume sur terre, images, certes imparfaites, mais images tout de même, du Royaume vers lequel nous tendons tous, sinon nous ne serions pas dans cette église aujourd’hui à prier pour le repos de l’âme d’un mort, un simple fils de la terre, couronné, mais paraissant dans la nudité du baptême devant le divin Père, juge et miséricorde.
Nous ne sommes pas ici pour un hommage. L’Eglise n’a que faire des congratulations mondaines. Dans sa liturgie des défunts, elle dirige tous nos sens vers les fins dernières, nous invitant à contempler notre propre mort et à nous y préparer. Le Roi avait rédigé en décembre 1792 son testament qui n’est que pardon et humilité. Le fils de la terre y est déjà fils du ciel. Il refuse toutes les manœuvres pour le délivrer qui pourraient faire couler le sang d’un seul de ses sujets. Le 19 janvier il relit une nouvelle fois le récit de la mort de Charles I° et rédige un logogriphe laissant apparaître le mot « sacrifice ». Parmi les rares demandes que lui accorda la Convention,- nerveuse et inquiète face au royal prisonnier tout habité de paix intérieure, figure l’autorisation de recevoir l’aide spirituelle de l’abbé Edgeworth.
Alors qu’il vient de faire ses adieux à sa famille, de rappeler de nouveau au jeune Dauphin ses devoirs religieux et celui de pardonner à ses bourreaux, tandis que la Reine défaillait à son départ, il avoue à l’Abbé : « Ah ! Monsieur, quelle entrevue que celle que je viens d’avoir ! Faut-il que j’aime et que je sois si tendrement aimé ? Mais c’en est fait, oublions tout le reste pour ne penser qu’à l’unique affaire de notre salut ; elle seule doit en ce moment concentrer toutes mes affections et mes pensées. » Il se confessa et grâce à un privilège arraché par l’Abbé aux commissaires qui le surveillaient, il put entendre la messe et communier à six heures de l’aurore du 21 janvier. Cette messe était une messe identique à celle célébrée aujourd’hui, bien qu’elle ne fût pas de requiem.
Voilà pour nous le moyen béni d’être en union et en communion avec toutes ces générations de fidèles qui nous ont précédés et qui ont prié avec les mêmes formules intangibles. La messe ne s’acheva-t-elle pas, de mystérieuse façon, sur cet échafaud entouré par une foule partagée entre la furie et les pleurs ? Si la mort est la dernière messe de chaque prêtre, elle l’est aussi du souverain qui se sacrifie pour son peuple l’ayant trahi et renié. « Faites ce que vous voulez, je boirai le calice jusqu’à la lie » murmura le Roi aux bourreaux.
Mes chers frères, les trompettes des épouvantements suprêmes retentissent dans le Ciel à chaque fois qu’un innocent est mis à mort. Le Jugement dernier n’est pas une fable pour enfants. Que la mort de notre Roi, homme imparfait et pécheur comme tout un chacun, mais juste et bon, ne soit pas pour nous un sujet de nostalgie mondaine mais fasse grandir en notre âme le désir de mourir comme lui en fils de l’Eglise. Chaque siècle porte en lui, en son milieu, un ravin creusé par le torrent du sang des innocences égorgées. Destin extraordinaire, honneur insigne que d’être ainsi marqué par Notre Seigneur pour participer au banquet des élus. Notre pays doit se préparer spirituellement à connaître de nouveau une telle hécatombe car le fléau de l’islam déferle sur la Fille aînée de l’Eglise avec la complicité de tous les politiques et la lâcheté des clercs.
Nous ne pourrons pas échapper à ce terrible témoignage, même si nous bandons nos yeux et refusons de regarder la réalité. La raison moderne a la haine du Surnaturel. Nous aimons contempler les saints et les martyrs sur les fresques des coupoles car alors ils sont très éloignés de nous et ne risquent donc point de nous emporter dans leur envol. Le dix-huitième siècle fut un siècle petit dans tous les sens du terme, et encore plus en sainteté après l’éclat du dix-septième siècle, le Grand Siècle. Notre siècle lui ressemble en bien des points. Il fallut la Révolution pour que surgissent alors des martyrs par myriades, dans la paysannerie, le petit peuple, l’aristocratie, le clergé. Cette purification était nécessaire. L’aplatissement universel et contemporain des âmes ne peut que déboucher sur un épilogue identique. Un épilogue annonciateur d’une renaissance. Alors préparons nos armes spirituelles, comme le Roi à la veille de son exécution. Ne soyons pas surpris sans huile dans nos lampes. Ce monde va avoir besoin de notre lumière.
Au Nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Ainsi soit-il. •
P.Jean-François Thomas s.j.
C’est tout bonnement admirable… Quand l’Esprit souffle !
A diffuser « sans modération ».
Alexandre de La Cerda
Bien d’accord avec vous, Alexandre, c’est un texte « enthousiasmant » au sens étymologique du terme !
Oui c’est admirable, de lire enfin ce que disent tout bas les gens de France. Oui ça fait plaisir d’entendre un curé tel que nous les voudrions tous. L’hécatombe intellectuelle est t-elle qu’il est temps de se reprendre, demain il sera trop tard. Nous ne pouvons pas continuer à survivre dans la ‘Doxa » de nos élus, pensée dominante qui fait tout le système installé dans les appareils de la république. Merci, ça fait du bien, il faut se réveiller, s’aider au lieu de se disputer.
Merci de nous offrir ce texte à la lecture.
J’étais à Saint Germain jeudi .Nous étions nombreux: 500, peut-être 6, autour du comte de Paris. Et l’homélie nous a tous impressionnés.
Venez encore plus nombreux l’année prochaine. Je pourrai sans doute proposer 2 à 3 places au départ d’Angers.
Sublime en effet et j’ étais à la messe, avec mes amis on peut dire q’ensuite nous en avons beaucoup parlé, mais au fond quelle tristesse que ce constat, quelle infamie que ce jour,en vérité je suis très perplexe quand au peuple français, car à l’ église je sens que nous sommes le dernier près carré et que tout ceux qui étaient vraiment la France sont morts massacrés d’années en années, par la république, voir celle de 1870 et 1939/45 et 14/18 bien-sûr , ceux qui restent ne sont que des larves de consommation et si loin de nous, le travail du gvt est si intense à nous haïr et nous faire oublier que j’ avoue être vraiment dégoutté de ce pays!! Il faut se faire à l’ idée qu’il est mort, d’ ailleurs depuis 200 ans il perd toutes les guerres, tout n’est que fanfaronnade et faux honneurs, désolé, mais là j’ en ai marre………..
Ce Monsieur Gordon est bien sympathique. Mais il a les défauts du peuple français. Prompt à s’enthousiasmer et prompt à se décourager. A se diviser, exagérer, se laisser aller aux pulsions extrèmes. C’est ce qui nous fait perdre avant de nous ressaisir. Et c’est pourquoi nous ne sommes pas faits pour la République.
Monsieur Godron a bien jugé le mental des petits Français contemporains. Ne nous y trompons pas, vient le temps ou comme là bas, il faudra se soumettre ou partir. Les jeunes n’ont plus de travail et envisagent si ce n’est fait de partir, loin très loin des parents et amis. Nous avons confondus république et France, démocratie et oligarchie. Se ressaisir, mais il faudrait pour cela comprendre que nous sommes vendu aux plus offrants et à l’islam. Les vieux ont déjà vécu cela, mais les jeunes sont trop occupés par les jeux de leurs tablettes.
Voilà une belle et vraie messe commémorative de 21 Janvier .J’eus hélas a déplorer ,pourtant dans une église traditionaliste en province ,un semblant de messe .Le prêtre ne s’exprimant qu’en latin ( certes le latin c’est bien et il en faut dans les offices) ne se soucia donc pas de se faire comprendre lorsqu’il évoqua la mémoire de Louis XVI, si d’ailleurs ce fut le cas .Est – il si difficile de parler du Roi et des méfaits de la révolution clairement ? Ou s’agissait -il pour lui d’un pensum ?Pensum pour un prêtre sans conviction réelle ?
J’ajouterais et je l’ai oublié qu’il serait bon que le même effort commémoratif soit consenti pour Marie Antoinette reine martyre .Il est curieux que les royalistes semblent moins intéressés d’honorer partout en France sa mémoire .
D’abord monsieur je ne suis pas français d’origine mais du nord de l ‘europe ou tout s’est écroulé depuis longtemps, et oui je ne crois pas à la victoire finale, il suffit de regarder la rue et comme moi vivre dans un quartier populaire ou la vraie france a été mis à la porte, remplacé par des immigrés en masse et des bobos qui ont toute la sympathie des élus car dociles, on leur fait bouffer n’importe quoi et ça marche, voir les bougies par millier à cause du Bataclan, et monsieur je réetire ce que je pense après 40 ans de militantisme ou je n’ ai vu personne vouloir vraiment prendre le pouvoir!!!! mais se taper sur la ‘gueule’ oui, et ne pas prendre en compte le monde d’ aujourd’hui! Les français mais interroger les sur la royauté, pour eux c’est un symbole pour Walt Disney et un conte pour Blanche Neige… ils en ont rien à foutre…. A moins de prendre les armes, vous savez Louis 16 était adoré comme le dit très bien le discours de Mgr l’ abbé, mais comme Pétain en juin 1944 et ensuite haïs, c’est le peuple, con comme un peuple. Marx le savait très bien qui disait qu’ avec 500 hommes bien choisi on peut faire tout tomber, comme quoi le pouvoir des hommes est bien fragile quand celui-ci est devenu caduque par son aveuglement. Louis XVI n’était pas aveugle et même ce fut un roi qui fit beaucoup, mais autour de lui… Bref Monsieur le Cosquer montrez moi la voix de l’optimisme et je vous suivrais à pas de géant, mais quand je vois ce que je vois et entend du peuple de mouton, ces petits bourgeois de mentalité consumériste, oui je m’inquiète….. désolé!
Cordialement votre!
Dommage que le Père Jésuite qui a évoqué le massacre des épurés parmi lesquels il y avait quelques crapules au service de l’Allemagne ait oublié les résistants dont beaucoup de royalistes qui eux au sacrifice de leur vie ont défendu l’honneur de la France face à la barbarie
le 15 octobre 2015, une messe pour la dernière Reine de France a été dite au même endroit en présence des mêmes
C’est curieux de voir combien – même face aux choses les plus positives, comme l’homélie publiée ici – il se trouve de gens pour regretter, déplorer, se plaindre, se décourager, réclamer, geindre … Fût-ce manifestement à mauvais escient comme le brave Monsieur qui se plaint qu’il ne soit pas dit de messe pour la reine Marie-Antoinette. En bref, nous sommes un peuple de pleureurs ou de pleureuses. Heureusement, il nous arrive aussi de valoir mieux que cela. Alors on construit Versailles, on est vainqueurs sur la Marne, on fait voler les meilleurs avions du monde.
Le père jésuite en question n’a pas parlé de la moralité ou de l’immoralité des victimes de tous ces conflits, mais il a voulu souligné la chaîne incessante des violences dont les Français sont coupables. Les résistants royalistes sont évidemment compris parmi les victimes de la Seconde guerre mondiale.
Pour ma part, j’ajouterai un « élément positif » en indiquant que j’ai fait célébrer, pour la première fois sur la côte basque, une messe en mémoire de la reine Marie-Antoinette, et que je m’apprête à récidiver cette année : rendez-vous à Biarritz le 16 octobre prochain !
Alexandre de La Cerda
Pour plus d’informations : 06 62 72 56 49
Le même père jésuite avait célébré le 15 octobre dernier, dans le même sanctuaire une messe de requiem pour la reine Marie Antoinette, messe à laquelle s’était associé l’Oeillet blanc. Sans doute le début d’une saine coutume.
Comme le suggère Ignace Arouet, un effort d’organisation et de diffusion des messes pour la Reine, est entrepris depuis quelques années. Le » début d’une saine coutume », en effet, on peut le penser on doit l’espérer.