Par François-Xavier Ajavon
Le lancement du nouveau jeu géolocalisé de Nintendo connaît une ampleur planétaire. Pour François-Xavier Ajavon [Figarovox, 13.07], quand des multitudes se mettent à chasser frénétiquement des Pokémon virtuels, une réalité s’impose : le Rien a triomphé. Un rien démocratique ? LFAR
A quelques encablures du chassé-croisé des juilletistes et des aoûtiens, en pleine torpeur estivale, tandis que les Français dilapident leurs congés payés sur des plages surpeuplées pleines de touristes allemands en short, alors qu’un ennui palpable gagne toutes les rédactions, une information de premier plan est tombée sur les téléscripteurs du monde entier : l’humain vient enfin d’accéder à un plein accomplissement intellectuel grâce à un jeu : Pokémon Go. A l’heure où j’écris ces lignes seuls le Pape François, Elvis Presley et Michel Rocard ne se sont pas encore exprimés sur cette révolution dans la mutation de l’humain, créature animale déjà élaborée, vers encore plus de sophistication. La plupart de ceux qui ont une certaine mémoire des choses de la vie se souviennent de la précédente vague de Pokémon-mania qui avait envahi les cours de récréation hexagonale ; cette résurgence ne peut que nous rappeler les heures les plus sombres de notre Histoire. Alors de quoi s’agit-il ? D’une application ludique développée par Nintendo pour les Smartphones, exploitant leurs capacités de géolocalisation et leurs caméras intégrées, permettant d’incruster les Pokémons dans l’environnement des joueurs. Le but est, comme à l’époque de leur lancement il y a 20 ans, sous Alain Juppé, de les capturer et de les dresser. Au fil de leurs déambulations dans la ville, téléphones en mains, les joueurs se livrent donc à une « chasse » aux Pokémons virtuels. Il n’en fallait pas moins pour que des titres terrifiants surgissent dans la presse, avec des mots du type : « engouement planétaire », « folie », « buzz », « fureur », « frénésie », l’action Nintendo « s’envole » et bien entendu l’imparable « phénomène de société »… On a demandé leur avis à des psychologues, des sociologues, des experts de toute sorte. Hollywood songe à faire un film sur le sujet. Et naturellement on a tiré le signal d’alarme sur les périls auxquels s’exposent les joueurs, on a fait jouer le principe de précaution… A l’instar de la pratique de la perche à selfies, la chasse aux Pokémon n’est pas sans risque : elle peut en effet entraîner les participants le long de routes ou de voies ferrées, et la presse américaine signale déjà des cas de blessés. La radio-télévision belge a solennellement mis en garde la population du royaume au sujet des risques que présente la traque des Pokémons en voiture. Les autorités françaises n’ont pas tardé à se saisir officiellement du dossier ; face au risque de bousculade, de mouvement de foule, d’émeute, de Nuit debout ou de tout autre débordement, un rassemblement qui devait regrouper plus de 3000 personnes au Jardin du Luxembourg a été interdit par la Préfecture de Police de Paris. Et comme le moderne vit dans une société sans Histoire, plusieurs points de rencontre de chasseurs de Pokémons se sont trouvés dans le mémorial de l’Holocauste, à Washington. « Il est inapproprié de jouer à Pokémon GO dans ce musée, qui est un mémorial aux victimes du nazisme », a déclaré l’un des responsables des lieux. Des zombies, portables en mains, arpentent – le regard hébété – musées, lieux de culte, et hôpitaux. On sait encore peu de choses de leur vie intérieure. On ne sait pas vraiment s’ils sont heureux. L’histoire dira s’ils finiront eux-mêmes par devenir aussi virtuels que le monde qu’ils adulent. Ils auront, quoi qu’il en soit, occupé leur temps. Un bel exercice pour l’examen d’entrée à l’ENA serait de faire écrire aux futurs élèves une note expliquant ce prodigieux progrès de l’humanité – l’un des plus décisifs après le moteur à explosion et le Gin tonic – au Préfet Poubelle par exemple, ou à un quelconque type né au XIXème siècle.
Résumons la situation : la fin de l’Euro de football a laissé un tel vide que l’actualité s’en trouve ainsi dominée par Emmanuel Macron, Jean-Marc Morandini, le coiffeur de François Hollande et les Pokémons. (Quatre noms désignant d’ailleurs la même chose : le grand Rien). C’est triste. Vivement le siècle prochain. •
François-Xavier Ajavon est docteur en philosophie, chroniqueur dans Causeur.
Il y a bien longtemps que le pouvoir financier ,politique,cherche à lobotomiser la jeunesse,par la publicité qui prends des allures de lavage de cerveau.Un pouvoir qui sabote l’instruction à l’école en diminuant et tronquant l’histoire des racines gréco-romaines.La jeunesse ne doit pas pouvoir penser,réfléchir,revenir à l’essentiel,au sens de leur vie.La jeunesse est formatée pour consommer.Avec les nouvelles technologies,c’est le meilleur moyen de sortie de la réalité et de devenir passif donc manipulable,quel danger!
Si cela permet aux jeunes de sortir de leurs chambres pour marcher dehors c’est une bonne chose , un petit malin leur a même proposé de sortir les pauvres chiens abandonnés pour leur offrir une balade .. Bonne idée .
Puisqu’il ont les yeux fixés sur un écran ce serait bien en même temps de leur glisser un peu de l’histoire du nom des rues où ils passent ou des monuments qu’ils croisent….
Et puis Pokemon abîme moins les oreilles que les écouteurs branchés en permanence ou les sons discordants d’une musique généralisée quenous sommes obligés de subir dans tous les endroits publics.
Quant au coiffeur de Hollande , le président doit payer pour ses confidences car ses teintures ratées et sa coupe négligée ne justifient pas son salaire. . Mais il donne de l’espoir à tous les » merlans » qui sommeillent !
J’avoue que je prêfère qu’on discute de « riens » plutôt que d’apprendre de nouveaux attentats.
c’est une sorte de jeu de piste si j’ai bien compris ? Avec un rappel des personnages de Nintendo ? Pour moi, c’est plutôt sympathique. Je me rappelle de mes élèves jouant avec les personnages, et moi-même les utilisant pour illustrer des devoirs plutôt austères à leur faire avaler. Et puis ils ont été peints sur les shinkansen (TGV japonais) allant vers la région sinistrée en 2011 pour soutenir les Japonais dont la famille avait péri dans le tsunami.
Je trouve qu’il y a plus urgent que de crier haro sur le pokemon. Mais j’attends qu’il soit disponible en France pour le tester, et si je change d’avis je ferai amende honorable.
J’ai appris l’existence de ce jeu grâce à cet article, c’est dire mon intérêt pour ce genre de divertissement. Je suis trop vieux pour y connaître quelque chose mais il y a quelques années, mes enfants jouaient à ce genre de jeu. Toute la difficulté en tant que parents est de s’opposer à ce genre de débilités et à en priver ses enfants.
Le faire les expose aux moqueries de leurs camarades et à la marginalisation à l’école et au collège. On peut toutefois les prévenir sur le but réel de ces jeux qui est de contribuer à la crétinisation des masses.
Par ailleurs tant que ces bidules se vendront comme des petits pains à travers le monde, on peut quelque part en déduire que la mondialisation se porte bien et est encore puissante.
Il est donc assez moral de dénigrer ces inventions bien souvent nocives voire dangereuses pour la santé des utilisateurs. Sur un sujet inattendu, on fait ainsi acte de dissidence.
Les jeux dits « intelligents »sont rares, la marelle ou »cligne musette » ne nous apprenait pas grand chose et tout le monde n’aime pas le bridge ou les échecs. Le football n’est pas plus intelligent que le vélo, c’est un sport tout comme la marche à pied qu’elle soit pour lécher les vitrines ou chercher la petite bête du Pokemon.. .
Et de temps en temps on peut aussi voir le verre à moitié plein ,ça permet aux jeunes d’accepter mieux leur époque et d’éviter la déprime qui semble être le lot commun.
excusez-moi, je me rappelle (de à supprimer) mes élèves…