Alain Decaux et son épouse au mariage du prince Jean à Senlis en 2009
A l’annonce du décès d’Alain Decaux, qui fut un bon serviteur de l’Histoire, en guise d’hommage, sans-doute celui qu’il nous revient de lui rendre, voici le texte complet d’un excellent article qu’il fit paraître il y a quelques vingt-cinq ans sous le titre : «26 millions de Royalistes. » Il s’agit du premier article d’une série de neuf, écrits chacun par une personnalité différente, et regroupés sous le titre global « Journal de l’Histoire 1788 ». L’ensemble a été publié dans Le Figaro du 13 juillet 1988 au 25 août 1988. Et dans Lafautearousseau le 14 septembre 2007, d’où nous le reprenons. LFAR
Le 13 juillet 1788, on le sait, un cataclysme tel que nul en France n’en avait gardé la mémoire accabla l’Ouest de la France: la grêle s’abattit partout avec une telle violence qu’elle anéantit la moisson. Fallait-il être grand clerc pour en déduire que le pain, en 1789, serait rare et que donc il serait cher. On n’avait vraiment pas besoin de cela, alors que surgissaient déjà tant de raisons d’inquiétude et non moins de sujets de mécontentement. Quelques temps plus tôt, un voyageur anglais, Arthur Young, agronome de profession et observateur d’instinct, notait: « Une opinion prévalait, c’est qu’on était à l’aurore d’une grande révolution dans le gouvernement. » Vers la même époque, un des derniers ministres de Louis XVI, Calonne, avait, dans un rapport adressé au Roi, formulé un diagnostic plus sombre encore: « La France est un royaume très imparfait, très rempli d’abus et, tel qu’il est, impossible à gouverner. » Une révolution imminente, un pays impossible à gouverner: pourquoi ?
L’étrange de l’affaire est que, dans son ensemble, la France ne s’est jamais aussi bien portée. Oubliées, les épouvantables famines qui avaient désolé le règne de Louis XIV, celle de 1709 ayant à elle seule causé deux millions de morts. Éloignées, les grandes épidémies qui, au XVIII° siècle encore, avaient répandu la terreur. Qui plus est -et c’est peut-être l’élément capital- de 1715 à 1792 le territoire national n’a connu aucune invasion étrangère. Que découvre l’étranger qui, en 1788, parcourt la France? Un pays de 26 millions d’habitants -le plus peuplé d’Europe- dont l’opulence le frappe. Une nation en pleine expansion économique. Une agriculture de plus en plus prospère. Un commerce florissant. Paris est, pour le monde entier, l’incarnation d’une civilisation portée à son plus haut degré. Toute l’Europe parle français.
Le problème, le vrai problème, est que, si la France est riche, l’Etat est ruiné. Du Roi jusqu’au plus humbles des citoyens, les français cherchent éperdument la solution d’une crise dont on sent qu’elle menace jusqu’à l’existence de la nation. Pour le Roi et ses conseillers, cette solution doit rester financière. Pour le plus grand nombre de français, elle ne peut que devenir politique.
L’évidence des réformes.
Le colossal déficit accumulé d’année en année depuis si longtemps ne pouvait être réduit à néant que par le vote de nouveaux impôts. Cependant seuls les États Généraux, élus par l’ensemble de la nation, pouvaient voter des impositions supplémentaires. Ils n’avaient pas été convoqués depuis 1614. Fallait-il les réunir ? Le poids total de l’impôt reposait sur le Tiers État. Le clergé et la noblesse en étaient dispensés. L’occasion se présentait d’une plus grande équité fiscale. Fallait-il la saisir ? Le siècle tout entier aspirait, non pas à une révolution mais à des réformes. Le premier, Montesquieu avait souhaité un état libéral. Rousseau avait exposé les principes idéaux d’une démocratie égalitaire. Avec son extraordinaire alacrité, Voltaire avait donné la priorité à la liberté individuelle et à la tolérance. Jamais des théoriciens n’avaient rencontré si prodigieux écho. Toute la France cultivée les avait lus. Pour une raison évidente: ils s’adressaient à des esprits préparés.
Depuis plusieurs décennies, la bourgeoisie avait mobilisé une grande partie de la fortune de la France. Elle ne pouvait et ne voulait plus accepter les privilèges réservés à la noblesse, par exemple celui, exorbitant, qui, depuis 1781, accordait aux seuls nobles le droit de devenir officier. Non seulement elle les trouvait injustes mais humiliants. Qui dira la part des humiliations dans la naissance des révolutions ? Les paysans, dans leur majorité, étaient devenus propriétaires de leurs domaines. Mais ils devaient toujours au seigneur dont dépendait autrefois leur terre une incroyable quantité -jusqu’à 70% de leur revenu- de droits en nature ou en argent. Si la bourgeoisie enrageait, la paysannerie gémissait. Les cahiers de doléances qui devaient précéder la convocation des États Généraux allaient unanimement réclamer l’égalité devant l’impôt, l’égalité civile, l’accès aux emplois selon le mérite et non selon la naissance, l’accès de tous aux grades militaires. Tout ce qui pour nous est aujourd’hui la règle. Tout ce qui restait alors à conquérir.
Demain les États Généraux.
Comme tout est allé vite! L’année 1788 s’ouvre, le 4 janvier, par un réquisitoire du Parlement contre les lettres de cachet qui permettent, sans jugement et par simple décision royale, de faire arrêter les citoyens. Soutenus par l’opinion, les parlementaires vont plus loin: ils réclament la liberté individuelle comme un droit fondamental. Le 3 mai, le Parlement affirme que le vote des impôts appartient aux États Généraux. En mai et juin, le Parlement de Grenoble entre en rébellion contre l’autorité royale. Le 11 juin, des émeutes éclatent à Dijon et à Toulouse. Le 14 juin, Grenoble réclame la convocation des États Généraux. Le 19 juin, Pau s’enflamme. Le 21 juillet, à Vizille, cinquante ecclésiastiques, cent soixante cinq nobles, deux cent soixante seize membres du Tiers État réclament les Etats Généraux.
Le 8 août, Louis XVI capitule : les États Généraux seront convoqués pour le 1° mai 1789. Le 16 août, l’État doit suspendre ses paiements. C’est la banqueroute. D’évidence, ceci explique cela. Le 26 août 1788, le Roi rappelle Necker. Le retour aux affaires de ce grand bourgeois, suisse, protestant et libéral, fait croire à un peuple enthousiaste que la France est sauvée. Au début de novembre, une société de pensée qui réunit La Fayette, Mirabeau, Sieyès, Condorcet, Talleyrand, réclame que le nombre des députés du Tiers État soit doublé par rapport à ceux de la noblesse et du clergé. Elle demande que les votes, aux États Généraux, soient comptés par tête et non par ordre. Elle revendique -voilà qui est nouveau- un gouvernement représentatif. Le 27 décembre, Necker accepte le doublement du Tiers.
Ainsi s’achève l’année 1788. Une immense gratitude monte vers le Roi Louis XVI en qui l’on voit le restaurateur des libertés. Il n’y a pas un seul républicain en France. « Nous sommes nés pour chercher le bonheur », écrit Madame Roland. Il n’est, pour préoccuper les esprits pessimistes, que cette catastrophe climatique qui a anéanti la moisson. Les optimistes répondent que dans un an on n’en parlera plus.
Dans un an, le 13 juillet 1789… A.D. •
Il ne fait aucun doute qu’il y avait des inégalités fiscales entre le tiers-état, la noblesse et le clergé. Cependant, je crois qu’il est faux d’écrire que la noblesse était dispensée de l’impôt. Les nobles devaient également payer des impôts.A preuve du contraire, ils étaient libérés de l’impôt sur le revenu. En revanche, il leur revenait de servir l’Etat, en particulier l’armée.Ce qu’on appelait l’impôt du sang .Quant à la perméabilité entre les trois ordres, elle existait.La noblesse a toujours accueilli en son sein des gens issus du tiers état et de la bourgeoisie.Elle s’est constamment renouvelée au fil des siècles. Au final, la réalité est toujours plus complexe que les affirmations simplistes et idéologiques.
Oh là ! Monsieur de Wargny, Ne défendez pas trop la noblesse, elle est pour beaucoup dans la chute de la Monarchie. Tout d’abord pour certains, par un refus obstiné de réformes et de perte de quelques privilèges et pour d’autres, notamment francs-maçons,, et pas des moindre, par le souhait de placer Philippe d’Orléans sur le trône à la place de ce bon et malheureux Louis XVI. Il ne faut pas oublier que la Révolution commence par la révolte des Parlements, et qui siège dans les Parlements provinciaux ? Majoritairement des nobles ou de futurs anoblis. Quand à l’impôt du sang, il est un peu facile de le mettre en avant. Les soldats ou bas-officiers donnaient également le sang pour la défense du royaume, à bien moindre prix et sans espoir d’avancement !
Enfin, concernant l’attitude de la noblesse et pour certains de ses membres, de son manque de loyauté à l’égard de la Monarchie, je vous rappelle qu’en juin 1793, l’Armée Catholique et Royale de Vendée, était commandée par Jacques Cathelineau, modeste paysan des Mauges, lorsqu’elle a attaqué la ville de Nantes, qui était défendue par le général républicain Biron, ci-devant duc de Lauzun…………
Où était la noblesse à ce moment-là ?
Je vous rappelle aussi que 95 % des victimes de la Révolution sont des manants, fidèles à Dieu et au roi,aussi bien à Marseille, Toulon, Lyon, sur les marches de l’église St Roch, dans les marais de Savenay, ou dans les noyades de la Loire !
Je suis royaliste, mais certainement pas pour le retour d’une noblesse qui n’a eu de cesse de combattre la Monarchie pendant des siècles pour se garder des avantages que Chrétiennement elle aurait dû vouloir partager !
Vive Louis XX
Vive la France