David Desgouilles suit l’Euro 2016 avec passion. Comme nombre de Français. Dans cette excellente et très politique humeur, publiée sur Figarovox [8.07] il affirme la permanence des compétitions où s’affrontent les équipes nationales. En sport, comme en politique, les nations reprennent aujourd’hui la main. De fait, elles ne l’ont jamais perdue qu’en apparence. Rien ne les remplace. On nous excusera de le souligner : c’est là un raisonnement d’Action française, formulé par un certain Charles Maurras, lors des premiers jeux olympiques de l’ère moderne, tenus à Athènes, un mois d’avril de 1896 … LFAR
Plus de dix-neuf millions de téléspectateurs en France hier soir pour voir la revanche de Séville! Pourquoi cet engouement ? Pourquoi les matches de club ne suscitent plus, depuis longtemps, un tel succès ? Pourquoi, comme beaucoup, je fais partie de ceux qui snobent désormais les matches de ligue des champions, y compris ceux des clubs français, alors que je n’aurais jamais loupé un match de coupe de l’UEFA il y a trente ans et que je continue à regarder les compétitions entre les nations ?
Tout a basculé en décembre 1995, quand la Cour de justice de Luxembourg décida de supprimer le caractère national des équipes européennes de club. Ce fut le célèbre – mais funeste – arrêt Bosman. Depuis, l’argent est allé à l’argent. Le football était déjà un business, mais encadré. Comme d’habitude les institutions européennes ont fait sauter les cadres. Il n’est pas étonnant que le football des nations devienne alors une valeur refuge pour les peuples, qui ont de plus en plus de mal à s’identifier aux équipes de « galactiques » bâties à coups de milliards. Certes – ne soyons pas naïfs – les sélectionnés ne jouent pas gratuitement pour leurs équipes nationales. Mais il n’empêche, le championnat d’Europe des Nations ou la Coupe du monde offrent ce supplément d’âme qu’on ne retrouve guère dans la ligue des champions. Parce qu’il y a des peuples. Parce qu’il y a des nations. Et que les peuples s’identifient à l’équipe de leur nation.
L’Islande, ce peuple de trois-cent-mille habitants a ainsi envoyé un dixième de sa population en France. Un dixième ! Ce foot des nations rejoint en quelque sorte notre vieille coupe de France, avec ses petits poucets qui créent la surprise et l’engouement populaire. Le Cameroun de Roger Milla, ou l’Islande de 2016, c’est un peu Calais, c’est un peu Chambéry. L’identification, le sentiment d’appartenance ne se décrètent pas. Et surtout, ils ne s’achètent pas. Voilà pourquoi le PSG de Mustapha Dahleb et de David Ginola faisait davantage rêver que celui de Zlatan. Voilà pourquoi l’arrogant Cristiano Ronaldo, pourtant déjà sevré de titres avec le Real, pleurera ou sera ivre de joie selon le résultat de dimanche, parce que, par dessus tout, il rêve d’un titre avec le Portugal, son pays. Et puisqu’on ne peut pas éviter le sujet de notre sélection désormais qualifiée pour la finale, parlons-en. Cette équipe est aimée car elle est aimable. Parce que Didier Deschamps, comme Michel Hidalgo et Aimé Jacquet naguère, a su en faire un groupe au service de l’intérêt collectif, là où Domenech lisait les communiqués d’un groupe miné par les egos. Les joueurs sont fiers de porter ce maillot, on le sent et on les aime.
Il y a quelques années, un député européen luxembourgeois avait expliqué que l’idéal serait que, dans l’Union européenne, les équipes nationales ne soient plus composées des joueurs citoyens de leurs nations, mais des habitants européens de celles-ci. Si sa proposition avait été suivie d’effet, Griezmann aurait joué pour l’Espagne, Zlatan pour la France, Giroud et Lloris pour l’Angleterre. Heureusement, cette idée folle n’a jamais vu le jour. Qu’on le veuille ou non, les Nations d’Europe existent, et elles peuvent même exister hors des institutions européennes. Ce que le Général de Gaulle avait exprimé si bien dans sa fameuse diatribe sur Dante, Molière et le volapük intégré, le championnat d’Europe des nations de football qui s’achèvera dimanche l’a illustré de la plus belle manière. En politique comme en football, les Nations sont de retour, car les peuples le souhaitent. Daniel Cohn-Bendit, en amoureux du football mais en contempteur des peuples « irrationnels », devra bien s’y résoudre. •
David Desgouilles est membre de la rédaction de Causeur. Il est l’auteur de Le bruit de la douche, une uchronie qui imagine le destin de DSK sans l’affaire du Sofitel, publiée aux éditions Michalon.
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