Violents affrontements, samedi soir, à Marseille sur le Vieux-Port, entre Anglais et Russes
par Louis-Joseph Delanglade
Entêtement ou fermeté ? L’avenir tranchera mais la France, par la voix de M. Hollande, n’a pas envisagé une seconde de renoncer à l’organisation du championnat d’Europe de football. En plein état d’urgence dûment motivé par le danger terroriste et dans un contexte social agité et violent – sans parler de l’adversité climatique… Il faut dire que l’enjeu est d’importance. On nous promet en effet – outre la victoire de l’équipe de France, deux millions et demi de spectateurs dont une majorité de visiteurs étrangers, presque un milliard et demi d’euros de « retombées économiques » et, surtout, une image de la France plus belle que jamais aux yeux du monde. On pourrait dès lors, comme M. Séguéla, faire des rêves bleus (B.F.M., lundi 6 juin). On doit plutôt faire preuve d’un scepticisme raisonnable. A moins d’être « programmée », la victoire des Bleus n’est pas certaine du tout ; la manne financière attendue couvrira à peine le coût des inondations; quant à l’image de la France, M. Lambert lui-même, président du Comité d’Organisation de l’Euro, la juge (France Inter, vendredi 10 juin) déjà gâchée par l’entassement des ordures et les difficultés dans les transports publics.
La vérité est que nous sommes entrés vendredi 10 dans une nouvelle guerre, la guerre du football. Envoyé spécial de La Gazette de France aux Jeux olympiques d’Athènes de 1896, Charles Maurras comprend vite que, loin d’unir, la compétition sportive divise les nations. D’une certaine façon, M. Podalydès, sociétaire de la Comédie française et grand amateur de football, ne dit pas autre chose lorsque, comparant « le commentaire » d’un match au « compte rendu d’une bataille napoléonienne » (La Croix, 9 juin), il affirme : « Ce sont des guerres symboliques que se livrent les clubs et les nations. »
Peut-être est-ce pour cela que l’on accorde un crédit disproportionné au moindre geste, au moindre mot de joueurs qui, pour la plupart, malgré leur talent balle au pied, ne brillent pas par leur intelligence et s’expriment souvent comme des voyous, des crétins ou des mégalomanes (est-il besoin de citer des noms ?). Que des multi-millionnaires en culottes courtes puissent être considérés sérieusement pour autre chose que ce qu’ils sont, c’est-à-dire des multi-millionnaires en culottes courtes… qui jouent à la baballe, voilà qui est extravagant et qui permet de juger une époque.
Ces joueurs, et c’est grave, sont en effet le reflet de notre société. Un individualisme forcené, jusques et y compris sur le terrain, d’ailleurs, les motive dans le moindre de leurs caprices. Sans doute sont-ils aimés pour cela. Certains gladiateurs étaient peut-être de véritables « vedettes » dans la Rome antique mais ils jouaient leur vie à chaque combat et finissaient, tôt ou tard, par mourir dans l’arène. Et, surtout, on n’attendait d’eux aucun avis, aucune leçon de morale ou de politique.
Une guerre et des combattants de parodie. On fait ce qu’on peut. On a ce qu’on mérite. C’est l’époque. « Allez les Bleus quand même », mais sans illusion. •
panem et circences disaient les Romains
on a vu où ça les a menés………
quant au panem, de moins en moins pour beaucoup d’entre nous
Je trouve LJ Delanglade mieux inspiré d’habitude. Et de beaucoup.
Outre l’émotion sportive que nous sommes des millions à ressentir – une victoire française m’émerveille toujours, me fait monter les larmes aux yeux -, comment imaginer qu’une grande Nation puisse proclamer à la face du monde, quelques mois ou quelques semaines avant la compétition dont elle a obtenu l’organisation qu’elle n’est pas capable d’assurer son déroulement ?
Quelle honte, quelle humiliation aurait été la nôtre si nous avions dû ainsi baisser culotte !!!
Bien vu, en effet il y a deux manières de voir ces grandes manifestations sportives. Celle du spectateur qui aime le jeu des petits gladiateurs du gazon vert et celui des commentateurs des médias en tous genres. Ces derniers analysent (sans prendre de risque) des faits de guerre, surtout sur ce qui se passe à l’extérieur des temples du sport. Certains vont même désigner les coupables, depuis leurs pupitres parisiens. Et bientôt ce sera le tour, le tour de France, ce spectacle populaire qui énerve les brillants intellectuels médiatiques de la capitale. Ah s’il y avait un attentat, ils en rêvent, pour faire du buz.
Ce n’eût été qu’une honte et une humiliation de plus… La « grande Nation » dont vous parlez en a connu d’autres, bien pires. De toute façon, vu ce que sont devenus le sport en général et le football en particulier, je trouve admirable, au sens étymologique, d’avoir encore des illusions. Ce que je reprocherais pour ma part à L.-J. D., c’est de n’avoir pas assez souligné la financiarisation du football et la supercherie qui consiste à faire croire que les professionnels puissent être autre chose que des mercenaires friqués qui, pour la plupart, se moquent bien de ce que peut représenter le maillot aux yeux des innocents.
Ce n’est pas simple le sentiment de humain ! Contente de la victoire (quoique je dis à mon mari : tu as du culot de les critiquer dans ton fauteuil; çà ne te dérange pas trop !
Tristesse car ce monde ou le progrès nous a donné du confort par la stupidité et la veulerie, on régresse et en plus on est violent !
J’aime la France, mais je ne me suis jamais relevé de l’humiliation que j’ai ressentie en tant que français en 1998. . Je refuse de perdre mon âme pour une victoire qui je crois m’humilierait encore plus aujourd’hui dans ces conditions de battage . Imaginons le cauchemar:: nos joueurs reçus à l’Élysée!
La victoire de la France, c’est d’être fidèle à son destin , c’est témoigner de sa vocation spirituelle et de de médiation. (relisons Kiel et Tanger ) , c’est aussi refuser de vendre son âme aux marchands du temple, comme l’abaissement de sa langue, de sa transmission à ceux qui nous succèdent, de participer à ces cris et ces beuglements, qui déshonorent également le sport.
La seule victoire, ce serait d’ être la petite fille espérance, c’est à dire de tenir le coup . Merci au Puy du Fou, la seule joie qui nous a été donnée en cet été 2016.