Fantasia au Maroc (1888) par Clairin
Par Péroncel-Hugoz
Notre confrère est allé à Marseille où les folles bagarres entre spectateurs de l’Euro-football ont éclipsé la pluie d’expositions tombée alors sur la ville.
Washington (Français malgré son patronyme), Ziem, Lazergues, Crapelet, Chabaud, Rochegrosse, Pascal et bien sûr aussi Léon Cauvy (1874-1933) et son « Marché à Marrakech » ou Henri Pontoy (1888-1969) et son « Marché au Maroc ». Pendant que supporteurs anglais ou russes, commençaient, torse nu et cannette en main, à s’insulter et s’étriper sur les quais du Vieux-Port de Marseille, à l’ombre de la proche cathédrale néo-byzantine voisine, quelques amateurs essayaient, eux, d’oublier un peu l’agitation extérieure en se penchant sur les œuvres orientalistes des peintres précités, magnifiquement mises en valeur dans le long mais discret bâtiment moderne, inséré entre la colline du Panier et la Méditerranée.
Les pastilles de couleurs de Cauvy ou les jeux d’ombre de Pontoy traduisent fort bien le Maroc rustique tandis que la violente envolée de « Fantasia au Maroc » (1888) par Georges Clairin (1843-1919) fait splendidement jaillir le don immuable et pourtant toujours renouvelé de la manifestation guerrière en Chérifie.
Le Marocain aime la poudre, « baroud », d’où le nom local de la fantasia : « tbourida », et il en a fait une œuvre d’art mouvante.
D’UN MAMMERI L’AUTRE
Plusieurs des œuvres exposées jusqu’au 31 décembre 2016 à la Fondation privée marseillaise « Regards de Provence », avaient figuré à la mémorable exposition « D’une rive à l’autre. Les peintres et l’Orient » (1850-1950), tenue d’avril à juin 2010 à l’Institut français de Marrakech. Cette Fondation, exemplaire par ses collections, son mécénat, son organisation, son accueil, ne peut malheureusement, comme la plus belle fille du monde, montrer que ce qu’elle a, et donc malgré les toiles inspirées par le Maroc et l’Orient, qu’elle présente régulièrement au public, sauf erreur on ne voit jamais, lors de ses manifestations, des artistes comme Mattéo Brondy, cet ex-vétérinaire militaire de l’Entre-deux-guerres, génial croqueur de la vie quotidienne autochtone au Maroc, ou bien son contemporain Azouaou Mammeri, membre de la fameuse lignée kabyle éponyme venue servir dans l’Empire chérifien et le sultan et le protectorat français. Mammeri est victime, dans le Maroc moderne, d’un injuste oubli (ou ostracisme ?) alors que ses tableaux illustrent avec amour acribique la culture traditionnelle.
En Algérie, la féconde tribu Mammeri est carrément victime d’une sourde hostilité de l’État, peut-être parce que feu le « printemps berbère », à la fin du XXe siècle, eut pour icône populaire le grand romancier francophone Mouloud Mammeri, disparu ensuite lors d’un très mystérieux accident de la route entre Alger et Oran… L’écrivain avait eu l’audace de protester contre la suppression par l’Algérie indépendante de la vieille chaire de berbère de l’université d’Alger, créée par le régime français et qui avait acquis une réputation internationale.
APOLITISME ET ACTUALITE
L’exposition de Marseille est là pour nous rappeler que l’Art, le vrai, ne peut être qu’apolitique, même si, surtout dans sa veine orientaliste, il est parfois fécondé par l’actualité de l’époque (expédition de Bonaparte en Egypte, conquête de l’Algérie, guerres russes au Caucase, conflit euro-turc en Crimée, inauguration du Canal de Suez, etc.). Au-delà de l’Histoire, l’Orientalisme a le grand mérite d’avoir fixé des formes de vie, des costumes, des traditions régionales, des joutes sportives, qui, sans les peintres, auraient risqué, aujourd’hui, d’être oubliées… •
« Merveilles de l’orientalisme » jusqu’au 31 décembre 2016, au Musée Regards de Provence, avenue Vaudoyer, 13002-Marseille. Tél 00 33 (0)4 96 17 40 40
Site : www.museeregardsdeprovence.com
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