par François Marcilhac
Il y a « une ligne infranchissable : l’Etat de droit » : les Français peuvent être rassurés. Notre Premier matamore, dans un entretien au Monde, a défini, le 29 juillet dernier, la frontière qu’il ne saurait être question de franchir en Hollandie pour lutter contre le terrorisme islamique. C’était trois jours seulement après l’égorgement rituel d’un prêtre célébrant la messe, dans la banlieue de Rouen ; quinze jours après le massacre de Nice, qui avait fait quatre-vingt-quatre morts.
Certes, l’immense écho rencontré dans la société française par l’assassinat d’un prêtre en pleine messe a révélé combien celle-ci est encore marquée par le catholicisme, ce qui, au milieu de la douleur et par-delà la légitime colère, est un signe d’espérance. Car si toutes les victimes de l’islamisme ont, en tant que telles, un droit égal au respect, le fait que, symboliquement parlant — et nous employons cet adverbe à dessein —, l’assassinat d’un prêtre soit ressenti dans sa dimension spécifique et ait même contraint, ne serait-ce que pour des raisons politiques, François Hollande à se rendre à Notre-Dame de Paris, montre combien notre pays est toujours marqué, dans son essence même, et en dépit de tout, par le baptême qui fut à l’origine de sa naissance.
On peut évidemment penser à Paul Reynaud faisant la même démarche en pleine débâcle, le 19 mai 1940, à la tête du gouvernement. Et s’il est vrai que nous n’avons à opposer que ces mantras que sont la « démocratie » et l’ « Etat de droit » comme armes de destruction massive aux cinquièmes colonnes de l’Etat islamique tapies dans « nos quartiers » et prêtes à intervenir sur simple injonction, alors c’est aussi la figure du général Gamelin qui nous vient à l’esprit. Car comment lutter, en se contentant d’invoquer une telle ligne Maginot intellectuelle et morale, contre cet ennemi intérieur que quatre décennies de folle politique migratoire a introduit chez nous, et qu’une politique extérieure erratique a conduit à se révéler comme tel ? D’autant que c’est au nom de ces mêmes principes que la droite puis la gauche ont déstabilisé la Libye et aidé à la déstabilisation du Proche-Orient, libérant un monstre islamiste qui ne demandait pas mieux pour surgir de ténèbres… fort peu épaisses.
Qu’on ne s’y trompe pas ! Nous ne réclamons pas la disparition de nos libertés fondamentales, même si nous envisageons comme intellectuellement possible une restriction temporaire de l’exercice de certaines d’entre elles, comme cela s’est toujours pratiqué en temps de guerre. Encore faut-il avoir un État à la fois capable de prendre ces mesures et de le faire dans le seul souci du Bien commun. Comme le rappelait Jacques Sapir dans nos colonnes, fin juin, la dictature, à Rome, était une magistrature peut-être exceptionnelle, mais, comme telle, conforme à l’ « Etat de droit » — il en est ainsi, sous la Ve république, de l’article 16, de la loi martiale,… et de l’état d’urgence.
Du reste, si celui-ci est devenu une mascarade dans la lutte contre les islamistes, puisque tous les terroristes qui sont passés à l’acte étaient connus de nos services de renseignement, il n’est pas impossible que l’exécutif ne finisse par s’en servir dans son propre intérêt, c’est-à-dire contre les patriotes, surtout si, à la faveur de nouveaux massacres, il le prolonge en 2017, année électorale. Dans Le Figaro des 30 et 31 juillet, Natacha Polony n’hésite pas à demander : « n’est-ce pas ce que certains espèrent : l’action folle d’un militant d’extrême droite, ou d’un simple citoyen indigné perdant son sang-froid, qui permettrait de brandir le spectre du racisme et de réduire au silence aussi bien les candidats à la primaire de la droite […] que les intellectuels courageux » — au rang desquels elle se place — « qui appellent à la résistance par la laïcité, l’intégration et la transmission » ? On a tout lieu de le craindre lorsqu’on entend Manuel Valls ou tel autre hiérarque socialiste reprocher à la droite parlementaire d’être en voie de « trumpisation » quand elle propose pour lutter contre le terrorisme islamiste des mesures « démagogiques » qui s’affranchirait du sacro-saint « État de droit ». La ficelle est un peu grosse, mais que ne peut-on pas faire avaler à un peuple que de nouveaux attentats traumatiseraient gravement ? La majorité légale socialiste sait pratiquer l’amalgame lorsqu’il s’agit d’invoquer l’unité nationale pour mieux diviser les Français et diaboliser tous ceux qui proposent une autre politique de lutte contre l’ennemi intérieur.
Ou font mine de proposer. Car ne nous y trompons pas : les mesures préconisées par la droite parlementaire sont de l’esbroufe, puisque cette dernière a montré, lorsqu’elle dirigeait l’Etat, combien elle était soumise aux diktats de la Cour européenne des droits de l’homme qui, aussi bien pour elle que pour Manuel Valls, définissent précisément ce qu’il faut entendre par « Etat de droit » et « démocratie ». Imagine-t-on que, retournant aux affaires, cette droite molle et lâche, dont les promesses d’autorité n’ont jamais engagé que les nigauds d’électeurs qui croient toujours en elle, romprait avec un catéchisme qui fait le fonds de commerce et du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne, deux instances supranationales avec lesquelles l’actuel pays légal ne veut pas rompre, surtout en matière d’immigration ou de droits fondamentaux …des criminels ?
Si nous quittons, en ce début du mois d’août, ces zones pestilentielles de la démagogie politicienne, sans savoir toutefois, avant que nous ne reprenions la plume début septembre, combien de nouveaux morts nous devrons compter, force est de reconnaître que les lignes bougent en profondeur. Et que des réponses commencent à être apportées aux interrogations sur l’état du pays. C’est le cardinal Vingt-Trois dénonçant le 27 juillet, dans son homélie à Notre-Dame sur le martyre du père Hamel, le prêtre assassiné, le « silence des élites devant les déviances des mœurs et la législation de ces déviances . […] C’est sur cette inquiétude latente que l’horreur des attentats aveugles vient ajouter ses menaces. » C’est Jacques Juillard qui, suivant les traces de Renan, regrette que la France ne soit « devenue intellectuellement et moralement le maillon faible de l’Europe. » Elle « ne sortira du marasme actuel, fait d’angoisse et d’incertitude, que par un renouveau intellectuel et moral. » Et ce républicain de gauche d’ajouter : « Jeanne devant le Dauphin, Clemenceau devant le Parlement, de Gaulle au micro de Radio Londres n’ont qu’un seul et même message : oui le royaume de France existe ; oui la République existe. Oui, la France existe. » [1]
Il nous appartient à nous aussi d’assumer l’histoire de France dans sa totalité, tout en sachant que la tradition est critique. Peu s’aperçoivent, sous les tabous qui demeurent encore, de la révolution intellectuelle et spirituelle aujourd’hui engagée. Nous y participons au plan politique : tel est le sens, chaque année, de notre université d’été, où nous définirons, fin août, dix axes de salut national, pour retrouver les vrais fondements de l’amitié française. Comme le déclare Mgr le comte de Paris, dans l’important entretien qu’Il a bien voulu nous accorder : « Le multiculturalisme est un leurre dangereux, dont le résultat serait une “bouillabaisse” sans espoir et l’éradication des racines de notre civilisation. » Nous en subissons aujourd’hui les conséquences sanglantes. Mais le renouveau sera au bout de l’épreuve, si, du moins, nous savons espérer et lutter.
[1] Le Figaro des 30 et 31 juillet 2016
L’Action Française 2000 [Editorial]
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