Eugénie Bastié donne ici une excellente critique des Filles au Moyen-âge, et tout un ensemble de sérieuses raisons d’aller voir le film. La principale est que ce film – comme l’article d’Eugénie Bastié [Figarovox, 8.02] – tend à restaurer l’image du Moyen-Âge français dans toute sa vérité. LFAR
Le film d’Hubert Viel, avec Michael Lonsdale, est un chef-d’œuvre de douceur et de poésie. Il vient rétablir une vérité historique: l’époque médiévale était douce pour les femmes.
Depuis Les Visiteurs, l’image moyenne et vague que nous avons du Moyen Âge est celle d’une vaste fosse à purin, où surnagent des mages noirs, des gueux édentés et des seigneurs très méchants. Quant aux femmes, les pauvres, elles étaient soit des sorcières vouées au bûcher par des curés sales et malveillants, soit des princesses godiches prisonnières dans leurs tours, attendant désespérément un valeureux chevalier. C’est après, bien plus tard qu’est arrivé la Libération, avec Simone de Beauvoir, qui d’un coup de baguette magique a libéré la femme de l’esclavage, passée «de l’ombre à la lumière» grâce à la pilule, au chéquier et à l’IVG. Tel est, en substance, le conte qu’on nous raconte.
Le film, Les Filles au Moyen Âge, vient sonner le glas de ces idées reçues. Dans un petit pavillon de la France périphérique, entre une rocade encombrée et une zone industrielle, trois petites filles exaspérées parce que les garçons préfèrent jouer à la console qu‘avec elles, vont voir leur grand-père. Celui-ci, incarné par l’immense Michael Lonsdale, commence à leur raconter une histoire: celle des filles au Moyen-âge. Les petites saynètes, tournées en noir et blanc dans des paysages bucoliques, des décors et des déguisements extrêmement simples s’enchaînent, ponctuées par la voix douce de Lonsdale.
L’historienne Régine Pernoud au cinéma
C’est le livre de Régine Pernoud, La Femme au temps des cathédrales, joué par des enfants. Comme l’historienne l’a démontré, le Moyen-Âge était une période bénie pour les femmes. Courtisées, adulées, vénérées comme images de la Vierge Marie, elles y avaient autant de droits que les hommes. Et c’est à partir de la «Renaissance»- qui porte mal son nom- que celles-ci ont commencé à voir leur pouvoir décliner à mesure que grandissait la société bourgeoise. Le film, rythmé par des chants magnifiques, rend merveilleusement l’idée, développée par Pernoud, que c’est le christianisme qui a libéré la femme et lui a donné un statut d’égale de l’homme, alors qu’auparavant elle n’était, notamment sous l’Antiquité, considérée que comme un objet. «C’est un événement décisif qui se produit dans le destin des femmes avec la prédication de l’Évangile. Les paroles du Christ, prêchées par les apôtres à Rome et dans les différentes parties de l’Église, ne comportaient pour la femme aucune mesure de «protection», mais énonçaient de la façon la plus simple et la plus bouleversante l’égalité foncière entre l’homme et la femme», écrit Pernoud.
Sans tomber dans le travers de l’esprit de sérieux qui définit notre époque, le réalisateur brosse avec humour et tendresse le portrait de ces héroïnes qui étaient des piliers de la société médiévale, et ce, sans les secours de la parité. Dans Les filles au Moyen-Âge, on croise ainsi Clotilde, qui convertit son mari Clovis et la France au christianisme, Hildegarde de Bingen, femme de lettres et de sciences qui découvrit la gravité, des siècles avant Newton, ou encore Jeanne, la Pucelle, la femme la plus connue du monde, qui fit plier le veule et changeant Charles VII, et bouta les Anglais hors de France.
Humour et tendresse
À la fin du film, une scène charmante montre deux enfants, le petit garçon en business man agitant sa cigarette électronique et Mélisande, jeune princesse échouée dans notre temps. «Je sais coudre, chanter, je parle hébreu, grec et latin», lui dit la petite princesse sur le parking d’un supermarché. «Je peux t’offrir un CDD en service après-vente chez Darty» lui répond le gamin, après avoir mûrement réfléchi. On mesure alors avec un sourire amer tout ce que le «progrès» a fait gagner aux femmes et aux hommes de notre temps. Les moissonneuses-batteuses et les autoroutes, les caissières et les 35h ont remplacé le rythme des saisons et l’accord avec la nature qui régnait aux temps médiévaux.
«L’esprit d’enfance va juger le monde», écrivait Bernanos. Par ce film exquis, Hubert Viel ne fait pas que rétablir une vérité historique, il juge aussi notre époque. Par la voix de l’enfance. L’enfance des jeunes acteurs, touchants de spontanéité. L’enfance de notre histoire, le Moyen-Âge, berceau tendre et radieux noirci par une civilisation qui a pris en goût la haine des origines.
On se souvient des mots que met André Frossard dans la bouche de Lucifer dans Les trente-six preuves de l’existence du diable: «Qualifier d’obscur ce carrousel permanent de couleurs et d’extravagances empanachées était un peu gros, mais avec vous la subtilité ne paie pas. Des générations de cornichons macérés dans vos établissements scolaires se sont représentés le Moyen-Âge sous l’aspect d’un tunnel rempli de chauve-souris…». Que ceux qui croient que la subtilité paie se ruent dans les quelques salles qui passent encore ce film charmant. Ils en auront pour leur argent. •
Bande annonce
Ce commentaire donne envie de voir le film et confirme qu’a coté de la terriblement conventionnelle production cinématographique actuelle il y a encore une petite place pour l’originalité et l’intelligence. Comme il se doit les acteurs et l’auteur du film ne seront pas conviés pour sa promotion chez Drucker,Davant et consorts……..
Malgré mon grand respect pour Régine Pernoud je m’interroge un peu sur sa vision de la femme dans la chrétienté médiévale : n’y-a-t-il pas eu un concile au Moyen-Age pour poser la question de savoir si la femme était un etre humain? Je ne fais que poser la question parceque c’est un peu flou dans ma mémoire et parceque un fait isolé ne saurait rendre compte totalement d’une réalité,bien sur. Et meme si Pernoud n’arrive pas a la cheville de l’historien Renaudo, qui a sur tout d’absolues certitudes,parfaitement fondées , on peut penser que ses convictions étaient assez solidement étayées……Il me semble aussi que la situation de la femme dans l’Antiquité ,a Rome particulierement,mais pas seulement,mérite mieux qu’un jugement aussi lapidaire.
Evidemment que jamais ne s’est posé la question de savoir si la femme était un être humain!
Ce qui s’est posé, et Voltaire en ricane, à un concile, dit-il c’est de savoir si la femme avait une âme….D’une part, c’est absurde, le respect de la Vierge Marie, des Saintes Femmes au pied de la Croix ou au Tombeau, des Martyres, montre le total respect de la Femme dans l’enseignement du Christ, et comme le dit Paul, il n’y a plus ni homme ni femme, ni juif ni grec, ni esclave ni homme libre, mais que des frères en Jésus-Christ. D’autre part, comme d’habitude, Voltaire déforme la réalité historique; il y a bien eu un concile, vers Orléans et l’an 580, où un évêque, qui ne comprenait plus très bien le latin classique, avait proposé de remplacer dans le Credo « qui propter nos homines, et nostram salutem » le mot homo par vir. Alors qu’en latin vir est l’homme par rapport à la femme mulier, et homo l’homme genre humain. Tous les autres évêques se récrièrent, et le malheureux reconnu son erreur due à son peu de culture. Voilà comme on transmet des mythes qui ont malgré leur invraisemblance la vie dure! Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose…