Les Américains viennent de terminer la construction d’une première base à Deveslu, en Roumanie, la seconde devant être achevée en Pologne d’ici à 2018 : le climat de tension avec la Russie entretenu par Washington place les Européens en première ligne.
Les 2 et 3 décembre 1989, trois semaines après la chute du mur de Berlin, les présidents George Herbert Bush (le père) et Mikhaïl Gorbatchev, accompagnés de leurs ministres des Affaires étrangères, se rencontraient au large de l’île de Malte, à bord du croiseur soviétique Maxim Gorki. Durant ces deux journées historiques, les dirigeants des deux superpuissances de l’époque allaient s’efforcer d’éviter que le profond ébranlement subi par le bloc soviétique ne se transforme en une situation incontrôlable susceptible de déboucher sur un conflit planétaire. Le chef du Kremlin, hanté par la menace d’un naufrage économique et déjà résigné à la perte de son glacis est-européen, n’avait plus que deux objectifs en tête : sauver ce qu’il restait de l’Empire et arracher la promesse d’une aide financière massive des pays occidentaux.
Aussi fit-il d’emblée une concession que son homologue américain n’avait peut-être jamais espérée : il se dit disposé à rapatrier les centaines de milliers d’hommes de l’Armée rouge stationnés chez les satellites européens de l’URSS, quelles qu’en fussent les conséquences politiques, à une unique mais impérative condition. Il exigea du président américain la promesse solennelle que les états-Unis ne mettraient à aucun moment ce retrait à profit pour avancer leurs propres troupes en direction des frontières soviétiques ou pour accepter l’entrée d’anciens pays membres du pacte de Varsovie dans l’OTAN.
Le secrétaire d’Etat américain et homme de confiance de Bush, James Baker, se serait exclamé alors sur le ton de la plus parfaite sincérité : « Soyez-en certain, nous n’avancerons jamais d’un pouce. Pas d’un pouce ! » De l’aide financière attendue, le pauvre Gorbatchev ne vit jamais un seul dollar. Mais les concessions faites sur le Maxim Gorki, rapidement connues des organes de sécurité soviétiques, lui valurent la défection immédiate des derniers éléments de l’armée et du KGB qui lui étaient restés fidèles. C’est à ce moment-là que le dernier président de l’Union Soviétique signa son arrêt de mort politique.
Agitation militaire
Un demi-siècle plus tard, tous les anciens pays membres du Pacte de Varsovie ont adhéré à l’OTAN et – choix hautement symbolique ! – c’est dans cette dernière capitale que Barak Obama a décidé de rassembler l’ensemble de ses féaux européens à l’occasion du sommet annuel de l’Alliance atlantique qui s’ouvrira le 8 juillet. Objectif principal de cette réunion selon le chef de la diplomatie polonaise, Witold Waszczykowski : convaincre les principaux partenaires des états-Unis de la nécessité d’augmenter sensiblement leurs budgets de la Défense de manière à faire face « à la menace croissante d’une invasion russe ». Rien n’a d’ailleurs été négligé, depuis quelques mois, pour accréditer la thèse d’une offensive russe imminente : exercice Cold Response en Norvège du 19 février au 22 mars, avec la participation de 15 000 soldats et d’un énorme matériel.
Manœuvres communes des armées américaine et finlandaise en mars. Enfin, au début de juin, sur les territoires de la Pologne et des trois états baltes, ex-Républiques soviétiques, organisation des manœuvres dites Anaconda, les plus spectaculaires menées par l’Otan depuis 1989 : 30 000 hommes des unités d’élite de 18 pays, 3000 véhicules, 105 avions et 15 navires patrouillant dans les eaux de la Baltique. Tout ce remue-ménage pour être en mesure de déclarer « opérationnelle », à l’ouverture du sommet de Varsovie, la nouvelle force Fer de Lance à haute réactivité, tournée exclusivement vers l’Est, dont la création avait été annoncée en 2014, au plus fort de la crise ukrainienne.
Barak Obama avait donné le ton, dès sa rencontre du 25 avril dernier à Hanovre avec les principaux dirigeants européens, en appelant Angela Merkel – traitée tout au long de l’entrevue avec la considération due au chef naturel de l’Europe – à déployer une partie de l’armée allemande en Pologne et dans les pays Baltes ! Il se murmure d’ailleurs que François Hollande a été profondément humilié lors de ces entretiens par l’attitude condescendante affichée à son endroit par le chef de la Maison-Blanche dont il s’est pourtant employé à satisfaire toutes les exigences depuis son accession à l’Elysée.
Dans une quasi-clandestinité, n’est-il pas allé jusqu’à faire adopter par le Conseil des ministres du 4 janvier 2016, puis par les quelques députés présents dans l’hémicycle du Palais-Bourbon, le 7 avril suivant, un projet de loi permettant la ré-adhésion de la France au protocole de 1952 fixant « le cadre juridique du stationnement des quartiers généraux de l’OTAN et de leurs personnels » ? En fait, ce texte rend à nouveau possible à l’avenir la réinstallation de bases américaines sur le territoire français.
Dangereuse stratégie
Cette soumission des Européens à la stratégie de la tension avec la Russie voulue par Washington sera illustrée de manière encore plus éclatante, lors du sommet de Varsovie, par l’annonce du passage sous responsabilité de l’OTAN du « bouclier antimissile » dont les Américains viennent de terminer la construction de la première base à Deveslu, en Roumanie, la seconde devant être achevée en Pologne d’ici à 2018. Le Wall Street Journal a révélé, il y a quelques semaines, combien le transfert des états-Unis à l’OTAN de ce prétendu système antimissile – en lequel Vladimir Poutine voit une menace directe pour la sécurité de son pays – provoquait l’inquiétude de nombreux hauts fonctionnaires français de la Défense qui ont multiplié les avertissements en direction de l’élysée. Pour ces derniers, il ne fait aucun doute que le contrôle effectif de ce « bouclier » de l’OTAN restera exclusivement entre les mains des hommes du Pentagone.
Les états-Unis œuvrent-ils alors sciemment au déclenchement d’une guerre avec la Russie sur le continent européen que, selon la quasi-totalité des experts, les forces de l’OTAN seraient assurées de perdre en moins de quarante-huit heures ? L’hypothèse apparaît tellement folle que chacun cherche des motifs cachés aux propos bellicistes de Washington : volonté de ressusciter l’ancienne menace soviétique pour restaurer la cohésion d’une Alliance atlantique n’ayant plus vraiment de raisons d’être ?
Désir de s’assurer le maintien de la servilité des principaux dirigeants européens ? Ou piège tendu au Kremlin pour l’amener à se lancer dans une nouvelle course aux armements au détriment d’une économie russe déjà gravement touchée par les sanctions occidentales et par la chute des prix du pétrole ? En attendant, force est de constater les ravages provoqués par une politique américaine aveugle et sourde aux réalités du monde : tandis qu’un climat de guerre froide se répand à nouveau en Europe, Moscou et Pékin se rapprochent de plus en plus étroitement dans une alliance de fait contre Washington. On a connu des diplomaties plus habiles… •
QUE viennent faire les américains en Europe première question ? ils se comportent commes les islamistes : ILS ENVAHISSENTnous imposent leurs lois et leurs desirs de nous assujettir NE SERIONS NOUS PLUS LE PAYS DES LUMIERES , De quel droit ? CEUX LA AUSSI NOUS DEVRIONS LES METTRE DEHORS ils foutent la pagaille de partout sous prétexte d’aider la veuve et l’orphelin NOUS NE SOMMES NI L UN NI L AUTRE et ce n’est pas fini avec leur TAFTA ils finiront de nous anéantir finir fait, nous avons élus des nullités dépéchons de réagir à la FRANCAISE nous en avons vu d’autres il me semble ?
Trés pertinente analyse de GV .La question de savoir quelles sont les vraies intentions des Américains quant a une possibilité de conflit ou les malheureux européens de l’Est surtout seraient la chair a canon parait ,en logique normale,incroyable! Rappelons cependant la formule de Clemenceau : »La guerre est une chose trop serieuse pour la laisser conduire par des militaires….. » Appliquée a la politique mondiale et au vu de ce qu’ils ont réalisé au Moyen Orient en Afghanistan et d’autres lieux on pourrait dire qu’elle est une chose trop grave pour la laisser aux mains des Yankees……Hélas ils disposent de la puissance……Il se dit qu’une faction a Washington pousse a cette guerre.
Esperons que leur politique ne vise qu’a conserver leur leadership mondial ,menacé par le renouveau russe et la montée asiatique ,chinoise et indienne a terme. Je comprends mal leur politique qui pousse a l’alliance russo-chinoise. Ne doit-on pas diviser pour regner?
Seule explication que je voie : la crainte des USA d’une alliance euro-russe .D’ou la vigueur des attaques menées par les medias européens et particulierement français (Clairement aux mains des suppletifs des USA) contre Poutine et la Russie……(meme le « dopage russe » qui fait bien rire tous ceux qui ,s’interessant au sport,connaissent l’état « mondial » de la question……!)
Je ne sais trop que penser de l’analyse argumentée de M. Gilles Varange. Il est sûr en revanche qu’annoncer avec grandiloquence la soit disant « fin de l’Histoire » lors de la chute du Mur de Berlin était une illusion et une sottise de la part de son auteur. Le monde et l’Histoire continuent bel et bien leur cours et il serait temps que la France se réveille et s’attache à déterminer où sont ses intérêts les plus essentiels à cours et long terme et à agir en conséquence.
l’exposé de M.Gilles Varange est sûrement intéressant,malgré quelques lacunes dans son énuméré historique.
Mais je ne vois pas très bien où il veut en venir,si ce n’est à la faiblesse de la France républicaine,-plus précisément à la sauce »Hollandaise »( dans tous les domaines)depuis 2012-,face à la puissance des Etats-Unis.
Les autres argumentaires sont beaucoup moins pertinents,surtout ceux qui ne sont pas assortis d’une vraie signature,ou qui se cachent peureusement derrière un nom imaginaire(cf. »Richard Portier »)
Excellente chronologie que nous offre GV sur un sujet crucial au cœur de l’Europe. Je me permets d’apporter mon grain de sel.
L’atonie de Gorbatchev face à James Baker, dans la partie qui se jouait à la fin de l’URSS, reste un mystère pour beaucoup. Voir les dix pages de mme Carrère d’Encausse dans «Six années qui ont changé le monde : 1985-1991, la chute de l’Empire soviétique », ou les recherches de l’universitaire américaine Mary Elise Sarotte « Une promesse non tenue ? Ce que l’Occident a vraiment dit à Moscou sur l’expansion de l’OTAN», qui a exploité les notes personnelles déclassifiées de James Baker.
La politique étrangère des USA est toute entière dictée par Zbigniew Brzeziński, et ses fondations, la Trilatérale et le Council on Foreign Relations.
Tout est exposé dans son livre de 1997, « Le Grand Échiquier ». La doctrine fut claire dès cette date : pas de départ de l’Europe, encerclement de la Russie, empêcher toute montée en puissance en Eurasie d’un bloc qui pourrait être vu comme concurrent de l’imperium, pas de dissolution de l’OTAN malgré la disparition du Pacte de Varsovie. Résumé du livre chez Berruyer
https://www.les-crises.fr/le-grand-echiquier-de-zbigniew-brzezinski/
Décodage facile car Brzeziński écrit beaucoup, se tient à ce qu’il dit, et dévoile clairement ses objectifs. C’est ainsi que l’Ukraine fut regardé comme la pièce prioritaire à déstabiliser pour la détacher de la Russie. Les rêves de géopolitique américains en étaient là quand cette grande île reçut le choc du discours de Vladimir Poutine de Février 2007 à Munich, rejetant la prospective d’un monde unipolaire. Découvrant brutalement que la Russie avait un patron qui n’était pas manipulable. Dès cet instant Brzeziński mit en route toute la mécanique de propagande et d’intoxication dont les Américains sont capables, contre la Russie et Poutine en particulier. La France fut (et reste) un relais essentiel de cette sordide manœuvre, montrant ainsi la déliquescence de la diplomatie française, et notre affaiblissement considérable. Sans voix vis-à-vis de l’Allemagne à laquelle nous serions en droit de demander fermement des comptes, sur la raison de la présence de 41.000 troupes américaines sur son sol. En bonne politique étrangère Paris devrait avoir la haute main sur la redistribution des cartes en Europe centrale. Impossible avec un Quai d’Orsay où se sont succédé depuis de nombreuses années, agents américains et incompétents notoirement idiots. Nous avons perdu toute crédibilité dans une partie qui exigerait de peser sur des pays comme la Pologne, les pays baltes qui nous doivent beaucoup, et bien sûr l’Allemagne.
Néanmoins la formule « guerre froide », est ambiguë car elle renvoie à une situation sans rapport avec ce que fut l’action du communisme international dans le monde pendant 50 ans (Amérique Latine et Centrale, Afrique et Afrique du Sud, certains pays d’Asie et bien entendu Europe de l’Ouest). On ne sache pas que la Russie de Vladimir Poutine conduise les mêmes actions, même si la propagande de Brzeziński tente de le faire croire.
Désolé ,monsieur Haizet……Je suis bien Richard Portier,né le 22 juin 1941 a Alger (Hitler attaquait la Russie) J’habite Marseille depuis 1964 ou j’ai exercé 36 ans comme chirurgien-dentiste et maitre de Conferences des Universités a la Faculté d’Odontologie.dans le quartier de Menpenti (13010)
Tapez mon nom sur internet.Il y a quelque temps encore on pouvait y voir ma photo au cours d’un congrés. N’étant pas narcissique je ne l’ai regardée qu’une fois,il y a quelques années.
Par ailleurs j’ai donné quelquefois des preuves du simple courage que j’estimais necessaire,notamment dans ma jeunesse algerienne……
Je relis votre commentaire et le mien et franchement ……je prefere le mien……..
fin de la controverse,sans plus d’interet.
Votre intervention est excellente,et solidement documentée comme toujours. Je savais que ZB inspirait toujours la politique americaine. ( il »circule comme chez lui a la Maison Blanche » selon un article récent…..). Je maintiens néanmoins ma perplexité car elle conduit bien a un bloc russo-asiatique. La mainmise actuelle US sur l’Europe et particulierement la France (cf la liste de nos hommes politiques « young fellows » de la French American Fondation entre mille autres faits ) de Hollande ,de Sarkozy et de Juppé etc…justifie sans doute cette prise de risque.
Excellents commentaires. Bravo, Messieurs. Les habituels soupçons de Patrick Haizet nous ont au moins permis d’en savoir un peu plus sur l’excellent Richard Portier.
Je ne m’imaginais pas que ma modeste intervention puisse aboutir à une levée de boucliers de doctes spécialistes,(pardonnez-moi,mais pas nécessairement des USA).
Par contre,je me sens bien coupable vis-à-vis de M.Portier,et auquel je dois des excuses-que je lui présente aussitôt,ici même-.Comble de l’aveu,il me faut confesser que ma peu pardonnable erreur vient de ma pauvre (et trop vieille)vue,laquelle s’est trompée de ligne dans une lecture trop hâtive.Je comprends donc que M.Portier soit revenu sur sa décision de clore le débat plus tôt.
Par ailleurs,je sais que je ne suis certes pas seul à connaître la thèse Brzezinski,longuement rappelée dans ces colonnes-par M.Jean-louis Faure, et soutenue par M.Berruyer.C’est une thèse parmi d’autres,et qui trouve sans doute son origine dans l’anti- communisme notoire et justifiée de Brzezinski.Ce dernier,qui connaissait à fond la technique du mensonge russosoviétique,se voulait plus américain que le président dont il devenait le conseiller.
Cependant,ce que j’ai du mal à saisir,c’est le but de ces belles démonstrations de savoir,et de fidèle mémoire ? Faute de cette précieuse connaissance,je tends à considérer ces exégèses comme d’une utilité très relative-hormis sans doute pour les livres d’Histoire comparative-.
A l’évidence,je ne dirai rien de l’intervention -inutile parce que sans courage- d’un Luc qui attribue des soupçons permanents aux autres(qui ne seraient pas de son avis,sans doute);
quel charabia, non mais quel charabia ! vous ne vous fatiguez pas ?
Quelle élégance de style ! quelle finesse de pensée,en l’absence d’un dictionnaire pour comprendre ! Ce JLF !
Côté français c’est Roland Dumas qui était à la manœuvre. Il apporte des précisions intéressantes dans un volume de ses mémoires « Politiquement incorrect », p. 278. Où les faits dont il a été acteur – témoin, sont isolés de ses commentaires, rendant la lecture aisée. Il nous recense ces journées de début Juillet 1991, sous la présidence de Vaclav Havel à Prague. Dissolution du pacte de Varsovie. Et il commente « on avait négocié la démantèlement des deux pactes. Or l’Alliance atlantique est toujours là … L’équilibre dans le traité final n’a pas été respecté. C’est la cause de nombre de tensions que nous connaissons actuellement … ». Six mois plus tard fin de l’URSS.
On découvre beaucoup d’amertume dans ses commentaires, ayant eu le sentiment évident d’avoir été trompé par les Américains dont il a sous estimé le cynisme et les intérêts. Il a déployé beaucoup d’énergie pour aider les trois pays baltes à s’installer comme pays indépendants et souverains (pour chacun, ce n’est jamais que 3 mios d’habitants), avec l’optique d’effacer les mauvais souvenirs de la tutelle soviétique. Même en n’ayant aucune illusion sur les doubles jeux permanents de la bannière étoilée, Mitterrand et Dumas ne s’attendaient pas à autant de cynisme au cœur de l’Europe. On ne peut que regretter que rien n’ait été écrit – signé sur la redistribution des cartes. Au moins pour exiger le départ des forces américaines qui n’ont vraiment plus rien à faire sur notre continent …
Pour mémoire rappelons que Mitterrand (qui n’est pas une de mes références favorites. On ne pouvait cependant lui denier son intelligence…….mais Giscard avant lui avait montré que l’intelligence a ses faillites……) avait dit en privé a un intime au début des années 90 : « le problème est que nous sommes en guerre avec les USA mais que les gens ne le savent pas ». Lui le savait et pourtant veillait sur la couvée des Young leaders de la French American Fondation qui allaient éclore aprés lui ,produisant les actuels piliers de la social-démocratie du PS……..Vous avez dit faillite?
Pour JLF.Kolossale finesse !