Par Lafautearousseau
[Publié le 27.06, actualisé ce jour]
Ainsi, les bourses avaient voté. Et l’ensemble des médias, la presque totalité des semble élites, et – jusqu’au ridicule – les peurs, les conformismes, les habitudes, les libéraux et les modernes, les idolâtres des marchés, bref les avertis, contre les peuples ignorants. Et, bien-sûr, les fonctionnaires de Bruxelles et leurs relais dispersés à travers l’Europe, bien décidés à défendre âprement leurs rentes, leurs situations, leurs privilèges et leurs retraites. Cela faisait beaucoup de monde, et de grandes forces, dressées contre cette sorte de liberté d’un jour que s’était donné le vieux Royaume britannique – que l’on fût Remain ou Brexit – de choisir entre son identité et son histoire et sa fusion dans le magma mondialiste dont l’UE n’est qu’une étape, vers la gouvernance mondiale, façon Attali. Telle était aussi, d’ailleurs, la volonté affirmée – un quasi diktat – de Barak Obama, aussi président des Etats-Unis d’Amérique – et demain du Monde – que l’avaient été ses prédécesseurs blancs. Car, derrière le rideau de fumée de l’unité du monde – c’est-à-dire des marchés – se tient, de fait, cet élément moteur, cette ambition de fond, qu’est le nationalisme américain.
Avec 1,89% de plus que la barre des 50%, selon la règle démocratique de pure arithmétique, le peuple britannique a choisi non pas de ne plus être une nation européenne – rien ne fera qu’elle ne le soit, éminemment – mais de s’extraire d’une machinerie inefficace et tyrannique, en train d’échouer partout. Résultat que la doxa uniforme s’obstinait tellement à croire inenvisageable que les médias ont annoncé la victoire du Remain contre le Brexit à 52 / 48%, jusqu’à tard dans la nuit du vote. De sorte que le téléspectateur – fût-il tardif – s’est endormi dûment informé de la défaite du Brexit et s’est réveillé au son de sa victoire. Les bourses, les sondeurs, les bookmakers et l’ensemble des conformismes s’étaient trompés. Ni les peurs agitées éhontément, ni même le meurtre inopiné et finalement inutile de Jo Cox, n’auront suffi.
Faut-il croire à une opposition aussi radicale qu’on nous l’a seriné dans notre microcosme franco-français, entre les partisans du maintien et ceux du départ ? La violence de leurs débats ne nous empêche pas d’en douter. A vrai dire, la politique de Cameron et celle de Boris Johnson différaient par les moyens, non par l’objectif. De sorte que – l’extraordinaire force symbolique du retrait britannique mise à part, et elle n’a rien de négligeable – les suites du maintien et celles du départ, ne devaient pas être très différentes, même si les médias brossent tous les scénarios catastrophe les plus extravagants à la charge du Brexit. Cameron avait imposé à l’UE, en février 2016, les dérogations nécessaires et, sans-doute, suffisantes, pour la Grande Bretagne, de sorte que, selon son habitude, elle ait en toute hypothèse, comme nous l’avons écrit ici-même, un pied dedans, un pied dehors. Qu’elle détermine elle-même sa politique économique, sociale, migratoire et qu’il soit bien entendu qu’en aucun cas elle ne laisserait toucher à sa souveraineté. Dans de telles conditions, on était déjà sorti – n’étant d’ailleurs jamais vraiment entré – et l’on pouvait rester sans trop de gêne. Les partisans du Brexit vainqueur ont préféré la solution nette. Le prochain cabinet, dont il est très possible que Boris Johnson soit le Chef, fera en sorte que la Grande Bretagne conserve néanmoins, sur le continent européen, tous les liens qui lui seront utiles et que la nature des choses maintiendra ou rétablira assez vite. Les bourses, compulsives ces temps derniers, se calmeront, les marchés s’organiseront, la Grande Bretagne restera la puissance européenne et mondiale qu’elle est – avec ou sans l’UE – depuis quelques siècles.
Quant à l’Europe de Bruxelles, il se pourrait bien, comme on l’a dit ici et là qu’elle soit déjà morte sans le savoir, sans même qu’on s’en soit encore rendu compte. Il est possible, a contrario, que le départ britannique ravive quelques velléités fédéralistes. Mais l’opposition des peuples et de nombreux Etats membres de l’UE, est sans-doute devenue aujourd’hui trop forte pour leur laisser de réelles chances d’aboutir. Il est bien tard pour une telle offensive.
Pour ouvrir la réflexion sur un champ plus large – mais sans y entrer ici – la victoire du Brexit nous paraît être, en un sens, celle du Sang sur l’Or. Celle de l’Histoire et des identités sur l’utopie postnationale, universaliste, consumériste, multiculturaliste, etc. Faute d’avoir voulu reconnaître ses racines, fixer ses frontières, affirmer son identité et son indépendance, cette Europe-là se condamnait par avance à une telle issue. Y aura-t-il encore des forces, des idées, des volontés, pour relever le projet sur de justes bases ? •
On nous a déjà fait le coup en septembre 2011 avec l’euro !Il était mort sans qu’on le sache !
Il y aura toujours ceux qui prennent leur désirs pour des réalités !
Et vous croyez que cela arrange les choses ! L’Euro de foot est terminé !
!
Nous divergeons sur ce point. Nous avons bien pris acte que notre position en l’occurrence n’est pas la vôtre. La suite des événements nous départagera.
Admirable roublardise britannique ! Le nouveau chef du Gouvernement, Mme Theresa May est présentée comme à la fois « eurosceptique » mais modérée opposante du Brexit..
Y’a pas à dire, Britannia nous roule toujours, pour le plus grand bien de ses peuples et de sa grandeur.
Et, cette fois-ci, pour notre bien aussi.
Plein accord, donc, avec Pierre Builly.
Je craignais l’habituel refrain : « cette monarchie n’en est pas une… Ce n’est pas celle que nous voulons ». Etc.
Bien-sûr que ce n’est pas la monarchie que nous voulons : elle est anglaise et nous voulons une monarchie à la française.
Les critiques portées contre les Institutions britanniques sont aussi stupides que l’anglomanie de certaines époques. Les Institutions ne s’exportent ni ne s’importent. Celles en vigueur en Grande-Bretagne depuis quelques siècles lui réusssissent plutôt bien, mème si, en France, on est généralement incapables de les comprendre. Voire, tout simplement, de les connaître,
Transmuer ce règlement de comptes – étalé sur 30 ans – entre Etonians, en une Guerre contre les Élites : un fabliau bien française et passablement controuvée.
Le noeud de vipères : le Bullingdon club
https://en.wikipedia.org/wiki/Bullingdon_Club
et Oxford Union :
https://en.wikipedia.org/wiki/Oxford_Union
https://www.oxford-union.org/
Simon Kuper met tout bien au net ici dans son analyse des pratiques de cette super élite :
Brexit: a coup by one set of public schoolboys against another
‘The traditional climax of a Union election was one Etonian backstabbing another for the presidency’
https://lc.cx/4CbH
Comme mise en bouche, le début de l’article de Kuper dans le FT (july 7, 2016)
« To understand the situation the UK has got itself into, it helps to know that Brexit isn’t simply an anti-elitist revolt. Rather, it is an anti-elitist revolt led by an elite — a coup by one set of public schoolboys against another.
I went to university with both sets, and with hindsight I watched Brexit in the making. When I arrived at Oxford in 1988, David Cameron, Boris Johnson and Michael Gove had just left the place. George Osborne and the future Brexiters Jacob Rees-Mogg and Daniel Hannan were all contemporaries of mine.
I wasn’t close to them, because politically minded public schoolboys inhabited their own Oxford bubble. They had clubs like the Bullingdon that we middle-class twerps had never even heard of. Their favourite hang-out was the Oxford Union, a kind of children’s parliament that organises witty debates. A sample topic: “That sex is good … but success is better”, in 1978, with Theresa May speaking against the motion. May is now running for Tory leader without the usual intermediate step of having been Union president, though her husband Philip, Gove and Johnson did all hold that post. (Beautifully, Gove campaigned for Johnson’s election in 1986.) »
Ils sont là, ils sont tous là, en 1987/88…la suite est connue. Exit Cameron, à May de jouer, elle a les cartes en main. On va bien voir.