Par Péroncel-Hugoz
Notre confrère Peroncel-Hugoz, qui fut longtemps correspondant du Monde dans l’aire arabe, et a publié plusieurs essais sur l’Islam, travaille maintenant à Casablanca pour le 360, principal site de la presse francophone en ligne au Royaume chérifien. Il tient aussi son Journal d’un royaliste français au Maroc, dont la Nouvelle Revue Universelle a déjà publié des extraits. Nous en ferons autant désormais, en publiant chaque semaine, généralement le jeudi, des passages inédits de ce Journal. LFAR •
QUAND KADHAFI GOUVERNAIT SANS PARTAGE… (1/3)
– Pas de portables ni ordinateurs portables.
– Pas de cartes de crédit.
– Pas de location de voitures pour les étrangers.
– Pas de télévisions étrangères captées (dans les hôtels, le poste est bloqué sur une unique chaîne libyenne où des types à têtes de gardes du corps, en complet veston, l’air farouche, débitent à longueur de journée des commentaires, seulement en arabe bien sûr, sur les faits, gestes et propos du « guide de la Révolution de 1969 », titre officiel personnel de Moammar Kadhafi.
– Pas d’avions pour la France (j’ai dû venir via Francfort).
– Pas de femmes dans la rue sauf quelques africaines chrétiennes allant prier dans une des rares églises encore ouvertes à Tripoli ou Benghazi : les anciennes cathédrales catholiques des deux grandes villes sont des mosquées.
– Je rencontre un prêtre français d’Algérie qui fut un des adjoints à Oran de Mgr Claverie, l’évêque pied-noir martyr dans son diocèse, abattu comme un chien, en pleine rue, avec son chauffeur indigène, par des djihadistes masqués opérant en plein jour…
– Je ne peux révéler à ce prêtre oranais ma véritable identité car, dès mon arrivée, le voyagiste marocain qui s’occupe de l’organisation de mon séjour s’est liquéfié à l’idée de devoir convoyer en Libye un journaliste français… Pourtant personne ne lit ni même ne connaît peut-être mon journal, « Le Monde », dans cette dictature qui s’est retranchée, depuis plus de vingt ans, par ses outrances et ses méfaits, du reste de la planète… J’ai donc été déclaré comme « directeur de société »…
– Cependant, mon confrère de « Jeune Afrique », Jean-Louis Gouraud, qui a pu conserver ses entrées en Libye, a informé de ma présence un certain Si Missouri, Libyen francophone, conseiller de Kadhafi pour les affaires africaines et que Gouraud m’a décrit (Missouri, pas Kadhafi…) comme un « Arabe gaulliste »… Gouraud est assez bien vu en Libye officielle car il a publié en Suisse romande, en français, des « poèmes » du dictateur des Syrtes…
– Si Missouri vient donc me voir discrètement à mon hôtel tripolitain, dès mon arrivée, et il me demande, dans son pays, de surtout « ne pas me fier aux apparences »… Je veux bien mais je vais me promener dans le centre de la capitale et, dès qu’on sort des grandes avenues tracées jadis par les Italiens (1911-1944), on voit partout des ordures, des déchets de toute sorte, des frigos jetés sur les trottoirs entre des charognes de chats tandis qu’au dessus de certaines rues pendouillent des banderoles flétries, délavées, appelant, par exemple, à des « rassemblements autour du Guide, contre l’impérialisme occidental, etc…», banderoles vieilles de plusieurs années parfois…
– Comme me le disait un jour en Alger un jeune diplomate marocain lucide : « L’Orient commence là où cesse l’entretien »… •
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