Le 15 février dernier, Jean-Pierre Robin expliquait dans le cahier économique du Figaro que les États étaient « de plus en plus nombreux à monnayer leur citoyenneté ». En sous-titre de son article il écrivait : « La nationalité est une marchandise comme les autres, constate le FMI ».
Et pour illustrer son propos, le journaliste donnait quelques exemples chiffrés. Pour devenir maltais, le tarif semble élevé : 1,15 millions d’euros d’investissement plus un versement de 650 000 euros à un Fonds national et social de Développement. Pour obtenir un passeport chypriote, il faut payer un peu plus cher : 2,5 millions d’euros. Mais, si Malte oblige le postulant à résider au moins six mois par an dans l’île, aucune obligation de la sorte ne pèse sur celui qui veut acquérir le droit de cité à Chypre.
« Près de la moitié des pays de l’Union européenne, dont la plupart en zone euro, ont adopté depuis 2009 de tels systèmes en faveur des investisseurs immigrants », selon la terminologie du FMI ! La France s’y est mise aussi : il suffit de débourser la modique somme de 10 millions d’euros. Pour ce prix-là, il n’est pas précisé si les autorités nationales exigent de connaître exactement l’origine des fonds. Comme la majorité des « investisseurs immigrants » accueillis au Portugal ou au Royaume-Uni par exemple seraient d’origine chinoise, il n’est pas douteux que ce contrôle serait chose aisée.
Le débat qu’a connu la France à l’époque de Giscard d’Estaing sur le droit du sang ou le droit du sol paraît quelque peu surréaliste à l’époque où nous en sommes au droit du fric. Aujourd’hui on se demande comment un simple magistrat pourrait prononcer sans arrière-pensée la déchéance de nationalité d’un individu qui aurait investi une somme pareille.
La volonté de vivre ensemble, le partage de traditions communes, la responsabilité de la vie publique, la solidarité nationale ont désormais laissé la place à une valeur marchande. Et lorsque l’on investit ainsi dans un État membre de l’espace Schengen on peut venir s’installer dans n’importe quel État signataire de cet accord. Sans compter que celui qui en a les moyens peut s’acheter ainsi trois, quatre, cinq nationalités, ou plus. Rien n’interdit non plus aux personnes ayant de mauvaises intentions d’acheter des nationalités dans des pays qui ne sont pas liés par des accords d’extradition mutuelle.
Le journaliste du Figaro nous apprend qu’en la matière, « les États-Unis et le Royaume-Uni ont été les précurseurs ». On s’en serait douté ! « Dès 1990 et 1994, ils ont respectivement lancé des « programmes de résidence » et pour des seuils d’investissement plutôt modestes (500 000 dollars et 1 million de livres) ».
La seule chose qui étonne vraiment quand on découvre ce marchandage, c’est que ni le FMI, ni la BCE, ni l’eurogroupe n’ait songé à l’imposer à Alexis Tsipras pour aider la Grèce à rembourser ses créanciers. Peut-être avaient-ils peur que les Grecs ne cassent les prix et que cela donne des idées aux Espagnols ou aux Italiens. On pourrait aussi suggérer à François Hollande de faire déposer un projet de loi pour étendre à cette marchandise la pratique des soldes biannuels. Avec 70 % de remise, on aurait peut-être du succès. •
Notez qu’en Colombie britannique (Canada) cette pratique à été développée bien avant en faveur des chinois de Hong-Kong. ..
Bien bel article avec un Maurras de 1912…