Béchir Gemayel, fondateur de la milice des Forces libanaises, et chef du camp chrétien au début de la guerre, en 1978. Le jeune chef phalangiste sera un éphémère président du Liban quelques années plus tard mais mourra assassiné en 1982. Favorisée par la France lors de la création du Grand Liban, la communauté chrétienne a ensuite perdu du terrain sur le plan démographique.
PAR PÉRONCEL-HUGOZ
Œuvrant en terre d’Islam depuis 1965 (administrateur civil, correspondant ou envoyé spécial du Monde, directeur de collection éditoriale et, à présent, chroniqueur au 360, un des principaux quotidiens marocains en ligne), Péroncel-Hugoz n’est sans doute pas le plus mal placé pour décrire le sort des chrétiens vivant sous autorité musulmane.
En 1976, étant correspondant du Monde en Égypte, je fus expédié au Liban pour remplacer provisoirement notre représentant local. Édouard Saàb, qui venait d’y être assassiné. On était alors au début de la longue guerre (1975-1990), non pas « civile », comme il est panurgiquement écrit partout, mais libano-palestinienne ou, pour être plus précis, maronito-islamique. Je constatai, en débarquant à Beyrouth, que la totalité de la presse étrangère était installée à Beyrouth-Ouest, en secteur « islamo-progressiste », comme répétait la doxa de l’époque, et ne mettait pratiquement jamais les pieds à Beyrouth-Est, en secteur « chrétien-conservateur »… Fidèle à l’enseignement d’Hubert Beuve-Méry, fondateur du Monde, dont le maitre-mot fut « Renvoyez les idées reçues à leurs auteurs ! », je décidai d’aller voir ce qui se passait de l’autre côté de la ligne de démarcation séparant les deux Beyrouth. La première chose qui me frappa, ce fut les décalcomanies de Jésus, la Vierge ou saint Maron, patron des catholiques maronites, apposées sur les armes des combattants. « Vous allez tuer au nom de Dieu ? », demandai-je à un jeune guerrier qui me regarda, stupéfait, avant de rétorquer : « Quoi, vous venez d’Égypte. vous avez vu le sort des coptes et vous me posez une telle question ! Nous nous battons pour ne pas devenir comme les coptes, et avec l’aide de Dieu nous gagnerons ! ».
TAGHER, FATTAL ET ALDIB
J’allai voir ensuite le jeune Béchir Gemayel, étoile montante des « fachos», pour Beyrouth-Ouest, et de la « résistance libanaise » pour Beyrouth-Est (et qui devait plus tard être élu président du Liban avant d’être assassiné); il donna raison à ses miliciens, précisant : « Nous combattons pour avoir le droit de continuer à sonner nos cloches ! Plutôt mourir que d’être dhimmi. » Dhimmi en arabe, « protégé » ; dhimmma : « protection », avec une nuance d’assujettissement, accordée par l’Islam depuis. croit-on, le « pacte » conclu entre des chrétiens et le calife Omar, l’un des premiers successeurs de Mahomet, pacte aussi appliqué aux autres « Gens du Livre » reconnus par l’islam : zoroastriens, israélites et sabéens essentiellement. J’avais rencontré pour la première fois le terme de « dhimma » dans les feuilles diffusées en Algérie nouvellement indépendante par ceux qu’on appellerait bientôt « intégristes » puis « islamistes » ou « djihadistes ». Je me trouvais alors au service de l’administration algérienne en tant que « coopérant militaire », avant de devenir correspondant du Monde en Alger, où je suivis des cours d’Histoire islamique donnés par un universitaire musulman, selon lequel « on n’appliquait plus la dhimmitude nulle part au XXe siècle, sauf en Arabie ».
Je n’avais pas encore lu les ouvrages fondamentaux sur le sujet, dus à l’Égypto-levantin Jacques Tagher [1], au Libanais Antoine Fattal [2] , au Palestinien de Suisse Samy Aldib [2], tous trois chrétiens d’Orient. •
(A suivre)
Repris de La Nouvelle Revue d’Histoire avec l’aimable autorisation de l’auteur
LA NOUVELLE REVUE D’HISTOIRE • 43 • Hors-série n° 12 • Printemps 2016
Votre intéressant témoignage constitue une belle illustration de la politique progressiste française des années 70 – 80, fondée sur la haine de soi, je veux dire la haine d’une France aux racines judéo-chrétiennes non assumées car il leur manquaient, je suppose, les « lumières » du « grand » Karl Marx que la France, sa nouvelle fille cadette, entendait faire briller sur la terre,