De nombreux ouvrages signés d’hommes politiques paraissent dans les librairies ces derniers mois. Pour André Bercoff, les dirigeants cherchent ainsi à échapper aux flux incessants de l’info en continu et des réseaux sociaux. D’où, dans Figarovox, une salutaire et revigorante humeur, dans le style que l’on sait … D’autant qu’il n’est ni inutile ni désagréable de voir ainsi relativisés, ou mieux dévalorisés, ces Messieurs de la politique et de la presse qui ne méritent pas meilleur traitement. LFAR
J’écris, donc je suis. Jamais autant qu’aujourd’hui, les politiques n’avaient si minutieusement détourné le postulat cartésien. Certes, le pacte séculaire qui lie les Français à l’imprimé, faisait depuis longtemps en sorte que tout représentant du peuple qui se respecte, publiât, un jour ou l’autre, un essai polémique, une vibrante profession de foi, un programme pour Pâques ou la Trinité, et enfin – exercice incontournable – ses Mémoires à l’automne de sa vie. La plupart des ouvrages précités se vendaient peu ou point, mais qu’importait le tirage, pourvu qu’on ait son quart d’heure de célébrité : l’ivresse des micros et des caméras pour commenter, s’étendre et se répandre sur l’immortel produit de ses précieux neurones. A chaque parution, le récipiendaire expliquait pourquoi il faisait don de son cerveau à la France : il était en effet indispensable, pour sauver ce cher et doux pays, que les citoyens connaissent les fulgurantes analyses, les étonnantes prédictions ou les non moins sulfureuses révélations qu’un politique digne de ce nom se doit de mettre à la connaissance de tous. Les grenouilles ont toujours voulu se faire aussi grosses qu’un bœuf : le passage en librairie donnait l’illusion, le temps d’une saison, de passer pour un homme d’État. Rien de nouveau sous le soleil de l’édition.
Aujourd’hui, cependant, force est de reconnaître, dans ce domaine comme dans tant d’autres, l’accélération de l’Histoire, fille des nouvelles technologies et des récentes crises économiques et identitaires. Et surtout, de celle du pouvoir. Depuis la rentrée de septembre dernier, il n’est de semaine sans qu’un élu ne fasse paraître l’état présent de son encéphale sous forme de quelques dizaines, voire quelques centaines de pages. De Villiers à Fillon, de Copé à Taubira, de Juppé à Sarkozy, de Le Maire à Valls, tous sont passés, passent ou passeront par la case écriture. Qu’ils fassent appel à des « nègres» , ou pondent eux-mêmes leur œuf, nul, désormais, ne peut échapper aux fourches caudines de ce vice impuni. Levez-vous, ô lecteur désiré… Et peu importe si certaines publications ne se vendent qu’à quelques centaines d’exemplaires : la petite pierre blanche sera toujours là, sur Amazon ou dans les lignes de Wikipédia.
Paradoxe ? Non : instinct de survie. À l’heure où le public se méfie de plus en plus des médias comme de leurs représentants, des politiques comme de leurs promesses, les réseaux sociaux passent leur temps à contredire, à démentir ou à contester une parole qui, jadis, au bon vieux temps, passait par le tamis d’une presse omniprésente et encore puissante, et qui a perdu peu à peu sa légitimité et sa force. Quand gauche et droite ne savent plus où elles habitent, quand la plus récente joute télévisée efface immanquablement la précédente, où peut encore se nicher le dur désir de durer ? Dans le livre. Celui dont on rêve qu’il restera, quand on aura tout oublié. •
André Bercoff est journaliste et écrivain. Son dernier livre Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi est paru en octobre 2014 chez First.
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“Il est bon !!”