Cette question en apparence incongrue, Georges Michel l’a posée assez judicieusement dans un intéressant billet de Boulevard Voltaire [5.07] qui a le double mérite de susciter la réflexion et de nous rappeler la grande figure de Rivarol. Cohn-Bendit a gardé du trotskysme et de la foi révolutionnaire de sa jeunesse, le culte des élites conscientes, des forces révolutionnaires comme fer de lance et surtout guides des peuples attardés. Il est bien vrai que les peuples n’ont pas toujours raison, que comme le dit Steiner, « la démocratie, ça vous donne aussi Adolf Hitler.» Mais Cohn-Bendit oublie de relever que les élites trahissent plus souvent la destinée, les intérêts d’un peuple que ce peuple lui-même. Et c’est éminemment le cas des élites dévoyées d’aujourd’hui. On sait que, pour nous, le dilemme insuffisance politique des peuples – désintérêt des élites pour la communauté historique dont elles procèdent – se résout assez bien par la monarchie royale qui lie une famille-chef à la destinée politique de tous. LFAR
« Quelle haine, quelle rage de la part des européistes. Merci, mes chers amis, de montrer votre vrai visage. Au lendemain du Brexit, j’avais fait une conférence de presse en disant aux Français : écoutez-les bien, regardez-les bien dans les jours qui viennent et vous verrez, alors, le vrai visage de l’Union européenne et de ses défenseurs. » C’est par ces paroles que Marine Le Pen s’adressait à ses collègues du Parlement européen mardi 5 juillet.
Quelle haine, quelle rage, effectivement ! Le même jour, Daniel Cohn-Bendit, invité de la matinale de France Inter, n’y est pas allé par quatre chemins : « Il faut arrêter de dire que le peuple a toujours raison », phrase qui pourrait devenir culte et n’est pas sans rappeler celle-ci : « Lorsque le peuple est roi, la populace est reine. » On la prête souvent à Talleyrand, mais elle serait de Rivarol, répondant à Mirabeau pour qui « la souveraineté ne pouvant être que dans la volonté générale, le peuple seul était roi ».
Cohn-Bendit, disciple d’Antoine Rivarol, le pamphlétaire royaliste, mort en exil à… Berlin en 1801 ? Je n’irai pas jusque-là, mais avouez qu’il y a des similitudes étranges. Rivarol était un esprit brillant, aimant fréquenter les salons, polémiste en diable, doté d’une facilité rare d’élocution. « Il avait de l’ambition sous un air de paresse », écrivait Sainte-Beuve à son propos. Ne pourrait-on pas, en effet, reprendre cette description pour notre Dany multinational ?
« Il faut arrêter de dire que le peuple a toujours raison. » Par cette phrase, Daniel Cohn-Bendit, député européen durant 20 ans (de 1994 à 2014), défenseur inconditionnel de l’Union, en révèle ainsi le vrai visage : celle d’une construction hors-sol aux mains d’une élite apatride s’estimant au-dessus des peuples. La souveraineté résida, durant des siècles, en la personne du monarque. Puis vint le temps du peuple souverain. « La rue est son palais ; une borne son trône. Son sceptre est une torche ; un bonnet sa couronne », écrivait Rivarol. Cohn-Bendit le dit un peu différemment en évoquant les pires heures de notre histoire : « Quand un peuple vote pour l’extrême droite, quand un peuple vote pour le nazisme, il n’a pas raison. Même si c’est le peuple. »
Tout comme Rivarol (le style en moins), Cohn-Bendit n’a jamais fait dans la nuance, et enchaîner sur la faute du peuple britannique, après cette évocation du nazisme, il fallait quand même oser : « Et quand les Anglais savent qu’ils se sont trompés, le peuple anglais a voté à 52 % pour le Brexit, maintenant 10 à 20 % des Brexitiens, ils le regrettent. Donc, faisons attention avec ces arguments d’un Montebourg complètement crétin contre les peuples… »
Cohn-Bendit, les années et les kilos en plus, retrouve sa rage adolescente, non plus pour mettre à bas la société bourgeoise dont il a tant profité sa vie durant, mais pour défendre l’Union, cette sorte de cité aristocratique qui se vengerait à la fois des peuples et des monarques. C’est là, peut-être, que l’on arrêtera la comparaison, que d’aucuns trouveront incongrue, entre Dany le Rouge et Rivarol le Blanc.
Cohn-Bendit va même jusqu’à proposer des listes « transeuropéennes » dans un collège unique de l’Union européenne pour les prochaines élections européennes. Les peuples disent plus de nations ? Eh bien, Cohn-Bendit répond : plus d’Europe ! Il crachera sa dernière dent avec ce mot dans la bouche, peut-être à Berlin. Quelle haine, quelle rage ! •
Pour l’anecdote, j’allais à la communale avec son frère et j’ai connu cet homme , dans une poussette sur la rue de Pater à Montauban. Cette phrase pose le problème de la gestion d’un groupe d’humain, qui possède un cerveau et qui donc recherche la sécurité du groupe mais peut se permettre de s’en isoler et donc d’y trouver sa propre liberté. Jusqu’à nos jour la convergence des esprits s’est faite par le transfert des us et coutumes, et ou de la religion. L’U.E. détruit ce savoir faire, alors les peuples doutent. Faut il imposer une direction pour avoir une partie en accord , une autre en opposition et une troisième sans avis. Faut il donner la recherche de l’avenir au peuple qui réagira comme précédemment autrement dit dans le plus grand désordre. Jusqu’à nos jours personne n’a trouvé la réponse. Fénélon nous dit que l’homme peut avoir un esprit (intelligence) s’il sait raisonner sur des vérités mesurables. Le monde est devenu si complexe que nous n’avons pas les vérités, pire on nous ment. Un seul sujet, les énergies, qui a raison, qui donne la vérité, qui débat sur l’avenir. Il en est de même sur les emplois, le chômage de masse, qui descend dans le détail du travail qui devrait rapporter les moyens financiers de la liberté individuelle. La grande majorité des gens ne sont pas opposés à la création d’un ensemble de pays qui s’appelle l’Europe, ils sont inquiets de la manière dont l’U.E. nous ment, sans nous donner une vision d’avenir serein. Le peuple dans son ensemble, de tous les pays de l’Europe, n’a pas les moyens de savoir la vérité. Alors ils ont raison de douter de ceux qui parlent pour eux; en ces temps particulièrement les médiats et les politiques. Mais que veut le peuple, vivre moins de cent ans sur une terre en paix, avec les moyens de se faire plaisir, dans un cadre simple compréhensible, dans une société qui apporte le plaisir du modernisme qui facilite la vie.
Bien entendu, le peuple n’est pas sans défauts. Mais on peut penser que les défauts du vulgaire ne se distinguent pas fondamentalement de ceux des princes – et que, dans l’histoire, ce sont surtout les élites qui ont trahi.
Comme l’a écrit Simone Weil, « la véritable démocratie consiste à penser, non pas qu’une chose est juste parce que le peuple la veut, mais qu’à certaines conditions le vouloir du peuple a plus de chances qu’aucun autre vouloir d’être conforme à la justice ».
D’accord avec le commentaire de Bastet. Qui reprend d’ailleurs ce qui est écrit par LFAR en introduction de cet article.
Bravo pour la citation de Simone Weil, que, personnellement, je ne connaissais pas. Et que je trouve à la fois juste et belle.