Le pont Charles, à Prague, sur la Moldau
par Louis-Joseph Delanglade
L’appellation « Union européenne » pourrait n’être bientôt plus qu’une simple alliance de mots, c’est-à-dire un excellent exemple d’oxymore, tant les pays semblent peu unis, tant les peuples semblent mécontents. Depuis des mois, le groupe de Visegrad (dénomination à forte connotation historique), qui réunit Pologne, Hongrie, Tchéquie et Slovaquie, s’oppose résolument aux injonctions de Bruxelles et de Mme Merkel sur les migrants. Le 6 avril, les Pays-Bas ont rejeté par référendum l’accord d’association entre l’U.E. et l’Ukraine. Le 22 mai, le candidat des nationaux autrichiens a échoué d’un rien (trente mille voix) à l’élection présidentielle. Le 23 juin prochain, les Britanniques devront décider de leur maintien dans l’Union.
Les commentateurs patentés de la pensée politique correcte nous expliquent que les pays de l’ex-Europe de l’Est, toujours traumatisés par le joug soviétique, seraient trop sourcilleux sur leur indépendance et leur identité; que les Hollandais n’auraient été que 30% à voter; que les Autrichiens ont quand même élu celui que soutenaient tous les partis de l’extrême gauche à la droite mondialiste; et qu’en Grande-Bretagne enfin les sondages donnent le « oui » à l’Union en tête. Tout cela est vrai mais occulte l’essentiel : la vague qualifiée avec mépris et condescendance de « populiste », car jugée dangereuse pour la démocratie prétendument « représentative », monte et continuera sans doute de monter jusqu’à se transformer peut-être un jour en déferlante.
Le cas autrichien est exemplaire. Le Monde (22 mai) y voit « la fin d’une ère pour les partis traditionnels ». M. Zemmour (R.T.L., 24 mai) entend sonner « le glas du clivage droite-gauche traditionnel tel qu’il s’était incarné depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ». Cette remise en cause des grands partis du système qui ne concerne pas que l’Autriche « précise les fondements économiques, géographiques, sociologiques, idéologiques de nos affrontements de demain ». Tout le monde ne fait pas preuve de la même lucidité. Ainsi M. Védrine, après avoir justement critiqué la « référence implicite aux années trente » lorsqu’il est question de populisme et admis que « le vrai problème en Europe aujourd’hui, c’est le décrochage des peuples » (France Inter, 24 mai), pense qu’« il faut parler aux 60% de déçus ». On peut s’étonner que lui, d’habitude mieux inspiré, ne comprenne pas que c’est l’Union en tant que telle qui est rejetée, l’Union en tant que négatrice de la véritable Europe, celle des mille et une diversités, celle qui n’apparaît même pas sur les billets de la monnaie commune.
Non, l’Union n’est pas l’Europe mais une caricature pitoyable, avant tout héritière de la CECA et de la C.E.E. Quand on entend, après tant d’autres du même tonneau, M. Moscovici, Commissaire européen, s’exprimer sur les ondes de France Inter (26 mai), on comprend vite ce qu’est, ou plutôt ce qu’a vocation à être cette Union européenne : un « euroland » fédéral et libéral, partenaire soumis des Etats-Unis d’Amérique et complètement déconnecté des réalités humaines, culturelles, religieuses et historiques de la vieille et authentique Europe. Cette Europe-là veut vivre. C’est ce que montre semaine après semaine une poussée populiste qui, malgré les inévitables excès et dérives, est l’expression de l’âme même de l’Europe. •
Bien résumé! Merci.
Il faut en finir avec l’UE…RSS ! « Le mur de Berlin en tombant, est tombé du mauvais côté » Soljenitsyne. L’UE est marxiste-léniniste. La dialectique est la même que dans l’ex-URSS.
Les Nations et les Peuples ne veulent pas mourir,au grand étonnement et a la grande fureur des utopistes mondialistes. Ces heritiers des « Lumières » , oligarques du libéralo-mondialisme qu’elles portaient en germe nous presentent avec entetement ce monstre difforme et vicieux ,enfançon non viable maintenu sous perfusion en couveuse et pourvu d’une double face :Droits de l’Homme d’un coté ,financiarisation et commerce mondial libéré de l’autre.
Leur ennemi? Le Baron de Rothchild l’avait déclaré en 1970 dans une interview a « L’Express » » Notre ennemi,ce sont les Nations » ! Qui se cachait derriere ce nous? Ne cherchez pas loin : nous les voyons chaque jour et partout a l’oeuvre.
Mais il faut ouvrir les yeux et se servir de son cerveau en ne croyant pratiquement rien du discours consensuel de l’immense majorité des medias,dans aucun domaine, si on ne l’a pas soigneusement décrypté : la question a se poser constamment etant : »A qui profitent le mensonge et la désinformation? »
Je ne comparerais pas l’UE à l’URSS. Je.ne dirais pas qu’elle est marxiste-léniniste, ce qui la rattacherait au moins à une grande pensée poltique, même si c’est une pensée ennemie ! L’UE n’a qu’une seule idéologie : le marché, le marché seul
Les peuples européens lui sont devenus massivement hostiles. Pas les Etats, à l’Ouest, mais aussi les Etats à l’Est.
A croire que 70 ans de dictature du prolétariat ont moins détruit que le capitalisme libéral de l’Ouest …
La Mitteleuropa n’a pas oublié qu’elle a été austro-hongroise …
Heureuse et pertinente référence de LJD à cette « capitale magique de l’ancienne Europe » (André Breton), cette magnifique ville de Prague. Où l’Histoire de notre continent nous rattrape dans chaque rue, à chaque carrefour, devant chaque statue.
Sans nous éloigner du sujet, signalons le dernier excellent livre d’Henry Kissinger «L’ordre du monde» récemment traduit. Passant en revue les génies politiques de toutes les civilisations à la surface du globe, il centre sa réflexion sur «le système westphalien». Ou comment la paix de Westphalie, largement sinon totalement inspirée et conduite par Richelieu et sa création Mazarin, installa la légitimité, plaça la France au centre de la diplomatie européenne, et l’État comme élément fondamental de l’ordre européen. Il fallait terminer l’horrible conflit de trente ans (1618 – 1648), qui vit mourir le quart de la population d’Europe centrale, de guerres, famines, épidémies. Prague fut la ville des Rois, et des dynasties, avant d’être souillée par le communisme jusqu’à la révolte. Et c’est à Prague que Vaclav Havel fit signer la dissolution du Pacte de Varsovie le 1er Juillet 1991.
Une fois n’est pas coutume, je ne partage pas la recension de ce livre que fait Zemmour dans le Fig du 3 Mars 2016. Critique très déséquilibrée, où il fait peu mention du quart de l’ouvrage (83 pages sur 341) consacré à la nature de l’imperium et du messianisme américains. Sous la plume de Kissinger, c’est sans appel et mérite qu’on s’y arrête. Quatre-vingt pages essentielles (la traduction française n’est pas fameuse), face à notre Europe. Riche matière à réflexion. Aucun doute cher LJD, le poison est là …