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Il est vivement recommandé de se plonger dans cet essai conséquent ; réédition augmentée d’un livre paru pour la première fois en 2004, qui, au-delà de l’heureuse et optimiste invite de l’auteur à recouvrer « la liberté des Anciens » chère à Benjamin Constant, apporte un précieux argumentaire à opposer aux tenants actuels et nombreux des creuses et débilitantes incantations que sont la République et ses supposées « valeurs ».
La force du propos réside dans la réfutation exemplaire des droits de l’homme en tant que préceptes incréés, principes transcendantaux, proverbes canoniques a priori préexistant aux hommes. « Aucun État ne saurait les créer, les octroyer ou les abroger, puisqu’ils sont antérieurs et supérieurs à toute forme sociale et politique ». Ce n’est d’ailleurs pas le moindre des paradoxes révolutionnaires que d’avoir voulu extirper Dieu de la conscience humaine pour lui substituer la Raison prétendument « naturelle » éclairée ex nihilo par on ne sait quelle entité démiurgique à laquelle, par exemple, un certain Robespierre vouait un culte sous le nom de l’Être Suprême.
La Déclaration des droits de l’homme de 1789, parce qu’elle « marque en un sens le triomphe de l’Individu » majuscule, selon l’observation de Louis Dumont, « correspond à une étape fondamentale de la mise en place d’une modernité qui s’est posée comme déconstruction systématique des siècles communautaires », en conclut fort logiquement de Benoist. En cela, l’avènement des droits de l’homme constitue l’épiphanie de la postmodernité qui adviendra, soit, comme l’écrit Pierre le Vigan, « l’intensification de la modernité » se traduisant par un fétichisme fanatique du progrès et l’affranchissement enfiellé de toutes les limites innées et acquises, biologiques et culturelles.
On saura gré à Alain de Benoist de retracer la généalogie philosophique et politique d’une véritable idéologie dont le caractère protéiforme et l’intarissable plasticité procédurale et discursive consacrent de façon permanente le règne sans partage du relativisme absolu. Tout se vaut à l’aune de sa propre souveraineté individuelle. Le bien commun se dilue dans une volonté générale qui n’est, finalement, que la subsumption des intérêts particuliers forcément égoïstes. La hiérarchie cède le pas au contrat et à ses corollaires : la liberté (et son extrémité libertaire) et l’égalité (et son excroissance antidiscriminatoire). C’est ainsi que l’on parvient à inscrire dans le marbre de la loi la reconnaissance du « mariage » homosexuel, au nom de ce que Heidegger appelle une « métaphysique de la subjectivité ».
À ce stade de la réflexion, l’on s’interroge sérieusement sur ce que l’on ne peut craindre, désormais, d’appeler la fiction narrative des droits de l’homme, d’autant que l’historicité du concept a emprunté successivement à divers mythes supposés fondateurs (dans l’acception littérale du terme), comme la Raison, la dignité humaine ou l’humanité. « Or, si les droits de l’homme ne peuvent être fondés en vérité, leur portée s’en trouve fortement limitée : ce qu’ils peuvent avoir de juste se trouve ruiné d’emblée par l’incapacité à démontrer la vérité de leurs fondements. Ils ne sont plus que des « conséquences sans prémisses », comme aurait dit Spinoza ». Magistral !
À la lecture de cet essai, on prend clairement la mesure de cette mystique démocratique (pour parler comme Louis Rougier) aux effets d’autant plus émollients sur l’esprit public qu’il l’a moralement avachi jusqu’à la veulerie. Dès lors, on ne doit guère s’étonner de l’innocuité de son discours face à un islam étendant sereinement son emprise. •
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