Le roi Mohammed VI et le président russe Vladimir Poutine lors de la dernière visite du souverain à Moscou, en 2002.
Par Péroncel-Hugoz
A la veille du deuxième voyage royal en Russie, notre confrère Péroncel-Hugoz jette un regard géopolitique sur les relations maroco-russes.
Tout récemment, je me suis trouvé, dans un vol Royal Air Maroc, à côté d’un quadra marocain en train de lire l’excellente (et peu « correcte politiquement » …) nouvelle revue française « Conflits ». Nous avons engagé la conversation à partir de cette publication, et de là nous avons évoqué le prochain sommet Poutine-Mohamed VI, prévu en Russie. Quelle a été alors ma déception de constater que ce cadre libéral à l’esprit curieux ignorait l’ancienneté des relations entre l’Empire des Romanoff et celui des Alaouites, puisqu’elles remontent à 1777 lorsque le sultan Mohamed III Ben Abdallah et la tsarine Catherine II la Grande se mirent d’accord, par diplomates interposés, pour s’ouvrir mutuellement leurs ports respectifs. Une chose rare à l’époque.
Dans cet esprit, la Russie impériale inaugura un consulat à Tanger en 1897 et, après la Révolution bolchévique de 1917, nombre de Russes blancs, fidèles au tsar, vinrent offrir leurs services à Moulay Youssef et au maréchal Lyautey. Des églises orthodoxes furent édifiées à Rabat et Casablanca. Dans la nécropole chrétienne de Ben-M’sik, à Casa, on peut voir aujourd’hui un carré russe où sont ensevelis plusieurs hauts personnages de la ci-devant Russie tsariste, militaires ou civils.
Mais revenons à mon voisin d’avion : s’il ignorait l’accord russo-chérifien de 1777, il en savait long en revanche sur la complémentarité maroco-russe actuelle : l’immense Russie, peu riche en agrumes, tomates et légumes verts* a d’autant plus besoin de ceux du Maroc que l’Union européenne, appliquant les ordres de Washington, a cessé ses exportations agricoles vers la Russie, coupable, figurez-vous, d’avoir récupéré sa Crimée, comme dans le passé la France récupéra l’Alsace-Lorraine et le Maroc le Sahara atlantique …
La Russie de son côté peut être un réservoir inépuisable de touristes pour plages, palmeraies et djebels de Chérifie. Et les voyageurs russes sont réputés pour leur côté fêtard et dépensier, ce qui n’est pas le cas, loin de là, de tous les hivernants ou estivants venus d’Europe occidentale …
« Last not least », comme dirait Shakespeare, la troisième rencontre Mohamed VI- Poutine (Moscou 2016, après Casablanca 2006 et Kuala-Lumpur 2003) vient à point nommé pour montrer à l’hégémonique Washington (et à son suiveur Paris) la volonté d’indépendance de la diplomatie marocaine. N’oublions pas que le président Vladimir Poutine, suspect aux yeux de l’Euro-Amérique pour avoir renoué avec une conduite souveraine dans les relations internationales, a été en quelque sorte mis en quarantaine par la Maison-Blanche, l’Elysée et le 10 Downing Street ; le chef du Kremlin a été ainsi traîné dans la boue par nombre de médias occidentaux dont certains sont allés parfois jusqu’à le comparer à un « nouvel Hitler » ( sic) …
Sur ce fond géopolitique, alourdi par les arrière-pensées et une bonne part de mauvaise foi des Occidentaux, la clarté du nouvel axe Maroc-Moscou qui se dessine, apporte un peu d’espoir de renouveau et de fraîcheur sur une partie du théâtre international. •
* Lors de sa réception par le roi, en 2006, au palais de Casablanca, le convive Poutine redemanda deux fois d’un tajine aux artichauts …
Repris du journal en ligne marocain le 360 du 11.03.2016
Il me semble que vous faites une erreur. C’est la Russie qui a décidé de ne plus importer les produits agricoles de la France (notamment) en représailles à l’embargo décrété par l’UE et les USA, à la suite de la récupération brutale par la Russie de la Crimée et de l’envoi de soldats russes (tout en niant contre l’évidence envoyer des soldats et des armes) en Ukraine pour soutenir les séparatistes russes.
On a le droit d’aimer et de soutenir la Russie, même si ses méthodes de politique extérieure sont parfois discutables aux yeux d’européens habitués depuis la fin de la seconde guerre mondiale à régler les conflits européens par des voies de préférence pacifiques, Mais il ne faut pas dire n’importe quoi.
Et pourquoi cette hargne continuelle contre les USA ? L’anti-américanisme est-il un dogme quand on se veut royaliste ?
Ceci dit, j’apprécie généralement vos chroniques toujours très intéressantes.
Votre réaction est trés exactement celle d’une victime de l’intox/desinformation menée par les medias en ce qui concerne la Russie. Pourtant il suffit de regarder objectivement les evenements depuis la chute du communisme pour que les écailles vous tombent des yeux. Les USA ont applaudi et soutenu la periode Eltsine,comme j’ai vu le numéro deux du Departement d’Etat le dire a un journaliste : « La Russie allait pour nous dans le bon sens…… ». Sous la direction d’un alcoolique corrompu des jeunes golden boys avaient construit de colossales fortunes,se livrant a un pillage éhonté de ses ressources mais inserant la Russie dans l’économie mondiale globalisée conduite et dominée par les financiers US.La Russie « sortait de l’Histoire ».
Poutine a mis fin a cette dérive , mis au pas,rudement,cette oligarchie sans ame et rendu la sienne a son pays,entamant un gigantesque travail de reconstruction. Les USA ont alors mis en place son encerclement méthodique. Les ambassades US de pays limitrophes anciens membres de l’URSS type Azerbaidjan ou Kazakhstan comptent jusqu’a des milliers de personnes. Le prurit anti-russe ,historiquement fondé , de la Pologne,de l’Ukraine et autres a été excité. Dans ces pays aussi des agents americains ont deployé une activité intense (La ministre ukrainienne de l’économie a la nationalité américaine……). Dans le meme temps les USA ont poursuivi une politique de domination économique mondiale militairement soutenue quand ils le pensaient utile ,avec les beaux résultats que l’on peut apprecier au Moyen-Orient par exemple. La Russie a abandonné quant a elle toute volonté d’hégémonie ailleurs que sur ses frontieres. Elle a récupéré la Crimée qui EST russe (géographiquement et humainement),et soutenu les populations pro-russes ukrainiennes menacées d’écrasement. Encerclée peut-etre,mais au moins sur son territoire naturel……….
Quel pays est le monstre froid fauteur de guerre a l’echelon mondial? Il suffit d’ouvrir vraiment les yeux…….
A mon sens, du point de vue politique, il ne faut être ni russophile ni russophobe, ni américanophile ni américanophobe. Etc. Politiquement, le seul critère d’appréciation ce sont les intérêts de la France. [Economiques, militaires, culturels, territoriaux, etc.] Et selon les époques, les circonstances, le rapport de nos intérêts avec tel ou tel pays étranger, évolue sans cesse. Une politique étrangère sérieuse s’y adapte en conséquence, sans égard pour l’empathie ou l’antipathie que l’on peut avoir pour un autre pays que le notre.
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Ce que vous dites est trés vrai. C’est pourquoi il faut se poser les bonnes questions :
-Au plan culturel qui menace d’etablir une hégémonie mondiale? Nos journalistes,hommes politiques,pilotes de l’opinion truffent-ils leurs propos de termes russes?De quelle sous-culture abrutissante notre jeunesse est-elle imprégnée?
-Au plan économique est-ce avec la Russie que l’Europe,donc la France,puisqu’elle lui abandonné sa souveraineté, négocie un traité incroyablement opaque?
-Au plan géopolitique de quelle puissance nous faisons nous les supplétifs serviles?
-A quelle banque Mario Monti,Mario Draghi et tant d’autres responsables européens ont-ils appartenu (Si tant est qu’ils l’aient jamais vraiment quittée……)
-Combien de nos responsables politiques,économiques,politico-économiques et culturels sont des « Young fellows » de la French American Fondation? La liste donne le vertige
etc,etc……