Dans un intéressant entretien avec Vincent Tremolet de Villers pour le Figaro [13.02], le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes reconnaît le décalage grandissant qui sépare le mouvement des idées de la vie politique française. Il plaide pour une articulation dynamique entre les apports du passé et l’esprit de conquête. Mais de quoi s’agit-il ? Reconnaissons-lui le courage des idées, à défaut, pour l’instant, de celui des actes, des réalisations. Admettons aussi la pertinence de la partie critique de son propos. Elle va loin et à l’essentiel. Mais le décalage qui sépare le mouvement des idées de la politique française la sépare aussi de ce que les maurrassiens et bien d’autres appelleront le Pays Réel. Celui-ci ne croit plus au Système. Il ne croit plus guère à la république ni à ses valeurs incessamment invoquées mais désincarnées et indéfinies. Quant à nous, on se s’étonnera pas si nous ne croyons en aucune manière que la France puisse se redresser, redevenir ce qu’elle fut, selon le vœu de Laurent Wauquiez, dans le cadre délétère du régime des partis, revenu en force, pas plus que sous un régime où le Chef de l’Etat est soumis aux basses compromissions d’une réélection quinquennale qui est, comme on l’a écrit, le poison de la vie politique française. La révolution qui s’impose pour que la France se redresse et retrouve ce qu’elle était, est d’un ordre beaucoup plus profond que ne le dit ici Laurent Wauquiez. On pourrait l’appeler révolution royale. Et comme les institutions politiques ne sont pas seules en cause mais bien la société tout entière, il devrait s’agir, selon l’expression de Pierre Boutang, d’une révolution pour restaurer l’ordre légitime et profond. Celui-là même que la postmodernité détruit. Lafautearousseau
Selon vous, dans quel état est la société française ?
Jamais notre pays n’a été aussi mal. Il subit une crise de déconstruction multiforme que certains voudraient réduire à une crise économique. Cette crise est aussi sociale, régalienne et sociétale. Il y a un contraste terrible entre un pays qui conserve une pulsion de vie et des politiques qui avec une rage incroyable lui mettent la tête à l’envers. Nous vivons une vraie crise de civilisation. Les Français ont peur que leur pays change de nature. Pour le dire autrement, ils ne veulent pas devenir minoritaires chez eux.
La politique pourtant fait du surplace…
La période des géants en politique est finie. Les techniciens au petit pied ont pris la suite. Rarement les politiques dans notre histoire n’ont été aussi lâches, aveugles et inconstants. On peut parler d’une trahison des élites politiques. On s’écharpe sur la déchéance de nationalité mais on ne réfléchit pas à notre incapacité à transmettre les valeurs de la civilisation française. On débat sur la libéralisation des autocars sans s’interroger sur le décrochage d’un pays qui a déconstruit sa relation au travail. Le mouvement de reconstruction passe par deux renouvellements. L’action concrète que permet la politique locale et les valeurs fondatrices de notre civilisation. Ce que Pompidou résumait ainsi: «Les pieds sur terre, la tête dans l’horizon.»Dans son discours de réception à l’Académie, M. Finkielkraut a affirmé: « J’ai découvert que j’aimais la France le jour où j’ai compris qu’elle était mortelle.» C’est magnifique. J’ai moi-même compris pourquoi je m’engageais en politique quand j’ai réalisé que la France pouvait être mortelle. Et je refuse d’assister à cette chute passivement.
Manuel Valls et Jean-Christophe Fromantin étaient les seuls politiques présents à la réception d’Alain Finkielkraut à l’Académie française…
C’est une erreur. Des intellectuels comme Alain Finkielkraut nous donnent l’exemple du courage. Malgré les caricatures, il n’a jamais renoncé à ses idées: une belle leçon pour des politiques qui changent de convictions à chaque rentrée. Celui de la lucidité ensuite. «Il faut dire ce que l’on voit et il faut voir ce que l’on voit», disait Péguy. Quand on perturbe une minute de silence dans les écoles, l’Éducation nationale pratique l’omerta. Quand il y a les viols de Cologne, le gouvernement allemand tarde à le révéler.
Piketty à gauche, Zemmour à droite ont vendu des centaines de milliers de livres. Ont-ils profité des faiblesses de la politique ?
Un mépris de classe s’est installé dans la classe politique. La plus grande insulte que l’on y entend est celle de « populiste ». Cette morgue technocratique rompt avec la tradition française. Notre tradition politique, en effet, est constante. De nos grandes figures de monarques à la constitution de la République, de Louis XI à de Gaulle en passant par Henri IV, elle repose sur le bon sens, le discernement de celui qui gouverne. Aujourd’hui, c’est l’inverse : les Français voient les problèmes et on leur dit qu’ils ont tort. Ils comprennent que l’Europe va dans le mur, on leur dit que c’est pour leur bien. Ils s’inquiètent de l’arrivée de nouveaux migrants, on leur assène que c’est un devoir sacré de les accueillir. Et pour justifier l’impuissance on convoque même – et c’est l’aboutissement de la décrépitude politique – des foules d’arguments techniques et juridiques: «on ne peut pas», « on n’a pas le droit ». Les politiques n’ont plus de vision, ils ne sont plus des créateurs de monde.
Êtes-vous décliniste ?
Non. Je suis optimiste parce que les Français ont compris. Quand ils pavoisent leur fenêtre d’un drapeau tricolore, c’est parce qu’ils veulent que la France continue. Cette réalité encourageante fait que tous les politiques qui pratiquent le filet d’eau tiède seront balayés.
Êtes-vous conservateur ?
Le « moderne » contre le « conservateur », voilà une dialectique épuisée. Le vrai débat aujourd’hui oppose les déconstructeurs et les bâtisseurs. On a dit «changement» en sautant comme des cabris, comme si la modernité était en soi une valeur. On confond l’avenir et la modernité. Si le changement ne conduit qu’à plus de détresse et de drames, alors je revendique un droit à la continuité. Pendant le débat sur le mariage pour tous, on a invoqué le sens de l’histoire sans même s’interroger sur les conséquences de cette loi sur la famille et la filiation. Les notes à l’école ? Valeur du passé. Le travail ? Valeur du passé. La sanction ? Valeur du passé. Christiane Taubira, parfaite incarnation de cette déconstruction postmoderne, proposait même de ne plus incarcérer les délinquants ! Ces valeurs pourtant ne sont pas « rances », elles sont des valeurs d’avenir. Devant tant d’erreurs, face à cette fuite en avant, on a envie de proclamer: « Modernité, que de crimes a-t-on commis en ton nom ! »
Le « gauchisme culturel » défini par Jean-Pierre Le Goff n’a pas disparu…
Une partie de la droite dit, fait et croit la même chose que la gauche. Si bien qu’on arrive à croire que la droite serait la gauche, les déficits en moins (et encore!). Cette grande confusion des valeurs et des idées conduit à la mort de la démocratie. Je ne crois pas cela. Deux visions du monde s’opposent. La gauche a trahi la quasi-totalité de ses idéaux fondateurs face au communautarisme. La question qui nous est posée est très simple: est-ce que vous aussi vous vous trahissez ou est-ce que vous affirmez vos valeurs ? J’ai clairement choisi mon camp : celui de l’autorité, du respect, de la civilité, de l’effort, de la famille, de l’identité. Ces mots que trop de politiques abordent en tremblant.
Pourquoi la parole publique semble-t-elle dévitalisée ?
Une partie des esprits continuent à être formatés par une pensée de gauche, avec cette peur panique du mot qui dérange. Je l’ai vécu quand j’ai dénoncé la culture de l’assistanat, quand j’ai posé la question des classes moyennes dans le contrat social français ou celle de nos racines chrétiennes. À chaque fois j’ai perçu la lourdeur de la doxa. Certains chez nous ne craignent pas ainsi de parler d’identité multiculturelle heureuse quand la France est en proie à un malaise identitaire criant. On a tellement peur de passer pour islamophobe que l’on ajoute systématiquement le catholicisme à nos réserves sur «le fait religieux». Je fais mienne la phrase d’Élisabeth Badinter « Il ne faut pas avoir peur d’être traitée d’islamophobe si c’est pour parler vrai.»
Diriez-vous avec Jacques Julliard que « l’école est finie » ?
L’école est le reflet de notre conception de la société. Suppression des bourses parce que pas d’effort. Pas d’enseignement de l’histoire parce que pas de transmission. Pas d’humanités classiques parce que pas de mémoire. Ajoutez à cela une repentance systématique et vous comprendrez pourquoi des jeunes issus de cette école en viennent à prendre les armes contre leur propre pays. « Il faut donner à aimer la France », disait Simone Weil. On ne transmet plus cet amour. On ne peut assister en silence à ce décrochage et nous contenter de gérer la décadence. Je suis convaincu que sous la cendre subsistent des braises qui attendent notre souffle. C’est le défi de notre génération. Le renouveau du pays ne peut pas seulement se construire dans le champ intellectuel, dans le dynamisme de nos entreprises et de notre économie. Il nous faut un renouveau politique d’ensemble. À l’approche de l’élection présidentielle, on peut s’acharner à enfermer la politique dans les questions de casting et de personnalité, mais la France, pour ne pas s’effondrer, ne pourra pas faire l’économie de ce débat fondamental : celui de son déclin ou de son redressement. La France n’a pas à renoncer à ce qu’elle est, elle doit retrouver ce qu’elle était et que nous avons tant flétri. J’aspire au retour de la France. •
Il serait bien que LFAR ne tombe pas dans le travers extrêmement fréquent et tout autant pervers qui conduit à baptiser « Président de région » un élu qui n’est que « Président de Conseil régional ». Idem, évidemment pour les « présidents de Conseils départementaux » qui ne sont pas « Présidents de département » comme on le lit souvent.
Cette mauvaise pratique conduit à penser que la France est un 2tat fédéral et induit l’idée qu’il y a une sorte de subordination des élus locaux les uns par rapport aux autres et que, sur un territoire donné, PACA ou IdeF, par exemple, le « Président de région » improprement nommé donc, dispose d’un pouvoir hiérarchique à la fois sur les départements et sur les structures régaliennes.
Les mots ont un sens profond et, de même qu’il ne faut jamais écrire « mariage pour tous » (puisque un frère et une sœur, un fils et une mère ne sont pas libres de se marier, cette union n’est donc pas « pour tous ») mais mariage homosexuel, il ne faut jamais se laisser aller à ce « Président de région ».
Si Pierre Builly procède a un recalage de terme, je me propose aussi de rappeler que l’usage de l’expression « Révolution Royale » me semble inappropriée.
Pour l’ordre légitime, le mot monarchie suffit et l’on peut aller jusqu’à « Contre-Révolution » en suivant Joseph de Maistre.
Pour la » restauration de l’ordre légitime » je propose celle de » Contre-Révolution permanente », pour suivre cette fois-ci Charles Maurras qui en fit le titre d’un de ces ouvrages.
Ce n’est que détail, certes, mais au moment ou l’usage du mot Réaction refait surface dans le vocabulaire politique il me semble de circonstance d’assumer tous ces mots qui faisaient hier désuets et que nous sommes les seuls a pouvoir revendiquer.
Laurent WAUQUIEZ la vrai droite qu’il nous faut, renvoyons la fausse droite et surtout l’U.D.I au vestiaire.