Par Pierre de Meuse
Madame,
Lors de votre discours du 1° mai, vous avez cru devoir formuler ce que vous pensiez être la ligne de votre mouvement politique, sur la législation familiale. Vous avez ensuite réitéré ces propos dans un entretien avec le magazine « Causeur ». Je dois vous dire que les prétendues fractures dans le Front National me laissent froid. Je ne suis nullement choqué par les sorties antilibérales de M. Philippot et d’ailleurs, n’étant pas adhérent du Front, je n’ai pas à intervenir dans ces débats. Cependant, vous avez émis des opinions en l’occurrence qui nécessitent quelques développements, car elles touchent à la politique fondamentale, celle qui édifie les poteaux indicateurs de la vie et de la mort collective, de l’ami et de l’ennemi.
Vous commencez par prendre position au sujet de la loi Veil qui selon vous, ne devrait pas être remise en cause. C’est pourtant un sujet de discussion légitime car de quelle loi Veil parle-t on ? Est-ce la version initiale de la loi ou celle appliquée aujourd’hui, et dont sa promotrice affirme que, si elle avait su ce que l’on ferait de son texte, elle ne l’aurait pas proposé au vote des assemblées. Vous, en revanche, vous ne vous posez pas ces questions, vous estimez que cette loi, comme du reste la loi Neuwirth, doit être « sanctuarisée ». Permettez-moi de sourire à cette lecture, car l’emploi de ce terme suggère une référence au sacré qui paraît pour le moins inattendue pour traiter de ce sujet. Rappelons tout de même ce que Pierre Chaunu et Jacques Dupâquier disaient au sujet de la baisse de natalité induite par ces réformes qui auraient dû, selon eux, être accompagnées de mesures correctrices, ce qui n’a pas été le cas. On peut douter que vous acceptiez le débat sur le sujet car vous affirmez alors avec force que « le Front national défend le droit de la femme à disposer de son corps ». Là, il est vrai, on change clairement de registre. En reprenant sans la discuter la maxime de Gisèle Halimi, et de son MLF, vous passez d’une question politique objet d’un débat objectif à un postulat de nature philosophique, dont je ne pense pas que vous ayez évalué toutes les conséquences. Et ne croyez pas que seuls les catholiques traditionnels vont être en désaccord avec vous. Cette formule, expression de l’individualisme le plus irresponsable, écrase en effet avec mépris les droits des autres catégories du genre humain, et surtout les droits des sociétés naturelles. En effet, si chaque femme a le droit unilatéral de décider seule si le fœtus qu’elle porte est une simple masse parasite à rejeter ou une nouvelle personne pour agrandir la famille, la nation et le peuple, c’est considérer que ni le père ni la société n’ont leur mot à dire. Faut-il vous rappeler que l’individu seul n’est rien sans la société ? D’autant que si, comme vous le prétendez, le Front National partage votre opinion, on voit mal comment il pourrait sans incohérence continuer à lutter pour la patrie et contre l’immigration. S’il n’existe pas de devoir impérieux de continuer l’héritage national, si la nation n’est pas le résultat de la filiation mais d’un choix personnel, alors pourquoi se battre contre le grand remplacement ? Qu’auraient dit nos grands parents si leurs chefs, en les conduisant à l’assaut avaient déclaré : « et le soldat a le droit de disposer de son corps. » Le parallèle n’est pas absurde : à Sparte seuls avaient le droit d’avoir leur nom gravé sur les pierres tombales les guerriers tombés au combat et les femmes mortes en couches. Pardonnez-moi, mais je ne trouve pas cela ridicule. Je ne trouve pas non plus que ces grecs mettaient, comme vous dites, « la femme plus bas que terre ». Vous combattez avec raison la vision islamique de la femme, mais cette religion a beau être réductrice et obscurantiste, elle est cependant moins opposée aux règles de la politique naturelle que la maxime fondatrice du féminisme extrémiste. Il me semble, Madame, que vous n’avez pas pris en compte toutes les implications de vos affirmations. Il est encore temps pour vous de les reformuler. Je nous le souhaite à tous, adhérents du Front ou simples électeurs.
Pierre de Meuse
Je trouve cette lettre ouverte pertinente et d’autant plus justifiée que Marine Le Pen aurait encouragé et approuvé le « discours » de Sophie Montel (Florian Phillipot sur BFM TV ce week-end).
Le FN a-t-il franchi une nouvelle étape de sa normalisation ? Perspectives d’alignement sur le politiquement correct et donc de lignes de fractures internes ? Où va le FN ?
Je puis être essentiellement d’accord sur le fond, mon cher Pierre, avec toi (bien que je n’imagine pas qu’on puisse revenir un jour sur la loi Neuwirth pour reprendre la méthode Ogino) et pour autant approuver sans réserve la déclaration de Sophie Montel.
Attrape-t-on les mouches avec du vinaigre ? Comment ne pas voir que la calamiteuse déclaration de Marion Maréchal (la délicieuse Marion !) contre le Planning familial, si justifiée sur le fond qu’elle était, lui a coûté de très nombreuses voix et, surtout a ouvert à ses adversaires un champ d’attaque sur lequel, sauf pédagogie de longue durée nous n’avons pas de prise ?
Le comte Chambord avait de hautes et nobles raisons pour préférer le drapeau blanc au drapeau tricolore et vouloir n’être pas ramené dans les charrois de la Révolution. N’empêche que cette obstination puérile l’a privé de restauration, ce qui n’est pas grave, mais a coûté à la France le maintien du régime abject.
Il ne sert à rien, sur des causes d’une grande profondeur philosophique ou anthropologique, d’aller flamberge au vent contre le vent, l’ouragan soufflé par nos ennemis. J’ai fait toutes les Manifs pour tous, ai distribué des milliers de tracts,, collé des tas d’affiches : mais j’espère que Marine, lorsqu’on soulèvera cette question du mariage homo, biaisera tant qu’elle pourra en indiquant que ce n’est pas un problème primordial.
Mais bien sûr que c’en est un ! Mais sur quoi on pourra revenir si, et seulement si on est au Pouvoir et si on peut déployer les mêmes moyens et la même propagande que celle qui, depuis des décennies, a embrouillé la tête des Français.
On ne reviendra pas sur l’avortement.
Jusqu’à mai 2017. On verra ensuite.
Mon toubib me disait : « il y a autant d’enfants « OGINO » que d’étoiles au firmament……. »alors y revenir ??????
Non, la nation n’est pas que le fruit de la filiation mais aussi un choix personnel que beaucoup ont choisi en quittant leur pays d’origine, et lorsque leur pays de l’époque, sous la monarchie, est devenue française par acquisition ( la Corse) oi cession (la Lorraine) .mais aussi du droit des individus de quitter leur patrie de naissance et d’aller s’établir dans le pays de son choix pourvu que les règles de droit à ce sujet soient respectées.
La théorie du grand remplacement de population est un fantasme qui ne résiste pas à un examen sérieux, de l’extrême-droite identitaire, ethnique, étrangère au sentiment national et patriotique de tout royaliste.
Pierre Builly prêche la dissimulation démocratique, Bouvard déplore les enfants Ogino, Cording sombre dans l’inconscient de l’individualisme postmoderne. Nous sommes loin du compte.
Je ne prêche nulle « dissimulation démocratique » !
Il y a bon nombre de sujets où il n’y a plus de « vaches sacrées » (comme disait Thierry Maulnier) ; il y en a d’autres, en revanche où – pour rester dans la métaphore bovine – on agite des chiffons rouges.
Je pense que les sujets qui touchent ce que les Français, à tort ou à raison, pensent faire partie de la sphère privée,, doivent être abordés avec des précautions infinies.
D’autant qu’un parti qui ambitionne de réunir dans les urnes un maximum de suffrages – leur majorité – doit trouver un commun dénominateur entre des motivations et des engagements très différents : il faut « capturer large ».
Ou alors demeurer dans la pureté glacée de l’idéologie afin de n’avoir jamais aucune chance de gagner ; j’ai rencontré depuis cinquante ans beaucoup de gens, dans nos milieux, qui se satisfaisaient d’une sorte d’extrémisme épuré et, d’une certaine façon, jouissaient de leur isolement politique et de leur absolue impuissance.
On n’est jamais élu que sur un malentendu ou plutôt sur une série de malentendus, chacun percevant de pour qui il vote la satisfaction de ses attentes.
Et précisément, comme on le dit dans les excellents « Bronzés », « Sur un malentendu, ça peut marcher ! ».
On se demande si vous avez lu le texte en question. Pierre de Meuse ne proposait pas l’abandon d’une technique-la contraception- mais la prise en compte de l’intérêt national à travers la natalité. Idem pour l’interruption de grossesse. Il s’insurgeait, en revanche, contre un principe avec lequel il ne peut exister de compromis: celui de la souveraineté absolue de l’individu. Quant à Cording, son propos était exclusivement provocateur, et destiné à heurter en prenant le contrepied absolu de tous nos présupposés plus qu’à argumenter. Un peu comme ces nafistes, qui, à l’époque de la loi Veil, demandaient que l’avortement soit autorisé sans réserve pour les enfants sains, mais interdit pour les enfants malformés, car alors « ce serait de l’eugénisme ». Il n’est pas nécessaire de répondre à de telles futilités.
Accord total avec la réaction mesurée et pertinente de Pierre de Meuse, portant sur « le fond » et ramenant à l’essentiel