par Dominique Bonnétable
Le rendez-vous que Robert Ménard avait proposé ne manquait pas d’intérêt : débattre en toute liberté des sujets qui réunissent ou divisent la droite nationale française, contribuer à réduire les hostilités, permettre l’établissement d’un consensus de nature à remettre en cause le « Front républicain » et donc la domination idéologique de la Gauche. Faire contrepoids, enfin, à la tendance jugée trop socialisante, sur le plan sociétal et sur le plan économique, de Florian Philippot. Le maire de Béziers avait bien fait les choses : les bâtiments publics avaient été préparés pour accueillir les participants, dans une ville dont la propreté et la bonne tenue témoignaient de l’efficacité de son nouvel édile. Malheureusement les personnes que Ménard avait choisies pour animer cette réunion et réaliser cette mission n’étaient pas toutes nécessairement les mieux placées pour cela, et cette situation s’est révélée dès les premières minutes de parole. L’ouverture des débats avait été confiée à Yves de Kerdrel, rédacteur en chef de « Valeurs actuelles », et à Denis Tillinac, écrivain réputé. Or, le premier, qui ne fait pas mystère de son désir de voir Sarkozy revenir aux affaires, ou à défaut Fillon ou Juppé, a considéré que son ennemi désigné était le Front National, déclarant en liminaire qu’il existait une « extrême-extrême droite sectaire » qui défendait le dirigisme et combattait les lois du marché. Quant à Denis Tillinac, au cours d’un exposé destiné à définir la « Droite », au cours duquel il a répété avec talent que la Droite, ce sont « des sentiments, des valeurs et des images », laissant ainsi les idées à la Gauche, il a soutenu que le Front National était depuis l’origine un soutien du parti socialiste. On aurait pu penser que les résultats des dernières élections régionales dissuaderaient quiconque de répéter ce type de slogan absurde, mais le mépris du réel est enraciné chez certains. Quoiqu’il en soit, après cela, il était évident que les seules personnalités politiques présentes, à savoir Marion Maréchal Le Pen et Louis Alliot allaient se trouver de trop et quitter les lieux. M. Ménard lui-même répéta pour faire bon poids qu’il n’était pas là pour « servir de marchepied au Front National ». Les choses avaient donc mal commencé. Le lendemain, les débats furent inégaux et marqués, comme il en est toujours, par les oppositions personnelles et partisanes : ainsi Mme de La Rochère refusa de se trouver en présence de Mme Bourges à la même table ronde sur la famille. A noter tout de même, et au grand dam de M. de Kerdrel, une étonnante et complète unanimité contre l’Union Européenne, tant parmi les intervenants que parmi les participants, au premier rang desquels Hervé Juvin, qui donna un échantillon de sa rigueur et de son audace. Malheureusement, la teneur des tables rondes ne permit pas de déboucher sur des propositions solides : les 51 articles de la motion finale, malgré leur bon esprit, sont quelquefois redondants et même démagogiques, et surtout laissent de côté l’économie, l’Europe et notamment l’euro, la politique étrangère et les questions idéologiques, pourtant essentielles. On n’a pas abordé l’idéologie de la non-discrimination, ni l’idéologie mortifère des droits de l’homme. En bref, seules les questions secondaires faisaient l’objet d’une proposition. Evidemment, les mandants de M. de Kerdrel, actionnaires de sa revue, n’auraient pas aimé qu’il en fût autrement. Or, pour faire de la force en faveur du clan national, on ne peut pas faire l’impasse sur la remise en cause de la démocratie idéologique.
En conclusion, et malgré les tentatives timides de Robert Ménard pour atténuer l’effet de ses propos, la réunion se solde par un demi-échec pour leurs organisateurs : ils ne pourront se fonder sur ses résultats pour passer à l’action, et les relations entre FN et Ménard seront compromises quelque temps. Quant à Kerdrel, il ne pourra réaliser son but inavoué, à savoir arracher suffisamment de voix au Front National pour mettre en selle son candidat libéral et atlantiste. Il reste le plaisir d’avoir pu rencontrer des personnalités marquantes, d’avoir resserré les liens avec nos amis de près ou de loin, d’avoir échangé des propos roboratifs et d’avoir pu apprécier la qualité de la gestion municipale de Béziers. Ce n’est pas tout à fait rien. •
Excellent et très clair compte-rendu !
Il me semble que malgré la volonté médiatique de « dramatiser » le départ de Marion Maréchal, de Gilbert Collard et de Louis Alliot du colloque et de se réjouir vénéneusement de cette faille, il me semble, donc, que le buzz est plutôt défavorable à Ménard et que les prises de position sarkozystes ou les déclamations folles de certains ont été remarquées.
Enfin cessons de présenter comme « socialistes » – au sens politicard du terme – des orientations qui sont dirigistes, étatistes ou – on peut préférer ce mot – « colbertistes », dans la meilleure tradition française.
Sans l’engagement et la volonté de l’État, que seraient Ariane et Airbus ? Ce n’est sûrement pas l’initiative privée qui aurait permis le succès de ces fleurons…
Il manque une personne pour fédérer , pas seulement les sensibilités. D’autre part les soucis compréhensibles des uns et des autres ne forment pas une alternative. il faut rester en état de veille et être prêts à reconquérir le terrain dès qu’on peut. La France n’est pas un projet , mais une réalité encore vivante,. les sensibilité doivent pouvoir d’exprimer raisonnablement et ensuite il faut donner sens à notre action . Ce n’est plus possible dans le système actuel. On ne ravaudra pas ce régime. Il faudra trouver une autre médiation, une autre figure/ D’ici là sauvegarder ce qui peut être sauvegardé là où on peut agir. . . .
Fidèle et très honnête compte rendu. Beaucoup de commentateurs semblent avoir attendu des déclarations politiques très engagées, ce qui n’était pas le but à mon sens. Pour ma part je n’ai pas grand-chose à reprocher à Ménard, dans un exercice particulièrement difficile, et qui en définitive fut plutôt réussi. Certes pas parfait. Plusieurs tables rondes furent ratées par défaut d’organisation. On connaît tous les quelques clés : un modérateur / meneur de débat ferme, voire autoritaire, afin d’équilibrer les temps de parole entre l’estrade et le public ; imposer au public de se limiter à de vraies questions et non de raconter sa propre vie (travers infernal) ; ne pas tolérer de pitoyables caprices comme celui de La Rochère contre Béatrice Bourges (comme si l’action de LMPT était un franc succès ; pourquoi pas la Barjot ?). Avec ces quelques règles ce sera parfait la prochaine fois. J’ai assisté à Défense, le matin, et Immigration l’après midi. Le premier totalement raté, capté par le journaliste Frédéric PONS que l’on connaît meilleur à l’écrit et tous les chapitres essentiels de notre défense furent oubliés, sans donner la parole à la salle ou très mal, et le second plutôt réussi sous le contrôle de Le Gallou. J’ai donné mon avis sur BD Voltaire. Une excellente opinion est celle de Ph. Bilger lien
http://www.philippebilger.com/blog/2016/05/ni-droite-ni-gauche-r%C3%A9actionnaire.html
Une erreur grave fut de placer cette manifestation sous le contrôle de Valeurs Actuelles. Le grand intérêt fut de donner l’occasion de rencontrer beaucoup d’esprits brillants dont on lit régulièrement les papiers.
http://www.lepoint.fr/politique/rendez-vous-de-beziers-kerdrel-estime-avoir-ete-trahi-par-menard-01-06-2016-2043754_20.php
Décidément ce Ménard est un véritable sorcier. Mais Kerdrel espère-t-il qu’on le croit ? Il aurait échangé si longtemps avec le maire de Béziers sans soupçonner que Robert Ménard aurait eu un objectif caché ? A ce stade d’ailleurs nouveau procès d’intention, car on ne voit pas Ménard projeter beaucoup plus que ce qu’il fait aujourd’hui. Mais ce très pur monsieur de Kerdrel ne nous dit pas le but qu’il a poursuivi, lui, en mettant son journal à la disposition de l’évènement. Cette accumulation de piètres polémiques pour quelle finalité ?